Déclaration de saisine : la mention des chefs du jugement critiqué n'est pas nécessaire. Par Benoit Henry, Avocat.

Déclaration de saisine : la mention des chefs du jugement critiqué n’est pas nécessaire.

Par Benoit Henry, Avocat.

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Explorer : # déclaration de saisine # effet dévolutif # code de procédure civile # cassation

La déclaration de saisine n’est pas une déclaration d’appel : ce n’est pas un recours, mais la poursuite de l’instance antérieure à l’arrêt cassé.

Dès lors, elle peut ne faire référence qu’à l’étendue de la cassation et a vocation à saisir la Cour de renvoi de l’intégralité du litige cassé.

La mention des chefs du jugement critiqué n’est donc pas nécessaire.

C’est ce que vient de juger la Cour de cassation.

Article actualisé par son auteur en janvier 2025.

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La Cour de cassation s’est par deux fois prononcée par la négative le 14 janvier 2021 (pourvoi n°19-14293) et le 9 septembre 2021 (Civ. 2ème 9 septembre 2021 F-D Arrêt n°796 - Pourvoi n°20-13.371) quant à l’obligation de viser les chefs du jugement attaqués dans l’acte de saisine et sur les conséquences d’un tel manquement.

Le décret du 6 mai 2017 comporte bien des zones d’incertitudes.

La juridiction de renvoi doit être saisie par déclaration au greffe de cette juridiction.

1°- La déclaration de saisine n’est pas une déclaration d’appel.

L’article 1032 du Code de procédure civile énonce à cet égard en son premier alinéa que :

« La juridiction de renvoi est saisie par déclaration au greffe de cette juridiction ».

Et l’article 1033 du même code ajoute que :

« La déclaration contient les mentions exigées pour l’acte introductif d’instance devant cette juridiction ; une copie de l’arrêt de cassation y est annexée ».

Par conséquent, si l’arrêt de cassation emporte un renvoi vers une cour d’appel désignée, ce renvoi n’entraine pas ipso jure la saisine d’office de cette cour de renvoi.

Il appartient bel et bien aux parties qui y ont intérêt, et ce en fonction de la portée de la cassation prononcée, de confectionner un acte formel de saisine.

A l’instar des autres actes introductifs d’instance, la déclaration de saisine doit comporter la désignation exacte et complète des parties à l’instance.

En vertu des dispositions de l’article 114 du Code de procédure civile, la méconnaissance de cette disposition ne peut être sanctionnée que si elle cause grief à la partie adverse.

La déclaration de saisine doit contenir les mentions exigées pour l’acte introductif devant la juridiction d’appel, ainsi qu’une copie de l’arrêt rendu par la Cour de cassation (au format PDF en cas de transmission par le RPVA).

Seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

La déclaration de saisine de la juridiction de renvoi, devant laquelle l’instruction est reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation ne constitue pas une nouvelle déclaration d’appel.

Par suite, en cas de renvoi après cassation, l’effet dévolutif de l’appel s’apprécie à la lumière du seul acte d’appel et non au regard de la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi ; qu’en appréciant l’étendue de sa saisine au regard de l’acte de saisine de la juridiction de renvoi et en considérant que cet acte.

A défaut d’énoncer les chefs du jugement critiqués, la déclaration n’est pas dépourvue d’effet d’évolutif de sorte qu’elle est saisie de l’entier litige.

La cour d’appel qui déclarerait dès lors une déclaration de saisine comme dépourvue d’effet dévolutif violerait les articles 2 du Code civil, 562, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du décret n° 2017-1227 o du 6 mai 2017, 631 et 1032 du Code de procédure civile.

2°- La mention des chefs du jugement critiqué n’est donc pas nécessaire.

Par renvoi aux dispositions des articles 901 ou 933 du Code de procédure civile, l’appelant ou la partie saisissant la cour de renvoi doit-il désormais délimiter la saisine de la juridiction, comme l’appelant son appel ?

La Cour d’Appel de Poitiers s’est prononcé le 22 janvier 2019 par la négative [1].

Elle relève que :

« si la déclaration de saisine contient les mentions exigées par l’acte introductif d’instance devant la juridiction de renvoi, il ne s’agit pas pour autant d’une déclaration d’appel : la déclaration de saisine n’est pas un acte de recours, mais ne fait que poursuivre la procédure ayant débouché sur la décision cassée. Dès lors les mentions exigées ne peuvent être que l’indication de l’arrêt de cassation (…) Il en va de même s’agissant des chefs de jugement expressément critiqués, la déclaration de saisine après renvoi de cassation ne peut faire référence qu’à l’étendue de la cassation (…) La Cour d’appel a vocation à connaître de l’intégralité du litige, puisque la cassation de l’arrêt est totale. Par conséquent, à l’inverse de la déclaration d’appel qui doit désormais circonscrire l’appel aux chefs du jugement expressément critiqués, la déclaration de saisine après cassation a vocation à saisir la Cour d’appel de l’intégralité du litige si les parties ne concluent pas, puisqu’elles sont alors réputées s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elles avaient soumises à la Cour d’Appel, conformément aux dispositions de l’article 1037 ».

