L’actualité récente a mis en lumière la question de l’utilisation du droit de retrait par les agents de la fonction publique et particulièrement par des enseignants confrontés quotidiennement à des violences scolaires.
Cependant, devant la chronicité de ce problème, le corps éducatif peut-il se prévaloir de son droit de retrait et dans quelles conditions ?
Cette étude a pour vocation première de cerner cette notion peu usitée en droit administratif pour ensuite s’interroger sur le fait de savoir si l’utilisation de cette notion est réellement pertinente et opérationnelle dans ce type de situation.
I) La notion de droit de retrait dans la fonction publique :
En premier lieu, le droit de retrait peut être utilisé et justifié lorsque l’agent sent que sa vie est susceptible d’être menacée par une situation de travail dangereuse.
C’est donc l’atteinte potentielle à l’intégrité physique de l’agent qui doit être caractérisée pour justifier l’utilisation de ce droit de retrait.
Ainsi, conformément à l’article 7 du Décret n°95-680 du 9 mai 1995 modifiant l’article 5-6 du décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail, ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique :
« Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un agent ou d’un groupe d’agents qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d’eux.
La faculté ouverte au présent article doit s’exercer de telle manière qu’elle ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent. L’autorité administrative ne peut demander à l’agent de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent ».
Cet article s’inspire directement de l’article L 4131-1 du code du travail :
« Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.
Il peut se retirer d’une telle situation.
L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection »
La jurisprudence administrative a d’ailleurs considéré le droit de retrait comme un principe général du droit :
« (…) considérant qu’il résulte d’un principe général du droit dont s’inspire l’article L 231-8-1 du code du travail qu’aucune sanction, aucune retenue de salaire, ne peut être prise à l’encontre d’un salarié ou d’un agent public qui s’est retiré d’une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (……) » (TA de Besançon 10 octobre 1996 req n°96-0071).
Ainsi, l’admission du droit de retrait doit être fondé sur l’atteinte à l’intégrité physique de l’agent, il faut et il suffit que l’agent estime raisonnablement, qu’il court un risque grave et imminent pour sa santé et sa sécurité (CE 15 mars 1999 D P 65).
En effet, le texte n’exige pas l’existence objective d’un danger grave et imminent.
De plus, l’agent est protégée car l’utilisation de ce droit ne peut être assimilé à une grève et ne doit entrainer aucune retenue sur traitement sauf si ce retrait est considéré comme abusif.
Toutefois, la frontière entre le droit de grève et l’exercice du droit de retrait n’est pas évidente puisque par exemple, l’exercice collectif du droit de retrait ne doit pas cacher un conflit collectif comme l’a précisé la jurisprudence judiciaire :
« Attendu qu’il est fait grief aux arrêts attaqués (Versailles, 29 mai 2001) d’avoir débouté les salariés de leur demande en paiement de leur salaire pour la journée du 20 janvier 1998 et de les avoir en conséquence condamnés à rembourser à la société STAC, leur employeur, des sommes versées en exécution des jugements de première instance, alors, selon le moyen, que l’article L. 231-8-1 du Code du travail qui définit le droit de retrait ne requiert non pas une situation objective de danger grave et imminent mais le fait que le salarié concerné ait un motif raisonnable de penser qu’une telle situation existe ; que les demandeurs rappellent qu’ils faisaient valoir dans leurs conclusions que d’autres agressions avaient eu lieu au cours des précédentes années à l’encontre des chauffeurs et que ceux-ci exercent leurs fonctions dans des conditions identiques de travail, et étaient fondés à se sentir en insécurité ;
qu’en décidant que l’arrêt de travail des salariés ne pouvait s’analyser comme l’exercice du droit de retrait sans rechercher si les salariés avaient des raisons de penser qu’ils étaient exposés à un danger dans le cadre du contexte précité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ; Mais attendu que c’est par une appréciation souveraine que la cour d’appel a estimé qu’à l’exception de la sécurité du quartier du vieux port de Lucé, il n’y avait pas de motif raisonnable de penser qu’il existait un danger grave et imminent de nature à justifier l’exercice du droit de retrait sur les autres lignes du réseau ; que le moyen n’est pas fondé »( Cass Soc 23 avril 2003 01-44806 01-44809 01-44915 01-44921)
Ainsi, il est illusoire de penser qu’il peut être utilisé largement par tout agent public, car les conditions sont strictement définies.
Dès lors, se pose la question de « l’abus du droit de retrait » par ces fonctionnaires et notamment la possibilité pour l’administration de faire usage de la notion juridique de l’abandon de poste.
II) Le risque majeur pour le fonctionnaire : L’abandon de poste
A titre liminaire, il convient de préciser les obligations du fonctionnaire.
En effet, l’utilisation du droit de retrait doit s’articuler avec les diverses obligations du fonctionnaire et notamment son devoir d’obéissance hiérarchique.
L’essentiel des ces obligations est celle d’exercer ses fonctions conformément aux ordres reçus, à la morale professionnelle et au principe de continuité du service
Ainsi aux termes de l’article 28 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 :
« Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public.
