La desserte par les transports en commun : critère accessoire ou prépondérant ?

Par Cyrille Tchatat, Avocat.

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Explorer : # aménagement du territoire # protection de l'environnement # transports en commun # développement durable

Par une décision en date du 26 novembre 2012, le Conseil d’Etat confirme une décision de refus d’autorisation d’exploitation commercial de la CNAC en jugeant que :

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« Considérant qu’il appartient aux commissions d’aménagement commercial, lorsqu’elles se prononcent sur un projet d’exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l’article L. 752-1 du Code de commerce, d’apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l’article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l’article L. 750-1 du Code de commerce, au vu des critères d’évaluation mentionnés à l’article L. 752-6 du même Code ; que l’autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs ;

5. Considérant que, pour apprécier la conformité à ces dispositions du projet litigieux, la commission nationale a relevé, d’une part, que celui-ci compromettait la réalisation de l’objectif d’aménagement du territoire du fait de ses effets sur l’animation de la vie urbaine et rurale, les flux de transport, qu’au demeurant, les infrastructures actuelles de desserte du projet ne permettraient pas un accès sécurisé à la clientèle, et d’autre part, qu’il méconnaissait l’objectif de développement durable faute de s’insérer dans un réseau de transports en commun ou de modes de déplacement doux et du fait de son insertion paysagère insuffisante ; qu’il ne ressort par des pièces du dossier que l’appréciation portée par la commission nationale quant à l’atteinte portée par le projet sur l’animation de la vie urbaine ait été erronée, au regard de la situation du site en secteur excentré de Telgruc-sur-Mer, dans une zone rurale d’habitat dispersé que traverse un axe routier fréquenté de la surface de vente du projet ; qu’il ressort des pièces du dossier que le projet générera un surcroît de circulation, en l’absence de desserte du site suffisante par les transports en commun ou des modes de transports doux, et que sa conception architecturale contrastera avec son environnement rural ; que dès lors, la Commission nationale d’aménagement commercial a fait une exacte application des dispositions mentionnées ci-dessus en estimant que le projet projeté n’était pas conforme aux objectifs fixés par le législateur ; que, par suite, la décision implicite née de l’expiration du délai de quatre mois prévu à l’article L. 751-2 du code du Commerce était illégale, et la Commission nationale n’a pas commis d’illégalité en la retirant pour lui substituer une décision de refus ».

Cette décision de la Haute Juridiction est l’occasion de faire le point sur la place qu’occupe la desserte en transports en commun dans la grille d’analyse de la CNAC.

A la lecture combinées des articles L. 750-1 et L 752-6 du Code de commerce, il apparaît que les orientations en fonction desquelles la CNAC apprécie une demande d’autorisation d’exploitation commerciale n’ont pas une portée identique.

En effet, trois objectifs figurent à l’alinéa 1er de l’article L. 750-1 du Code de commerce : l’aménagement du territoire, la protection de l’environnement et la qualité de l’urbanisme.

Une place prépondérante semble être accordée à l’aménagement du territoire et à la protection de l’environnement, puisque le même alinéa souligne que les équipements commerciaux « doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu’au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine  ».

Selon l’alinéa 2 de l’article L. 750-1 du même Code, les équipements commerciaux « doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l’évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d’achat du consommateur et à l’amélioration des conditions de travail des salariées ».

Par ailleurs, les critères d’évaluation énumérés à l’article L. 752-6 du Code de commerce et le contenu du dossier de demande mentionné à l’article R. 752-7 du même code se rapportent à l’aménagement du territoire et au développement durable.

Or, l’insertion du projet dans les transports collectifs figure au nombre des critères d’évaluation de l’article L. 752-6 susmentionné, de sorte que l’on aurait pu croire que ladite insertion constitue une des conditions essentielles pour la délivrance ou le refus d’une autorisation d’exploitation commercial.

Force est de constater qu’il n’en rien et que la desserte par les transports en commun ne constitue qu’un critère additionnel qui n’est pris en compte par le CNAC et le juge administratif qu’au regard des effets du projet sur les flux de circulation.

Du reste, un rapporteur public a même considéré que la CNAC n’était pas tenue de se prononcer sur l’insertion du projet dans un réseau de transport en commun (Concl. Madame Gaëlle Dumortier /s CE 7 octobre 2010 Fédération des Groupements de Commerçants de la Haute-Savoie, req. n° 332694).

Il ressort de la jurisprudence que l’absence de desserte par les transports en commun n’est pas à elle seule de nature à entraîner une décision de refus de la CNAC (CE 29 octobre 2012, Sté Cholet Brico Loisirs, req. n° 351966).

L’absence d’insertion dans les transports collectifs n’est jamais prise en compte lorsque le projet a un impact limité sur les flux de circulation (CE 27 juillet 2012 Sté Valdis, req. n° 354154 ; CE 4 juin 2012 SAS Distribution casino France, req. n° 353188).

A l’inverse, l’absence de desserte par les transports en commun devient un critère prépondérant lorsque le projet a un impact sur les flux de circulation CE 24 octobre 2012 Sarl scoli, req. n° 353344 ; CE 27 juillet 2012 SAS Sodichar, req. n° 354436).

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