Un employeur découvre qu’un dictaphone a été dissimulé par un salarié (absent sur les lieux lors de cette découverte) sous un écran informatique et qu’il est en mode enregistrement. L’employeur prend la liberté d’écouter l’enregistrement en présence de quelques salariés et toujours sans le salarié concerné. L’employeur conserve le dictaphone pendant 24 heures, puis le restitue à sa propriétaire, après avoir effacé ses enregistrements. La salariée est ensuite licenciée pour faute grave.
Elle se porte alors devant les juridictions prud’homales pour contester le bien-fondé de son licenciement. Pour se défendre, l’employeur s’appuie sur les attestations des salariés présents lors de l’écoute de l’enregistrement.
La Cour d’appel déboute la salariée au motif qu’elle a commis un manquement grave en enregistrant de façon illicite des conversations de bureau à l’insu de ses collègues.
La salariée se pourvoit devant la Cour de cassation qui casse l’arrêt d’appel sous le visa de l’article 9 du Code de procédure civile, de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et du principe de loyauté dans l’administration de la preuve :
« En statuant ainsi, alors d’une part que l’employeur ne pouvait procéder à l’écoute des enregistrements réalisés par la salariée sur son dictaphone personnel en son absence ou sans qu’elle ait été dûment appelée, et alors d’autre part que les enregistrements ayant été détruits, la salariée avait été mise dans l’impossibilité d’apporter une preuve contraire aux attestations qu’il produisait, la cour d’appel a violé les textes et le principe susvisés. »
L’arrêt n’est guère étonnant.
En effet, suivant une jurisprudence constante un employeur ne peut pour justifier du bien-fondé d’un licenciement se prévaloir d’un moyen de preuve obtenu en portant atteinte à la vie privée d’un salarié. Un tel moyen est illicite (par exemple, Cass. soc., 26 nov. 2002, no 00-42.401).
Mais la règle n’est pas absolue. En effet, des fichiers informatiques créés par un salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels (Cass. soc., 10 mai 2012, n°11-13.884).
LEÇON à retenir par tout employeur pour éviter qu’on évite de lui reprocher un licenciement abusif :
1. l’accès à des fichiers ou à un enregistrement illicite ne peut se faire qu’en présence du salarié concerné...
... sauf si le fichier ou le support de l’enregistrement a été mis à la disposition du salarié par l’entreprise2. Gare à la preuve obtenue de manière déloyale : ne pas effacer les fichiers ou les enregistrements, sinon on considérera que le salarié n’est pas en mesure de pouvoir se défendre...
Cass. soc. 23 mai 2012, n°10-23.521