Il n’est dégagé d’aucune des responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de ses subordonnés »
En un mot, l’obéissance est la règle, la désobéissance l’exception.
A ce titre, il est à noté que la désobéissance n a été admise que très strictement par la jurisprudence administrative (CE 10 novembre 1944 Langneur, CE 3 mai 1961 Pouzelgues).
En effet, l’ordre doit être non seulement illégale mais aussi compromettre l’intérêt public Par voie de conséquence, si ces conditions de désobéissance ne sont pas remplies, l’agent commet un abandon de poste.
Ainsi, l’administration qui estimerait que l’utilisation de ce droit de retrait est abusif peut recourir à cette sanction radicale de radiation des cadres pour abandon de poste, sous condition d’une mise en demeure régulière préalable de reprendre le travail (CE 10 janvier 2000 n°197591).
Cette prérogative de l’administration, a le caractère d’une simple constatation sans garantie disciplinaire (CE Barbe 16 février 1951 rec P 757).
A titre d’exemple, il a été jugé qu’un harcèlement moral ne pouvait justifier l’utilisation du droit de retrait et que dans ce cas la procédure pour abandon de poste diligenté par l’administration était légale (TA de Dijon 15 avril 2005 n° 0500689.
Pour résumer : l’utilisation du droit de retrait, par un enseignant, doit être soigneusement évaluée car le risque majeur est celui de la constatation par l’administration de l’abandon de poste.
Il s’agit donc d’un instrument dangereux à manier car le risque d’une radiation des cadres n’est pas inenvisageable dans ce genre de situation.
Maître Marc Lecacheux
Avocat au barreau de Paris
Doctorant à l’Université Paris VIII



Discussions en cours :
Étant moi même testeur du programme Vine d’Amazon, je me sens très concerné et inquiet de la fiscalisation de mon activité de testeur. C’est pourquoi j’ai fait une demande de rescrit général auprès de la Direction Régionale des Finances Publiques afin d’avoir une réponse formelle sur le sujet.
La loi sur les influenceurs du 9 juin 2023 définit leur statut comme étant des personnes qui "mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer" en ligne "des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque" - Je n’ai ni notoriété ni audience attitrée et ne fais pas de promotion mais donne un avais éclairé qui peut-être négatif.
La prise de position de l’administration ne précise par ailleurs pas le seuil pour la valeur des produits à déclarer et je suis bien incapable malgré mes recherches de trouver un décret qui fixe ce seuil dans le cas des testeurs non rémunérés.
L’analyse de la situation par l’administration fiscale est la suivante : J’exerce une activité d’influence commerciale et je dois déclarer les produits gratuits reçus pour test en tant qu’avantages en nature au titre des bénéfices non commerciaux. (case BNC donc).
J’ai contesté cette prise de position comme me le permet la loi (et je dois être entendu bientôt à l’inspection des finances) car :
Il me semble que mon cas (et celui de milliers d’autres testeurs Amazon) ne rentre dans aucune case clairement établie et que l’administration essaie d’en trouver une malgré tout.
Je serai très preneur d’un avis juridique éclairé sur le sujet - Peut-être de l’auteur de l’article ?
Bonjour,
Votre démarche de demande de rescrit général auprès de la Direction Régionale des Finances Publiques est tout à fait pertinente.
Vous avez de solides arguments pour contester la qualification d’influenceur au sens de la loi du 9 juin 2023. Cette loi vise à encadrer une activité commerciale générant des revenus directs ou indirects via la promotion. Votre activité de testeur Vine, telle que vous la décrivez, ne correspond pas à cette finalité.
Malgré l’évolution du droit positif et l’entrée en vigueur de DAC7, il n’y a pas eu, à ce jour, de clarification spécifique et générale par voie de décret ou de jurisprudence constante concernant la fiscalité des "testeurs non rémunérés", particulièrement en ce qui concerne l’évaluation des avantages en nature de faible valeur.
Voici quelques recommandations pour votre audition :
Mettez en avant le fait que vous êtes un "testeur" et non un "promoteur", et que vous n’avez aucune obligation de publier un avis positif ou de générer des ventes, de même que vous n’avez pas de notoriété en tant que tel.
Soulignez l’absence d’intention lucrative
Comment évaluer la valeur réelle d’un produit reçu et ouvert ? Cela démontre l’absurdité pratique de la position de l’administration.
Évoquez le principe de la sécurité juridique : L’absence de seuil crée une incertitude et une charge administrative disproportionnée pour les testeurs.
In fine, il est probable que même l’administration ne sache pas quoi faire… si vous avez une réponse à votre rescrit je serais curieux d’en obtenir la communication.
Bien sincérement,
Je vous remercie pour votre réponse qui m’aidera dans mon argumentation. Je suis entendu ce matin 16 juin et ne manquerai pas de vous transmettre les résultats de cette audience.
Bien cordialement,
Laurent Charmasson
Je reviens vers vers vous suite à l’audience de 2nd examen de rescrit fiscal. Comme vous l’aviez prédit avec perspicacité, le collège de réexamen a préféré ne pas se prononcer sur ma situation fiscale de testeur Amazon. Elle transmet donc le dossier à l’administration centrale.
