Se défendre face au harcèlement au travail : le rôle clé de l'avocat. Par Sarah Thomas, Avocate.

Se défendre face au harcèlement au travail : le rôle clé de l’avocat.

Par Sarah Thomas, Avocate.

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Explorer : # harcèlement au travail # profession d'avocat # prévention # droits des salariés

Le harcèlement au travail, qu’il soit sexuel, moral ou institutionnel, constitue une violation grave des droits des salariés. Lorsqu’une victime se trouve confrontée à une telle situation, l’avocat peut jouer un rôle crucial pour protéger ses droits, concourir à préserver sa santé physique et mentale, et la défendre en justice.
Cet article explore les différents types de harcèlement, les obligations légales de l’employeur, ainsi que les différentes étapes qui peuvent survenir pour faire face à ces agissements.

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1. Les différents types de harcèlement au travail.

Le harcèlement au travail peut revêtir plusieurs formes. Parmi les plus courants, on distingue habituellement :

Le harcèlement sexuel.

Le harcèlement sexuel au travail est défini par l’article L1153-1 du Code du travail comme

« des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

Ce même article ajoute que le harcèlement sexuel peut également être constitué : « Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée » ou « Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition » ou encore « toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ».

La lecture de cet article démontre que l’appréhension du harcèlement sexuel est large et permet de couvrir la majorité des situations lors desquelles un salarié pourrait se retrouver victime de tels agissements.

Il s’agit d’agissements qui sont également sanctionnés par le Code pénal selon l’article 222-33. D’ailleurs le Code pénal prévoit une peine plus sévère (trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende) lorsque les faits sont commis par une personne ayant autorité du fait de ses fonctions, soit spécifiquement l’employeur ou le supérieur hiérarchique du salarié.

Le harcèlement moral.

Le harcèlement moral est quant à lui défini à l’article L1152-1 du Code du travail.

Sans véritablement cibler les actes précis qui constituent le harcèlement moral, l’article en définie les contours surtout par ces effets :

« les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

L’avantage d’une telle définition et qu’elle ouvre largement le champ des agissements qui peuvent constituer du harcèlement. Aussi, dès lors que les agissements, quels qu’ils soient, vont se répéter et entraîner une dégradation des conditions de travail elle-même à l’origine d’une atteinte aux droits, à la santé et/ou à la dignité du salarié, il sera possible de les caractériser de harcèlement moral.

Il sera noté que le harcèlement moral est également réprimé par l’article 222-33-2 du Code pénal.

Le harcèlement moral institutionnel.

Bien que les termes « harcèlement institutionnel » ou encore « harcèlement managérial » ne soient expressément mentionnés ni dans le Code du travail, ni dans le Code pénal, ces notions existent juridiquement et peuvent entraîner la condamnation de l’employeur.

Une affaire très récente est d’ailleurs venue le confirmer. Dans sa décision du 21 janvier 2025, la chambre criminelle de la Cour de cassation (n° 22-87.145), a affirmé que

« les dirigeants d’une société peuvent être sanctionnés pénalement pour avoir commis un harcèlement moral institutionnel, c’est-à-dire résultant d’une politique d’entreprise conduisant, en toute connaissance de cause, à la dégradation des conditions de travail des salariés » [1].

L’employeur doit donc veiller à ce que les pratiques managériales à l’œuvre dans l’entreprise ne revêtent pas un caractère pathogène qui pourrait alors être qualifié de harcèlement institutionnel.

Le harcèlement horizontal.

S’il n’est pas visé par les textes légaux, le harcèlement horizontal peut également être condamné. Il s’agit d’un harcèlement qui n’est pas commis directement par un supérieur ou l’employeur mais par d’autres salariés sans considération de leur niveau hiérarchique (d’où le terme de harcèlement horizontal).

Ce type de harcèlement peut être plus insidieux, car il n’implique pas directement une hiérarchie dont la manifestation du pouvoir est évidente. Toutefois, il peut tout aussi bien nuire gravement à la santé de la victime en créant une dégradation de ses conditions de travail.

Ce harcèlement horizontal, qu’il soit moral ou sexuel, sera appréhendé de la même façon que si l’employeur en était le responsable et en application des textes du Code du travail et du Code pénal précités.

Ces différentes formes de harcèlement portent atteinte aux droits fondamentaux des salariés, notamment leur droit à la santé et à la sécurité au travail.

2. Le rôle de l’avocat dans le respect par l’employeur de ses obligations en matière de harcèlement.

L’employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés, ce qui inclut la prévention du harcèlement au travail.

Conformément à l’article L4121-1 du Code du travail, l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité physique et mentale de ses employés.

Cette obligation implique plusieurs actions :

La mise en place d’une politique de prévention.

L’employeur doit instaurer des règles claires concernant le respect des droits des salariés, définir des procédures à suivre en cas de harcèlement, et sensibiliser ses employés aux risques psychosociaux.

L’avocat peut ici intervenir pour auditer l’entreprise sur ses pratiques en matière de prévention et proposer à l’employeur des actions à mettre en place pour avoir une politique de gestion des risques psychosociaux efficace. C’est sans aucun doute le meilleur moyen pour l’entreprise de se sécuriser, par une politique préventive efficace.

L’enquête interne.

En cas de signalement de harcèlement, l’employeur doit mener une enquête sérieuse et impartiale pour comprendre les faits et déterminer les responsabilités. L’enquête doit être menée en toute transparence et dans le respect de la confidentialité.