La Cour d’Appel de Versailles s’est prononcée le 24 janvier 2019 par la négative [2].

Elle relève que :

« Considérant qu’aux termes de l’article 625 du Code de procédure civile, sur les points qu’elle atteint, la cassation replace les parties dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt cassé ; qu’il s’ensuit que la procédure se trouve alors en l’état d’un appel déjà interjeté qui fixait déjà les limites du litige au second degré. Considérant que l’arrêt de cassation joint à l’acte de saisine de la cour de renvoi détermine les points sur lesquels porte la cassation et par conséquent ceux restant à juger parmi ceux déterminés par l’acte d’appel devant la première cour saisie, sauf à l’auteur de la saisine à y renoncer pour limiter les effets de la décision de la cour suprême ; qu’il s’ensuit que la mention des chefs de jugement expressément critiqués est sans objet, s’agissant du renvoi de cassation. »

La Cour de cassation s’est encore par deux fois prononcée par la négative le 14 janvier 2021 (pourvoi n°19-14293) et le 9 septembre 2021 [3] quant à l’obligation de viser les chefs du jugement attaqués dans l’acte de saisine et sur les conséquences d’un tel manquement.

Elle relève que : seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement ; que la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi, devant laquelle l’instruction est reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation ne constitue pas une nouvelle déclaration d’appel ; que par suite, en cas de renvoi après cassation, l’effet dévolutif de l’appel s’apprécie à la lumière du seul acte d’appel et non au regard de la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi ; qu’en appréciant l’étendue de sa saisine au regard de l’acte de saisine de la juridiction de renvoi et en considérant que cet acte, à défaut d’énoncer les chefs du jugement critiqués, était dépourvu d’effet d’évolutif de sorte qu’elle n’était saisie d’aucun litige, la cour d’appel a violé les articles 2 du Code civil, 562, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du décret n° 2017-1227 o du 6 mai 2017, 631 et 1032 du Code de procédure civile ;

Pour la Cour de cassation et selon ce dernier arrêt, il n’existe pas une similitude entre les formes de la déclaration de saisine de la cour de renvoi et celles de la déclaration d’appel.

La Cour de cassation précise d’ailleurs à cette occasion que la déclaration de saisine n’est pas un acte d’appel et que, par voie de conséquence, elle ne peut avoir pour effet de limiter l’étendue de la saisine de la Cour de renvoi.

La question de l’effet dévolutif de l’appel devant la Cour de renvoi ne semble donc plus devoir alors qu’être interprétée au vu de la saisine de la cour d’appel cassée par la Cour de cassation mais au regard de la déclaration d’appel initiale et la mention des chefs du jugement critiqué n’est donc pas nécessaire.

3°- La Cour de cassation laisse toutefois ouverte la possibilité aux parties de soulever une nullité de forme dans la déclaration de saisine.

La Cour de cassation s’est prononcée le 14 janvier 2021 [4] et le 9 septembre 2021 [5].

Elle relève que :

« l’irrégularité affectant la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi qui n’indiquerait pas les chefs du jugement critiqués constitue un vice de forme, dépourvu d’incidence sur l’effet dévolutif de l’appel, lequel s’apprécie au regard du seul acte d’appel ; qu’en se fondant, pour retenir que la déclaration de saisine de la cour de renvoi, faute d’avoir énoncé les chefs du jugement critiqués, était dépourvue d’effet d’évolutif, sur l’article 1er du décret no 2017 1227 du 2 août 2017 duquel il résulte que les déclarations de saisine de la juridiction de renvoi, déposées à compter du 1ᵉʳ septembre 2017, doivent énumérer les chefs du jugement critiqués, cependant que cette disposition était sans emport sur l’effet dévolutif de l’appel, lequel devait être apprécié au regard des règles en vigueur à la date de la déclaration d’appel, la cour d’appel a violé les articles 2 du Code civil, 1ᵉʳ du décret no 2017-1227 du 2 août 2017, 562, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du décret no 2017-1227 du 6 mai 2017, 631, 1032 et 1033 du Code de procédure civile ».

La possibilité est ainsi ouverte aux parties de soulever une nullité de forme de la déclaration de saisine qui serait imprécise, à charge pour celui qui l’invoque de convaincre d’un grief qu’il subirait du fait du manquement constaté.

Si la Cour de cassation nous déclare que la déclaration de saisine n’est pas une déclaration d’appel, c’est seulement en effet pour en tirer la conséquence que le défaut de visa des chefs du jugement attaqué ne paralyse pas l’effet dévolutif, lequel a déjà joué sur le premier appel formé qui fut cassé.

