Confinement, congés payés et RTT : quelles sont les règles ?

Par David Amanou, Avocat.

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Explorer : # congés payés # rtt # confinement # code du travail

La covid-19 a induit des modifications législatives notamment en droit du Travail et, plus particulièrement, à la prise de congés payés et RTT.
Quelles sont les règles en la matière pendant cette période de confinement ? Que peut vous imposer votre employeur et à quelles conditions ?
Revue synthétique des dispositions contenues dans l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020.
Article vérifié par l’auteur en septembre 2023.

-

J’ai posé mes congés pendant la période de confinement, puis-je les déplacer ?

L’ordonnance n’évoque pas cette question.

En revanche, en vertu de l’article L 3141-16 du Code du Travail, il n’y a aucun droit pour le salarié.

Pour modifier la date des congés, il faudra nécessairement conclure un accord bilatéral avec l’employeur.

A ce jour, je n’ai posé aucun jour de congé : à quelles conditions mon employeur peut-il tout de même me contraindre à les prendre ?

L’article 1 de l’ordonnance du 25 mars 2020 dispose qu’un « accord d’entreprise, ou, à défaut, un accord de branche peut déterminer les conditions dans lesquelles l’employeur est autorisé, dans la limite de six jours de congés et sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d’un jour franc, à décider de la prise de jours de congés payés acquis par un salarié, y compris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris, ou à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés ».

Ainsi, plusieurs conditions doivent être cumulativement remplies pour que l’employeur puisse contraindre son salarié à puiser dans son solde de congés restant alors même qu’il n’en avait posé aucun :
- la signature préalable d’un accord d’entreprise (dans les TPE de moins de 11 salariés, l’accord est acquis dès ratification par au moins deux-tiers des salariés) ou, à défaut, d’un accord de branche ;
- une limite fixée à six jours de congés ;
- un jour franc (c’est-à-dire un jour plein en excluant le jour de la signature, soit le surlendemain si c’est un jour ouvrable) entre la date de signature de l’accord et le moment de la prise de congé.

A noter que la période de congés imposée ou modifiée ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.

Je n’ai pas posé de jour et nous n’avons signé aucun accord : mon employeur peut-il tout de même me contraindre à ponctionner dans mes congés restants ?

Non, l’ordonnance du 25 mars 2020 est parfaitement claire : elle impose l’établissement d’un accord d’entreprise ou de branche.

A défaut d’accord, l’employeur ne peut pas astreindre l’employé à prélever dans le solde de congés restant.

A nuancer toutefois avec le droit commun du Travail puisque, dans certaines hypothèses légalement définies, l’employeur peut imposer les dates de congé dans certaines conditions (entre le 1er mai et le 31 octobre, en particulier pour la fermeture annuelle de l’entreprise, et en respectant un préavis minimum d’un mois etc.).

J’ai déjà posé mes jours cet été : mon employeur peut-il demander à ce que je modifie mes dates et prenne mes congés pendant le confinement ?

L’ordonnance du 25 mars 2020 n’évoque pas cette question.

Par conséquent, c’est le droit commun et, plus précisément, les dispositions de l’article L 3141-16 du Code du Travail de qui prennent le relais.

Il s’en évince que l’ordre et les dates de départ ne peuvent être modifiés « moins d’un mois avant la date de départ prévue », « sauf en cas de circonstances exceptionnelles ».

Ainsi, dans le cas où l’employé a déjà posé ses congés, l’employeur est en droit de modifier les dates en l’obligeant notamment à en prendre pendant le confinement.

Un délai de prévenance d’un mois avant la date de départ initialement fixée doit théoriquement être respecté, sauf à considérer – ce qui paraît plausible - que la situation actuelle est une « circonstance exceptionnelle » au sens du Code du Travail.

Quoiqu’il en soit, en toutes hypothèses, cela signifie que si vous avez posé des congés cet été, l’employeur peut tout à fait vous solliciter afin que vous les déplaciez pendant la période de confinement.

Peut-on me contraindre à poser mes jours RTT ? A quelles conditions ?

Les articles 2 à 5 de l’ordonnance du 25 mars 2020 disposent que les jours RTT, jours de repos liés au forfait jours et jours placés sur un compte épargne temps (CET), peuvent être imposés ou déplacés à certaines conditions :
- « Lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie » ; la formule est opportunément imprécise, certainement afin que les employeurs puissent invoquer cette disposition en de nombreuses circonstances ;
- Avec un maximum de 10 jours RTT ;
- En respectant un préavis minimum d’un jour franc.

A l’instar des congés, la période de jours RTT et de repos imposée ou modifiée ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.

En revanche, contrairement aux congés, une telle décision ne nécessite pas d’accord d’entreprise ou de branche. L’employeur peut y recourir unilatéralement.

Maître David Amanou
Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine
[ldda-avocats.fr]

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 14 avril 2020 à 12:18
    par Machado , Le 10 avril 2020 à 21:33

    Je travaille dans une pme dans le tp de 150 salariés.
    Avant le confinement nous les membres cse on as refuser l accord proposé par la direction de nous prendre des rtt. L accord q on as signé donne à l entreprise le droit de solder nous congés mais pas les rtt. Apres recevoir les fiches de paie on as constaté que l’entreprise à solde 10 jours de rtt a chaque salarié. Est ce qu’ils on le droit ? Merci d avance

    • par David Amanou , Le 14 avril 2020 à 12:18

      Bonjour,

      Comme indiqué dans l’article, l’article 5 de l’ordonnance permet à l’employeur d’imposer unilatéralement, c’est-à-dire sans motif spécifique et sans nécessité d’un accord d’entreprise ou de branche, la prise de RTT de 10 jours maximum à ses salaréis.
      En dépit de votre refus, votre employeur est donc dans son droit. En revanche, veillez à ce qu’il ne vous impose pas la prise de congés puisque tel n’est pas possible sans accord.

