L’encadrement des stages en entreprise par la loi du 28 juillet 2011 : les stagiaires sont-ils gagnants ?

Par Frédéric Chhum, Avocat

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Explorer : # encadrement des stages # droits des stagiaires # gratification des stagiaires # législation du travail

Les manifestations de 2008 des stagiaires pour leurs droits sont encore dans tous les esprits ; l’image la plus marquante de ces manifestations est que ces stagiaires (notre jeunesse) manifestaient avec le visage dissimulé par un masque blanc pour ne pas être identifiés.

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Quelle entreprise en France n’a pas engagé de stagiaire ? Pour les étudiants, le stage est la porte d’entrée vers l’entreprise du CAC 40, l’agence de publicité, le cabinet d’avocats.

Par la loi n°2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels, le législateur poursuit son action contre le recours abusif aux stagiaires dans les entreprises en encadrant plus fermement cette pratique et renforçant le statut de stagiaire.

Cette nouvelle règlementation s’inscrit dans la lignée de la loi du 31 mars 2006 (n° 2006-396), et plus récemment, de la loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie du 24 novembre 2009 (article 30).

La loi du 28 juillet dernier transpose dans le Code de l’éducation (articles L.612-8 et suivants) une partie des dispositions de l’accord national interprofessionnel, conclu le 7 juin 2011, en vue d’un meilleur encadrement des stages. Ces mesures sont d’ores et déjà entrées en vigueur, sous réserve des dispositions prévoyant explicitement la publication d’un décret.

S’il faut saluer l’encadrement juridique du stage, toutefois, on peut regretter que le législateur n’ait pas prévu une majoration des gratifications des stagiaires.

En effet, dans les grandes villes françaises, la vie est très chère et il est très difficile de vivre avec sa gratification de stagiaire.

Peut être que l’augmentation du montant minimal de la gratification du stage aurait été plus intéressante pour les stagiaires que la multiplication du formalisme administratif.

I) Le recours aux stages en entreprise strictement encadré

1) La prohibition d’affecter un stagiaire à une tâche régulière correspondant à un poste permanent de l’entreprise

Tout stage doit impérativement être intégré à un cursus pédagogique scolaire ou universitaire et doit faire l’objet d’une convention tripartite entre le stagiaire, l’établissement d’accueil et l’établissement d’enseignement.

Par ailleurs, l’article L.612-8 du Code de l’éducation dispose désormais qu’à l’exception des stages de l’enseignement professionnel visés par l’article L. 4153-1 du Code du travail et de ceux relevant de la formation professionnelle continue, les stages en entreprise ne peuvent pas avoir pour objet l’exécution d’une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent de l’entreprise.

Cette disposition, similaire à celle encadrant le recours aux contrats à durée déterminée, vise à limiter le recours systématique et abusif au stage par l’entreprise, qui y perçoit souvent le moyen de ne pas ou peu rémunérer le stagiaire en lui confiant en réalité des fonctions salariées permanentes.

Dans une telle hypothèse, la requalification du stage en contrat de travail pourra alors être prononcée.

2) La fixation d’une durée maximale du stage

Désormais la durée du stage ou des stages effectués par un même stagiaire dans une même entreprise ne peut excéder 6 mois au total par année d’enseignement (Article L.612-9 Code de l’éducation).

Une exception est toutefois réservée à l’étudiant qui interrompt ses études soit pour exercer une activité visant exclusivement l’acquisition de compétences en liaison avec cette formation (type année de césure en Ecole de commerce), soit dans le cas de stages prévus dans le cadre d’un cursus pluriannuel de l’enseignement supérieur.

Il s’agit de prendre en compte la situation d’établissements qui intègrent dans leur cursus la possibilité de faire des stages de longue durée, y compris pour la formation des professions réglementées.

3) L’obligation de respecter un délai de carence en cas d’accueil successif de stagiaires sur un même poste

L’entreprise d’accueil est tenue de respecter un délai de carence égal au tiers de la durée du stage précédent en cas d’accueil successif de stagiaires sur un même poste (au titre de conventions de stage différentes), sauf si le stage précédent a été interrompu avant son terme à l’initiative du stagiaire (article L. 612-10 Code de l’éducation).

Ainsi, une entreprise accueillant un stagiaire pour une période de 6 mois ne pourra affecter de stagiaire sur le même poste qu’après un délai de 2 mois à compter de la fin de la convention de stage, quand bien même le stagiaire serait différent.

II) Une protection renforcée du stagiaire

1) Le versement d’une gratification pour les stages d’une durée supérieure à 2 mois, même non consécutifs

L’entreprise a l’obligation de verser une gratification, qui n’a pas le caractère d’un salaire, lorsque la durée du stage est supérieure à 2 mois consécutifs.

De la même manière, une gratification doit être versée lorsque la durée du stage est supérieure à deux mois même non consécutifs dans la même année scolaire ou universitaire (article L. 612-11Code de l’éducation).

Il est également rappelé que le montant de cette gratification obligatoire est fixé :

– par une convention de branche ou un accord professionnel,

– à défaut, par décret.

N’étant pas considérée comme une rémunération, elle est par conséquent exonérée de cotisations et contributions sociales si elle n’excède pas 12,5 % du plafond de la sécurité sociale multiplié par le nombre d’heures de stage rémunérées au cours du mois considéré (articles L. 242-4-1 et D. 242-2-1Code sécurité sociale).


2) L’accès des stagiaires aux activités sociales et culturelles du comité d’entreprise

L’article L.612-12 du Code de l’éducation dispose que les stagiaires accèdent aux activités sociales et culturelles gérées par le comité d’entreprise en vertu de l’article L. 2323-83 du Code du travail, dans les mêmes conditions que les salariés.

3) L’assouplissement des conditions de l’embauche à l’issue d’un stage

Lorsqu’un stagiaire est embauché dans l’entreprise dans les 3 mois suivant l’issue d’un stage intégré à un cursus pédagogique et réalisé dans le cadre de sa dernière année d’études, la durée du stage dans sa totalité peut être soustraite de la période d’essai, si l’embauche pourvoit un emploi qui correspond aux activités précédemment confiées au stagiaire (article L. 1221-24 Code du travail).

De plus, en cas d’embauche par l’entreprise à l’issue d’un stage de plus de 2 mois, la durée du stage est prise en compte pour l’ouverture et le calcul des droits liés à l’ancienneté (article L. 1221-24 Code du travail).

III) L’information et le formalisme afférents au stage en entreprise

1) La tenue obligatoire d’un registre des conventions de stage

Parallèlement au registre du personnel, les entreprises doivent tenir un registre des conventions de stage, dont les modalités de mise en œuvre, notamment les mentions obligatoires devant y figurer, seront définies par décret (article L.612-13 Code de l’éducation).

Cette mesure impose une certaine transparence aux employeurs sur leur pratique vis-à-vis des stages et permettra d’en assurer un contrôle plus efficace.

2) Les informations périodiques du Comité d’Entreprise sur le recours aux stages

Les obligations d’information des entreprises sont renforcées à l’égard des institutions représentatives du personnel :

- les entreprises de moins de 300 salariés doivent intégrer, dans le rapport annuel unique sur la situation économique de l’entreprise remis au comité d’entreprise, le nombre et les conditions d’accueil des stagiaires (article L. 2323-47 Code du travail) ;

- dans les entreprises d’au moins 300 salariés, le comité d’entreprise est informé une fois par trimestre du nombre de stagiaires accueillis dans l’entreprise, des conditions d’accueil et des tâches qui leur sont confiées (article L. 2323-51).

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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