Elle n’écarte pas que le manquement à l’obligation de viser les chefs du jugement attaqué dans l’acte de saisine puisse constituer une cause de nullité de l’acte, ce qui au demeurant semble découler du texte même de l’article 1033 et du renvoi aux formes de l’article 901 et subséquemment 58 du Code de procédure civile.

Force est de constater que cette question de l’effet dévolutif autour de la saisine après cassation de la Cour de renvoi semble désormais solutionnée.

Après cassation les parties saisissent la cour d’appel de renvoi par déclaration de saisine dans les conditions de l’article 1037-1 du Code de Procédure Civile.

Force est de constater qu’il est moins courant de se heurter à des caducités de déclaration de saisine.

La procédure de renvoi après cassation n’est pas une procédure ordinaire et les textes ne sont pas les mêmes.

Le texte qui régit la procédure de renvoi après cassation est l’article 1037-1 du Code de Procédure Civile lequel nous indique que :

« les ordonnances du Président de la Chambre ou du magistrat désigné par le Premier Président statuant sur la caducité de la déclaration de saisine de la Cour de renvoi ou sur l’irrecevabilité des conclusions de l’intervenant forcé ou volontaire ont autorité de la chose jugée. Elles peuvent être déférées dans les conditions de l’article 916 du Code de Procédure Civile ».

Le déféré de l’ordonnance du Président en renvoi après cassation est donc ouvert par principe.

Cependant, sur renvoi après cassation est irrecevable le déféré de l’ordonnance du Président rejetant la caducité de la déclaration d’appel, les articles 1037-1 et 916 alinéa 2 du Code de procédure Civile n’ouvrant le déféré que s’il est mis fin à l’instance.

4°- L’étendue de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt de cassation.

La Cour de cassation s’est prononcée le 2 mai 2024.

Elle relève que : « Il résulte de l’article 624 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2014-1338 du 6 novembre 2014, que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce et qu’elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire. Encourt la cassation l’arrêt d’une cour d’appel, par lequel celle-ci a réduit sa saisine au regard du moyen de cassation et non au regard du dispositif de l’arrêt de cassation ».

L’arrêt rendu par la Cour de cassation dans un litige marque, en principe l’achèvement de celui-ci.

Mais il ne faut pas oublier qu’en cas de cassation, les hostilités sont le plus souvent appelées à reprendre devant une juridiction de renvoi et il sera alors nécessaire de circonscrire l’étendue de la cassation.

Aux termes de l’article L431-4 du Code de l’Organisation Judiciaire :

« En cas de cassation, l’affaire est renvoyée, sous réserve des dispositions de l’article L411-3, devant une autre juridiction de même nature que celle dont émane l’arrêt ou le jugement cassé ou devant la même juridiction composée d’autres magistrats. Lorsque le renvoi est ordonné par l’assemblée plénière, la juridiction de renvoi doit se conformer à la décision de cette assemblée sur les points de droit jugés par celle-ci ».
Aux termes de l’article 624 du Code de Procédure Civile, la cassation était « limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire ».

Mais la Cour de cassation a largement dissipé le flou qui entourait cette formule en soulignant que les parties pouvaient toujours invoquer des prétentions ou des moyens nouveaux devant la cour d’appel de renvoi.

Le décret lui a donné le coup de grâce en lui préférant celle, plus évocatrice, selon laquelle l’étendue de la cassation est « déterminée par le dispositif de l’arrêt de cassation »

Pour apprécier la portée d’un arrêt de cassation, seul le dispositif compte !

Source.

Civ. 2ème 5 octobre 2023, F-B, n°22-16.906
Articles 624, 631, 1032, 1033 et 1037-1 du Code de procédure civile
Article L431-4 du Code de l’Organisation Judiciaire
Civ. 2ème 2 mai 2024, F-B, n°22-12.473
Civ. 2ème 5 octobre 2023, F-B, n°22-16.906.

Benoit Henry, bhenry chez recamier-avocats.com
Avocat Spécialiste de la Procédure d’Appel
Barreau de Paris
http://www.reseau-recamier.fr/
bhenry chez recamier-avocats.com
Président du Réseau Récamier
Membre de Gemme-Médiation
https://www.facebook.com/ReseauRecamier/

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Notes de l'article:

[1CA Poitiers 22 janvier 2019 RG 18/02230.

[2CA Versailles 24 janvier 2019 RG 17/04408.

[3Civ. 2ème 9 septembre 2021 F-D Arrêt n°796 - Pourvoi n°20-13.371.

[4Civ. 2ème 14 janvier 2021 - Pourvoi n°19-14293.

[5Civ. 2ème 9 septembre 2021 F-D Arrêt n°796 - Pourvoi n°20-13.371.

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