On entend beaucoup parler ici et là de la nouvelle loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants ; souvent pour développer tout le bien que l’on peut en penser...
Les commentateurs sont nombreux mais rarement ils prennent le temps de s’arrêter un peu sur un point bien précis qui mériterait pourtant une certaine attention.
Parmi les nombreuses modifications provoquées par l’adoption du texte, il en est une qui risque de changer pas mal de chose.
Le législateur a purement et simplement modifié l’incrimination concernant la dénonciation calomnieuse.
L’article 226-10 du code pénal est en effet le texte qui fonde l’action de la personne mise en cause en raison de mensonges ou, au moins, de dénonciations infondées...
Pour que les poursuites soient possibles, il faut :
une dénonciation effectuée par tous moyens et dirigée contre une personne déterminée
une dénonciation d’un fait de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires
une dénonciation d’un fait de l’on sait faux ou partiellement exact
une dénonciation à une autorité ou toute personne ayant le pouvoir d’y donner suite
Avant la publication de cette loi au journal officiel, la fausseté du fait résultait nécessairement d’une décision définitive d’acquittement, relaxe ou non lieu déclarant que la réalité du fait n’est pas établie ou que celui-ci n’est pas imputable à la personne concernée.
Mais, dès le début des travaux sur le texte qui allait voir le jour, les parlementaires ont voulu modifier les conditions de la dénonciation calomnieuse.
A l’époque où il ne s’agissait encore que d’une proposition de loi devant être débattue par les sénateurs, les auteurs voulaient préciser que la fausseté du fait résulte nécessairement d’une décision définitive d’acquittement, relaxe ou non lieu sauf si la décision a été prise au bénéfice du doute ou pour insuffisance de charges.
Comme je le disais alors : "On n’a pas pu totalement prouver que ce n’était pas vrai alors, on ne sait jamais.
Ne donnons pas la possibilité à la personne reconnue innocente de pouvoir agir contre celle ou celui qui l’a calomnié."
Le but peut être louable : empêcher que des femmes violentées par leur conjoint , déposant plainte sans preuves suffisante, ne subissent en plus une procédure en dénonciation calomnieuse.
Le temps a passé ; l’idée est restée.
Aujourd’hui, c’est l’article 16 de la loi qui prévoit que, à l’article 226-10 du code pénal, les mots : « que la réalité du fait n’est pas établie » sont remplacés par les mots : « que le fait n’a pas été commis »
Oui mais voilà, le texte sur la dénonciation calomnieuse ne s’applique pas que dans le cadre de femmes qui portent plainte contre des conjoints violents ; il a une portée beaucoup plus générale et cette nouvelle définition risque d’avoir quelques effets secondaires.
Que la réalité du fait ne soit ne soit pas établie, c’est une chose ; démontrer que le fait n’a pas été commis, ça en est une toute autre...
Le texte risque surtout de mettre à l’abri ceux et celles qui, tout en sachant que ce qu’ils dénoncent est totalement ou partiellement faux, penseront que la personne poursuivie n’arrivera pas à prouver qu’il ne s’agit que de propos calomnieux et qu’un doute raisonnable demeurera... Et dans le doute, plus possible de poursuivre pour dénonciation calomnieuse...
Cet article est initialement publié là : http://0z.fr/qeGdC