La fin du délai de stand still en matière de procédure adaptée.

Par Antoine Louche, Avocat.

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Explorer : # procédure adaptée # délai de stand still # marchés publics # conseil d'État

L’acheteur public n’est soumis à aucun respect de délai de stand still dans le cadre d’une procédure de passation adaptée (MAPA). Une offre contraire à une convention collective est inacceptable.

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En l’espèce, le grand port maritime de la Martinique avait engagé une procédure adaptée en vue de la passation d’un marché de prestation de sécurité incendie et d’assistance à la personne.

Un concurrent évincé avait alors saisi le juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de Fort-de-France d’une demande d’annulation de la décision rejetant son offre.

Ayant appris que le marché litigieux avait été signé, ce dernier a alors demandé au juge des référés contractuels dudit Tribunal d’annuler le marché en cause.

Par ordonnance en date du 23 août 2013, par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Fort-de-France a considéré qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur ses demandes initiales et a rejeté ses secondes demandes.

Le Conseil d’Etat a censuré l’ordonnance attaquée pour dénaturation des pièces du dossier.

En effet, le juge des référés martiniquais avait validité le motif de rejet de l’offre du concurrent évincé comme étant inacceptable en considérant que cette dernière méconnaissait la convention collective nationale de prévention et sécurité.

Les juges du Palais Royal ont pu constater que le coût de revient des prestations auquel se référé le juge des référés du Tribunal administratif de Fort-de-France ne provenait pas de ladite convention collective mais d’un document d’information économique émanant d’un syndicat professionnel.

Le Conseil d’Etat a également censuré pour erreur de droit le raisonnement contenu dans l’ordonnance attaquée en ce que ce dernier le juge des référés ne s’était fondé que sur le coût global de revient de main d’œuvre figurant dans l’offre du concurrent évincé pour en déduire que cette offre méconnaissait la législation en vigueur, alors que les salaires ne constituent qu’un élément du coût de revient global de main d’œuvre.

Ainsi, la règle est désormais claire, une offre qui méconnaîtrait une convention collective doit être considérée comme une offre inacceptable.

Ce raisonnement ne surprend dans la mesure où, les articles 43 et 44 du Code des marchés publics prévoit l’exclusion des candidats qui ne sont pas en règle sur le plan de leurs obligations sociales ou fiscales.

Le Conseil d’Etat fait donc sur ce point une application assez classique des dispositions du code des marchés publics.

A la suite de cette censure, la Haute Assemblée a indiqué dans le cadre d’un considérant de principe d’utiles précisions en matière d’office du juge des référés dans le cadre d’une procédure adaptée (MAPA).

Ainsi, « (…) les manquements susceptibles d’être utilement invoqués dans le cadre du référé contractuel sont limitativement définis par les dispositions des articles L. 551-18 et L. 551-20 du code de justice administrative citées ci-dessus ; que, lorsque le marché n’est pas soumis à l’obligation, pour le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice, de respecter un délai minimal entre la notification de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une offre et la signature du contrat, l’annulation d’un tel contrat ne peut résulter que, soit du constat des manquements mentionnés aux deux premiers alinéa de l’article L. 551-18, soit de ce que le contrat a été signé, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 551-4 ou L. 551-9 du même code, alors que le tribunal administratif était saisi d’une demande en référé précontractuel ; (…) ».

Autrement dit, par cette décision le Conseil d’Etat vient confirmer ses précédentes jurisprudences aux termes desquelles en matière de procédure adaptée le pouvoir adjudicateur n’est soumis au respect d’aucun délai de stand still.

Les juges du Palais Royal avaient déjà pu en 2011 retenir un tel raisonnement en indiquant au visa de l’article 80 du code des marchés publics que : «  (…) les marchés passés selon une procédure adaptée, (…) ne sont pas soumis à l’obligation, pour le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice, de notifier aux opérateurs économiques ayant présenté une offre, avant la signature du contrat, la décision d’attribution (…) » (CE, 19 janvier 2011, G{}rand port Maritime du Havre, n°343435).

Le Conseil d‘Etat avait confirmé ce raisonnement l’année suivante en précisant que : «  (…) les principes de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats ainsi que la règle de transparence des procédures qui en découle, n’imposent aux pouvoirs adjudicateurs ni d’indiquer aux candidats évincés les motifs du rejet de leurs offres ni de respecter un délai raisonnable entre la notification de ce rejet et la conclusion du contrat (…) » (CE, 29 juin 2012, Société PRO 2C, n°357976).

Pourtant jusqu’à encore tout récemment, des Cours continuaient à considérer, en se fondant sur les grands principes de la commande publique énumérés à l’article 1er du code, qu’il «  (…) incombe notamment à la personne responsable du marché d’informer les candidats évincés du rejet de leur candidature ou de leur offre et de respecter un délai raisonnable avant de signer le marché afin de permettre aux intéressés, éventuellement, de contester le rejet qui leur est opposé (…) » (voir notamment en ce sens CAA Nancy, 18 novembre 2013, Communauté de communes de Vesle Montagne de Reims, n°12NC01181).
La décision commentée du Conseil d’Etat semble donc définitivement mettre un terme à de tels arrêts.

En l’espèce donc, le grand port maritime de la Martinique n’était soumis à aucune obligation de respect d’un délai minimal entre la notification de la décision d’attribution et la signature du contrat.

Il conviendra d’être attentif sur les conséquences pratiques de cette décision.
En effet, il risque d’exister au moins deux catégories d’acheteur public désormais.

Ceux qui feront une application stricte de cette règle et ne respecteront aucun délai de stand still dans le cadre d’un MAPA d’une part, et ceux qui, dans un souci des grands principes de la commande publique, continueront de se soumettre volontairement à un tel délai suspensif, d’autre part.

Tirant les conséquences de son raisonnement et du fait que le marché litigieux a été signé avant la formation du référé précontractuel, le Conseil d’Etat a donc automatique écarté les moyens pouvant être soulevé dans le cadre d’une telle procédure et déclaré qu’il n’y avait donc plus lieu de statuer sur ces demandes.

Enfin, les juges du Palais Royal ont pu rejeter le pourvoi formé par la société requérante qui n’avait soulevait aucun manquement susceptible d’être utilement invoqué dans le cadre d’un référé contractuel.

Références : CE, 11 décembre 2013, Société antillaise de sécurité, n°372214 ; CE 19 janvier 2011, Grand port Maritime du Havre, n°343435 ; CE, 29 juin 2012, Société PRO 2C, n°357976 ; CAA Nancy, 18 novembre 2013, Communauté de communes de Vesle Montagne de Reims, n°12NC01181

Antoine Louche,
Avocat associé chez Altius Avocats
www.altiusavocats.fr

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