Faute de reconnaissance de l’imputabilité au service de l’affection ou de l’accident du militaire concerné, il perdrait un certain nombre de droit, dont notamment, le droit de disposer d’une pleine rémunération pendant 5 ans, et d’une indemnisation au titre de la jurisprudence Brugnot.
Qu’en est-il des conditions d’attribution des CLM/CLDM, des conditions de reconnaissance de l’imputabilité au service des affections des militaires, et des recours possibles ?
1.- Conditions d’attribution des CLDM et CLM.
Le congé longue durée pour maladie (CLDM) est attribué aux militaires ou aux gendarmes ayant épuisé leurs droits à congé maladie ordinaire ou leurs droits à congé du blessé, lorsqu’ils sont atteints d’affections cancéreuses, de déficit immunitaire ou de troubles mentaux présentant une évolution sur le long terme et dont les conséquences professionnelles ou le traitement sont incompatibles avec le service (article R4138-47 du Code de la défense) :
« Le congé de longue durée pour maladie est la situation du militaire, qui est placé, au terme de ses droits à congé de maladie ou de ses droits à congé du blessé, dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions pour l’une des affections suivantes :
1° Affections cancéreuses ;
2° Déficit immunitaire grave et acquis ;
3° Troubles mentaux et du comportement présentant une évolution prolongée et dont le retentissement professionnel ou le traitement sont incompatibles avec le service ».
Le congé longue maladie (CLM), est attribué aux militaires et aux gendarmes, dans les mêmes conditions, lorsqu’ils sont atteints d’une affectation grave et invalidante autre que celles ouvrant droit à congé longue durée pour maladie (CLDM) (article R4138-58 du Code de la défense) : « Le congé de longue maladie prévu à l’article L4138-13 est attribué en raison d’une affection grave et invalidante autre que celles énumérées à l’article R4138-47 (…) ».
S’agissant des CLDM, lorsque l’affection du militaire concerné est reconnue imputable au service, le CLDM est attribué, par renouvellements successifs, pour une durée de 8 ans dont 5 ans à pleine rémunération et 3 ans à demi-solde.
En revanche, lorsque la pathologie n’est pas reconnue imputable au service, le CLDM est attribué différemment selon que le militaire concerné est de carrière ou engagé et selon l’ancienneté du militaire sous contrat [1] :
- Le militaire de carrière peut être placé en CLDM pour une durée maximale de 5 ans, dont 3 ans à pleine solde et 2 ans à demi-solde
- Le militaire sous contrat ayant plus de 3 ans de service, peut être placé en CLDM pour une durée maximale de trois ans, dont un an à pleine solde et deux ans à demi-solde
- Le militaire sous contrat ayant moins de 3 ans de service peut être placé en CLDM pour une durée maximale d’un an et ce, sans rémunération.
S’agissant des CLM, ceux-ci sont attribués par renouvellements successifs pour une durée maximale de trois ans [2].
Lorsque l’affection est reconnue imputable au service, le militaire conserve sa pleine rémunération durant les 3 ans.
Dans le cas contraire, le militaire de carrière ou le militaire engagé ayant au moins 3 ans d’ancienneté, ne conserve sa pleine rémunération que pendant une année, puis perçoit une demi-solde durant 2 ans.
Le militaire engagé ayant moins de 3 ans d’ancienneté ne bénéficie d’un CLM que durant un an sans rémunération.
Ainsi, lorsqu’un militaire ou un gendarme est placé en congé longue durée pour maladie (CLDM) ou en congé longue maladie (CLM), il doit immédiatement vérifier si sa pathologie a été reconnue imputable au service ou non, sous peine de voir sa solde diminuer considérablement à moyen terme.
En cas de refus de reconnaissance de l’imputabilité au service de son affection, le militaire ou le gendarme en cause pourra envisager de former un recours contre la décision de placement en CLDM/CLM auprès de la commission des recours des militaires (CRM) puis, le cas échéant, auprès du tribunal administratif.
2.- Démonstration de l’imputabilité au service et présomption d’imputabilité au service.
Lorsqu’un militaire ou un gendarme estime que sa pathologie a, à tort, été considérée comme détachable du service, il peut saisir la commission des recours des militaires (CRM) pour contester la décision de placement en CLM/CLDM (article R4125-1 du Code de la défense) puis, le cas échéant, le tribunal administratif.
Il appartiendra au militaire ou au gendarme concerné de justifier que sa pathologie ou son accident remplit les conditions de présomption d’imputabilité au service, ou que son affection présente un lien direct et certain avec l’exercice de ses fonctions.