      En espérant avoir pu vous éclairer.

      Bien cordialement,

      Me David AMANOU

  • Dernière réponse : 14 avril 2020 à 12:23
    par ALEXANDRE Annie , Le 10 avril 2020 à 10:35

    Bonjour,
    Je travail dans un établissement privé de Collège Lycée et enseignement supérieur. J’étais en congé maladie le 28 mai 2018 jusqu’au 12 novembre 2019 (1 an et demi), j’ai donc des congés à récupérer. Mon employeur veut m’imposer une semaine, la semaine prochaine sur ces congés là, en plus de la semaine de congés acquis au titre de 2019-2020, a t-il le droit de faire ça ? merci de votre réponse. Cordialement

    • par David Amanou , Le 14 avril 2020 à 12:23

      Bonjour,

      Votre employeur n’est pas dans son droit puisque la limite est de 6 jours même en cas d’accord de branche/d’entreprise.
      N’hésitez pas à lui rappeler les dispositions de l’ordonnance 2020-323 et notamment son article 1.

      Bien cordialement,

      Me David AMANOU

  • Dernière réponse : 10 avril 2020 à 14:50
    par BRIGITTE FORTCHANTRE , Le 8 avril 2020 à 11:39

    Bonjour
    dans mon CET je n’ai placé que des heures travaillées soit 9 JOURS
    l’entreprise peut elle ponctionner ces jours de mon CET pour que je les pose dans cette période de confinement
    ce qui reviendrait à dire que j’ai travaillé 9 jours sans être payée
    merci de votre retour
    bonne journée

    • par Amanou David , Le 8 avril 2020 à 14:44

      Bonjour Madame, oui en effet l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 prévoit que votre employeur peut vous imposer de prendre des jours de votre CET pour les poser pendant cette période de confinement.

      Voici l’article 4 de ladite ordonnance : " Lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, (...) l’employeur peut imposer que les droits affectés sur le compte épargne-temps du salarié soient utilisés par la prise de jours de repos, dont il détermine les dates en respectant un délai de prévenance d’au moins un jour franc" .

      En espérant avoir pu vous éclairer.

      Bien cordialement,

      David Amanou

    • par Catherine FAUCHERY , Le 8 avril 2020 à 23:17

      bonjour

      Je suis assistante maternelle agréée libérale, donc encore un statut différent
      j’ai signé un contrat en année complète en octobre 19 sur lequel est mentionné que chaque année je prendrai 1 semaine durant les vacances de printemps
      Cette semaine tombe la semaine prochaine, en plein confinement
      DU FAIT QUE CES CONGES soient pour moi du CONGE SANS SOLDE (pas encore acquis), je les ai annulés par mail le 22 mars
      mon employeur m’a répondu :"celui-ci ne m’a pas paru nécessiter une réponse de ma part".

      puis s’y oppose invoquant une difficulté à reporter ces congés
      Or c’est une annulation pas un report
      peut-il m’obliger à les prendre avec RETRAIT DE SALAIRE ? ou en fonction de cette situation inédite et du fait que dans notre profession l’ass mat fixe ses dates, il m’est possible de les annuler ?

      Mes congés devant démarrer le mardi 14 comment sera rémunéré le lundi de Pâques, jour férié en période "normale" payé et non travaillé

      personne n’est en mesure de me donner une réponse précise vu que nous avons un statut très différent, une CCN qui nous donne un avantage qu’une ordonnance nous a fait perdre pour le paiement de notre salaire

      merci d’éclairer ma lanterne
      sincères salutations

    • par CLAIR , Le 10 avril 2020 à 14:50

      Bonjour,

      Je suis actuellement en congé maternité jusqu’au 23 avril inclus.
      J’ai déposé une demande de demision et mon contrat se termine le 04 mai inclus.
      Peuvent-ils avec la nouvelle ordonnance m’imposer des congés alors que je suis sur mon préavis de démission si le confinement se prolonge ?

      Merci par avance

      Cordialement

  • Bonjour. Sans accord et sans communication, nous avons tous constaté au sein de mon entreprise que nous avions été amputés d’1,5 jours sur notre droit aux congés mensuels. Nous sommes en chômage partiel depuis le 16 mars ? Notre employeur peut-il et sur quelle base nous retirer ces jours de congés ouvrables ?

    • par David Amanou , Le 10 avril 2020 à 12:46

      Bonjour Monsieur, s’il n’y a pas d’accord et que vous n’aviez pas posé ces jours, il n’y a pas de base légale.
      Interrogez votre employeur sur ces motivations et n’hésitez pas à contester le cas échéant.

      Bien cordialement,

      Me David Amanou

  • Bonjour,
    J’étais en congés lorsque le confinement a débuté le 18 mars.
    Je reprend le travail comme prévu fin mars.
    Or mon employeur a décidé unilatéralement une obligation de poser 6 jours de congés entre 1er avril et fin avril.
    Ce qui ferait pour ma part un cumul de 15 jours de congés (soit 3 semaines prises sur période de confinement)
    Le texte régissant cette possibilité pour l’employeur peut-elle être restreinte sur 1 mois ?
    Merci par avance pour votre avis.

    • par David Amanou , Le 10 avril 2020 à 12:48

      Bonjour,

      Malheureusement pour vous, l’employeur est dans son droit si un accord d’entreprise ou de branche a été ratifié en ce sens.
      Le fait que vous avez déjà pris des jours les semaines précédentes ne restreint pas ce droit. Vous pouvez néanmoins toujours négocier en lui exposant la situation.

      En espérant avoir pu répondre à vos interrogations.

      Bien cordialement,

      Me David Amanou

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