Son argument étant qu’il s’agit d’une situation impliquant de très nombreuses personnes et ne pouvant donc être l’objet d’une position formelle locale au risque d’être utilisée par d’autres testeurs pour contester une éventuelle taxation.
Je ne suis donc pas beaucoup avancé et doit attendre une réponse qui prendra des mois.
Il semblerait néanmoins que le principe d’une taxation soit inévitable mais qu’en l’absence de cadre juridique clair, celle ci reste à définir.
Merci encore pour votre réponse précédente, particulièrement pour m’avoir éclairé sur le principe de sécurité juridique, je le garde sous le coude...
Bien cordialement,
Laurent Charmasson
Bonjour Laurent,
Avez-vous eu une réponse depuis le 7 juin ?
Dans l’affirmative, pourriez-vous la poster
Merci
Bonjour,
Je suis testeur Amazon et je connais le montant total fiscal des produits que j’ai testé en 2024.
A quel endroit de ma déclaration fiscale dois je mettre ce montant ?
merci
Sur la déclaration en ligne, on trouve ceci, mais sans précision sur l’endroit où on peut trouver les bonnes cases de déclaration. J’ai cherché également, sans succès.
« Comment dois-je déclarer les revenus transmis par les plateformes numériques ?
Depuis 2020, les plateformes de l’économie collaborative transmettent à l’administration fiscale les revenus perçus par leurs utilisateurs. Les revenus perçus sont affichés afin que vous puissiez les vérifier avant de les déclarer dans les rubriques fiscales concernées. Le tableau qui vous est présenté contient une dernière colonne afin que, pour chaque ligne, vous indiquiez la rubrique fiscale dans laquelle vous comptez déclarer ce revenu. Dans l’hypothèse où vous avez perçu de tels revenus mais que ceux-ci ne sont pas affichés, car la plateforme ne les aurait pas transmis, vous devez tout de même les déclarer.
Pour vous aider, vous pouvez consulter les fiches pratiques mises à votre disposition pour vérifier si ces revenus sont imposables. Si c’est le cas, vous devez déclarer ces revenus dans la catégorie concernée. »
L’évaluation du prix des produits est biaisée par le fait que les vendeurs (pour les rendre plus attractifs ?) annoncent des prix élevés quand les produits sont proposés aux "vinees".
Assez rapidement, il n’est pas rare de voir ces mêmes produits avec des prix bien inférieurs.
Les montants déclarés par Amazon devraient donc pouvoir être contestés si on est imposé dessus...
Bonjour @Viner,
Il y a le fait aussi, que nous n’aurions pas acheté ces produits si on ne nous avait pas proposé de les tester. D’autant plus que notre avis peut être négatif et contre productif pour le vendeur. Ce n’est pas une promotion d’un article, nous n’avons rien à gagner.
Je me demande si nous rentrons réellement dans le cadre de la DAC7, car nous ne vendons pas de produits, nous ne faisons pas de promotion, nous ne sommes pas influenceurs, nous sommes des "clients" auxquels on a proposé de tester des produits et de donner un avis qu’il soit négatif-ou positif. Nous ne facturons rien et nous n’avons pas un barème de prix par rapport à la longueur d’un avis, par exemple.
J’aimerais aussi avoir l’avis des juristes du site sur ces conditions, s’ils le veulent bien.
Avec mes remerciements
Bonjour,
Etant moi aussi testeuse Amazon Vine, j’ai posé la question à la DDFP de Nancy, d’où je dépends.
La réponse apportée est celle-ci :
Si le nombre de vos opérations réalisées dans l’année sur Amazon Vine est inférieur a 20 ou si les montants perçus au titre de ces opérations sont inférieurs a 3 000 €, l’ opérateur de plateforme ne transmet pas a !’administration fiscale les informations correspondantes, et vous n’avez done pas a déclarer ces montants.
Le modèle est identique aux ventes effectuées sur la plateforme Vinted, limitées à 5000€ ou 26 ventes. Sachant que les impôts se basent réellement sur le montant max des ventes réalisées et non sur le nombre.
Il serait donc logique d’en déduire que c’est le cas ici aussi.
La DDFP a du faire des recherches, car l’agente sollicitée lors d’un premier appel m’a expliqué que rien n’était très clair sur le sujet.
Bien à vous
Helene
Bonjour,
Je suis récemment devenu testeur vine.
Je constate comme tous qu’il faut fournir nos données fiscales.
Par contre, comment allons nous être imposés sur les articles que l’on reçoit ?
Pour l’instant, je n’ai rien trouvé de clair sur la question.
Quel seuil ? Quel case pour la déclaration ?
Je vois mon onglet "valeur imposable" gonfler à chaque commande, et je m’inquiète des répercutions que peut avoir ce système de testeur : la plupart du temps, les objets n’ont pas de necessité premire et sont plus ou moins laissés de côté après le test.
Donc j’aimerai savoir à quoi dois-je m’attendre sur ma prochaine déclaration. Et par conséquent, si je dois quitter le programme.