S’agissant de la présomption d’imputabilité au service, l’article L822-18 du Code de la fonction publique, applicable à tous les agents publics la définit comme suit : « Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service ».
Concernant spécifiquement les militaires et les gendarmes, l’article L121-2 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre donne une définition très proche de l’accident de service : « Est présumée imputable au service :
1° Toute blessure constatée par suite d’un accident, quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service (…) ».
Lorsque la maladie ou la blessure n’a pas été contractée dans le temps et le lieu du service, il appartient au militaire ou au gendarme concerné d’apporter la preuve que sa maladie ou son accident est en lien direct avec l’exercice de ses fonctions :
Par son arrêt du 13 mars 2019, le Conseil d’Etat est venu donner une définition de la maladie professionnelle imputable au service en considérant qu’une maladie contractée par un militaire ou un gendarme doit être considérée comme étant imputable au service lorsqu’elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions : « 3. Une maladie contractée par un militaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel du militaire ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service ». (CE 13 mars 2019, req. n° 407795).
Le 10 novembre 2021, le Conseil d’Etat a précisé que le lien entre la pathologie et l’exercice des fonctions doit s’apprécier sans rechercher si l’administration a adopté un comportement de nature à nuire au militaire concerné : « 4. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour estimer que la pathologie dont souffre Mme D... n’était pas imputable au service, la Cour administrative d’appel de Nantes a relevé, notamment, que l’ambiance dégradée au sein de l’unité dans laquelle était affectée la requérante ne visait pas spécifiquement celle-ci, qu’une sanction adoptée à son encontre ne présentait pas de caractère vexatoire et que les justificatifs d’absence qui lui étaient demandés ne caractérisaient aucune volonté de lui nuire personnellement. En recherchant ainsi l’existence de comportements de l’administration dirigés spécifiquement contre la requérante pour écarter l’imputabilité au service de la maladie de celle-ci, alors qu’il lui incombait de rechercher l’existence d’un lien direct entre cette pathologie et l’exercice des fonctions de l’intéressée, notamment au regard de son environnement professionnel, la Cour administrative d’appel a commis une erreur de droit » (CE, 10 novembre 2021, req. n°448135).
Selon le Conseil d’Etat, si les conditions de travail du fonctionnaire sont directement à l’origine de sa maladie, celle-ci doit être regardée comme étant imputable au service, quand bien même son employeur n’aurait pas eu l’intention de lui nuire : « 6. C’est sans erreur de droit que la cour s’est attachée à vérifier l’existence d’un lien direct de la maladie de Mme A...avec l’exercice de ses fonctions et qu’elle a recherché ensuite si des circonstances particulières pouvaient conduire à regarder cette pathologie comme détachable du service. En revanche, en jugeant que l’absence de volonté délibérée de l’employeur de porter atteinte aux droits, à la dignité ou à la santé de Mme A... interdisait de reconnaître l’imputabilité au service de l’affection en cause, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit, dès lors qu’il appartient au juge d’apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l’absence de volonté délibérée de nuire à l’agent, être regardées comme étant directement à l’origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée ».
Ce régime est donc extrêmement favorable aux militaires et aux gendarmes, puisqu’il les dispense de démontrer une faute de l’administration pour pouvoir obtenir l’indemnisation de leurs préjudices.
3.- Recours contre la décision de placement en CLDM/CLM non imputable au service.
Le recours des militaires et des gendarmes contre les décisions de placement en CLDM/CLM doit être exercé dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision contestée (article R421-1 du Code de justice administrative).
A compter de la réception du recours par la commission des recours des militaires (CRM), le ministre des Armées, ou le ministre de l’Intérieur, pour les gendarmes, dispose d’un délai de quatre mois pour faire droit ou rejeter le recours administratif préalable obligatoire.
Faute de décision du ministre des Armées ou de l’Intérieur passé ce délai, le ministre concerné sera regardé comme ayant implicitement rejeté le recours.
Le militaire ou le gendarme concerné disposera alors d’un nouveau délai de 2 mois pour contester la décision implicite ou explicite de rejet du recours par le ministre des Armées ou le ministre de l’Intérieur (article R421-1 du Code de justice administrative).
Parfois, il arrive que le militaire placé illégalement en CLDM/CLM non imputable au service ait été radié des cadres ou rayé des contrôles avant que le juge administratif ne se soit prononcé sur la légalité de la décision de placement en CLDM/CLM.
Dans cette hypothèse, en cas d’annulation contentieuse ultérieure de la décision par le tribunal administratif, le juge pourra enjoindre au ministre des Armées ou au ministre de l’Intérieur, de réintégrer le militaire concerné dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière et ses droits à l’avancement et à la retraite.