L’avocat dispose de la faculté d’enquêter face aux situations de harcèlement rencontrées dans l’entreprise. Dans la mesure où une telle situation nécessite un traitement objectif et impartial, l’entreprise aura tout intérêt à faire appel à un avocat enquêteur qui pourra coupler sa connaissance du terrain à son expertise juridique pour gérer au mieux la situation.

La prise de sanctions appropriées.

Lorsque le harcèlement est avéré, l’employeur doit prendre des sanctions adaptées à la gravité des faits. Ces sanctions peuvent aller de l’avertissement jusqu’au licenciement du salarié fautif.

Là encore, l’avocat peut accompagner l’employeur dans le choix et la mise en œuvre de la sanction la plus appropriée.

L’employeur peut se voir tenu responsable des agissements de harcèlement s’il ne prend pas les mesures nécessaires pour y mettre fin. Le non-respect de cette obligation peut entraîner des conséquences graves, telles que des poursuites judiciaires devant les prud’hommes ou des sanctions pénales pour des infractions de harcèlement sexuel, par exemple.

3. Le rôle de l’avocat dans la défense des salariés victimes.

Un avocat intervenant en droit du travail joue un rôle clé à plusieurs niveaux face à un salarié qui s’estime victime de harcèlement. Il est le garant de la protection des droits du salarié. Que ce soit pour un harcèlement moral, sexuel ou institutionnel, l’avocat intervient à différents stades du processus :

Le conseil juridique personnalisé.

Il est parfois difficile de qualifier la situation et de savoir s’il s’agit ou non d’un harcèlement. L’avocat pourra dans un premier temps apporter son expertise juridique pour indiquer au salarié si oui ou non sa situation peut s’apparenter à du harcèlement sur le plan juridique. Si c’est le cas, l’avocat commencera par informer la victime de ses droits et des options qui s’offrent à elle.

Il est important que la victime comprenne les recours possibles, qu’il s’agisse d’une démarche amiable ou judiciaire. L’avocat peut aussi conseiller la victime sur la conduite à tenir et la manière de recueillir des preuves essentielles pour la suite de la procédure.

La procédure de contestation.

Si la situation ne se résout pas de manière amiable, l’avocat peut engager une procédure de mise en demeure ou une plainte officielle. Cela peut inclure la rédaction de lettres de mise en demeure à l’attention de l’employeur, l’initiation de démarches auprès des instances compétentes comme le CSE (Comité Social et Économique), ou encore le dépôt de plainte.

La négociation.

Faire appel à un avocat n’est pas toujours synonyme de procès. L’avocat peut jouer un rôle clé dans la négociation entre la victime et l’employeur. Si les faits de harcèlement sont avérés, un avocat peut faciliter une résolution amiable de la situation (via une rupture du contrat qui peut prendre diverses formes : rupture conventionnelle, licenciement, etc mais également un processus d’indemnisation : versement de dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice subi).

La procédure devant le conseil prud’hommes.

Si aucune solution amiable n’est trouvée, la victime peut saisir le conseil de prud’hommes par le biais de son avocat qui aura alors vocation à l’assister et à la représenter. Dans ce cadre, l’avocat constituera un dossier solide à l’aide de la victime pour que le salarié obtienne réparation du préjudice subi.

La procédure pénale.

Le harcèlement, quelle qu’en soit sa forme, étant réprimé par le Code pénal, il sera toujours envisageable de déposer plainte à ce titre. Cela pourra avoir pour effet d’entraîner une enquête et, le cas échéant, des poursuites pénales contre l’employeur et/ou la personne ayant commis les faits de harcèlement.

Attention, s’il est possible d’agir tant devant le conseil de prud’hommes que devant le juge pénal, il est primordial pour le salarié de bien prendre conseil car l’articulation des deux procédures peut avoir des conséquences importantes, notamment s’agissant des délais ou encore des mécanismes d’indemnisations. Il est à ce titre vivement conseillé de recourir à une consultation avec un avocat avant tout dépôt de plainte contre le harceleur ou l’employeur.

La collecte des preuves.

L’avocat joue également un rôle primordial dans la collecte et l’analyse des preuves. Il peut conseiller la victime sur la façon de recueillir des témoignages, des documents écrits, des enregistrements, ou encore des certificats médicaux attestant de l’impact psychologique et physique des faits de harcèlement. Ces éléments sont essentiels pour soutenir la procédure judiciaire et renforcer le dossier de la victime.

4. Le rôle de l’avocat dans l’accompagnement du CSE et des syndicats.

Le Comité Social et Économique (CSE) joue un rôle essentiel dans la lutte contre le harcèlement au travail.

Lorsque des faits de harcèlement sont signalés, le CSE peut mener une enquête interne pour clarifier la situation et proposer des mesures correctives.

Dans une telle situation, il ne peut qu’être recommandé au CSE de se faire accompagner par un avocat, tant pour la réalisation de l’enquête que pour les actions à mener en qualité d’institution représentative du personnel.

S’agissant des syndicats présents dans l’entreprise, ceux-ci ont également leur rôle à jouer en cas de problématique de harcèlement. En effet, pour reprendre le cas du harcèlement institutionnel, les syndicats pourront agir aux côtés des salariés victimes en se constituant dans la procédure judiciaire sur le fondement de la défense de l’intérêt collectif de la profession. Là encore, le recours à un avocat intervenant en droit du travail permettra aux syndicats d’agir pertinemment pour faire valoir l’intérêt global de la profession et des salariés.

Sarah Thomas
Avocate au barreau de Toulouse
Ergo Avocats
https://ergo-avocats.com/

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Notes de l'article:

[1Communiqué de la cour du 21/01/2025.

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