L'évolution du droit à l'indemnisation des accidents sur la voie publique et des trottinettes électriques. Par Patrice Humbert, Avocat.

L’évolution du droit à l’indemnisation des accidents sur la voie publique et des trottinettes électriques.

Par Patrice Humbert, Avocat.

2414 lectures 1re Parution: 5  /5

Explorer : # indemnisation # accidents de la route # trottinettes électriques # assurance

Depuis quelques années, la France connaît de nouveaux modes de déplacement, en particulier dans les grandes villes. Ces nouveaux types de mobilité sont notamment les trottinettes électriques, les gyropodes ont modifier les comportements des usagers. Devant la multiplication de l’utilisation de ces nouveaux véhicules terrestres à moteur le législateur a du réagir. La lecture du décret du 23 octobre 2019 relatif à la réglementation des engins de déplacement personnel a permis d’obtenir plus d’informations en matière d’obligations et de droits des usagers.

-

Les accidents sur la voie publique désignent plus communément les accidents de la circulation, encadrés juridiquement par la loi dite « Badinter » du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation.

En ce sens, cette loi prévoit un droit d’indemnisation à-propos de tous les dommages pouvant être générés par un accident de la route [1], et donc en particulier sur la voie publique.

De plus, les dispositions de la loi ont vocation à être appliquées aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur (VTM) ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres.

Par conséquent, l’application de la loi Badinter suppose la réunion de plusieurs conditions, à commencer par l’existence d’un accident de la circulation. Sont également requises la présence d’un véhicule terrestre à moteur ainsi que l’implication de ce véhicule dans l’accident.

La notion d’accident est appréhendée par la jurisprudence, en particulier par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 30 novembre 1994, comme étant un événement fortuit, involontaire et générateur de dommage.
Quant au VTM, l’article L.211-1 du Code des assurances le définit comme « tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée ».

La deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a indiqué, dans un arrêt du 25 janvier 1995, que l’implication du véhicule dans l’accident peut être caractérisée dès lors que le véhicule en question a été heurté, qu’il soit à l’arrêt ou en mouvement.

La jurisprudence a également écarté le caractère indispensable du contact avec un véhicule pour que ce dernier puisse être considéré comme ayant une implication dans un accident sur la voie publique. D’après un arrêt de la deuxième Chambre civile du 25 mai 1994 [2] [3], un VTM peut ainsi être impliqué dans un accident sans qu’il y ait eu de contact, mais la victime devra alors rapporter la preuve de cette implication.

I. Les différentes catégories de victimes d’accidents sur la voie publique.

A. Les victimes conductrices victime d’un accident sur la route.

Les victimes d’un accident sur la voie publique peuvent évidemment être conductrices d’un VTM. Les victimes conductrices bénéficient donc d’une certaine protection légale. L’article 2 de la loi de 1985 dispose ainsi que « les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers par le conducteur ou le gardien d’un véhicule ». Un conducteur à l’origine du dommage ne pourra donc pas se prévaloir de la force majeure ou du fait d’un tiers pour s’exonérer de sa responsabilité, même lorsque la victime est elle-même le conducteur d’un VTM.

Cependant, les dispositions législatives sont moins protectrices à l’égard des victimes conductrices qu’envers les non-conductrices. L’article 3 de la loi de 1985 énonce ainsi, en son premier alinéa, que « les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident ».

De plus, d’après l’article 4 de la loi « Badinter », la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis. La faute de la victime conductrice est alors beaucoup plus facilement admise que celle de la victime non-conductrice.

En effet, la loi de 1985 a d’abord été élaborée dans une logique d’indemnisation. En ce sens, et de manière associée à l’obligation pour les conducteurs de souscrire à une assurance automobile, [cela implique que ces derniers seront tenus, dans la plupart des cas, d’indemniser les préjudices subis par une victime non conductrice [4].

Concernant la faute en question, elle doit être envisagée au regard de l’article 1240 du Code civil. Selon cet article, « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

B. Les victimes non conductrices d’accident sur la voie publique.

Ces victimes constituent la catégorie de victimes la mieux protégée par la loi du 5 juillet 1985. Il peut s’agir des piétons victimes d’un accident mais également des passagers d’un VTM impliqué dans un accident sur la voie publique.

Contrairement aux victimes conductrices, les non-conductrices ne peuvent se voir opposer leur faute, sauf dans l’hypothèse où cette faute est inexcusable. Il est également nécessaire que cette faute ait été à l’origine de l’accident.

La notion de faute inexcusable a été appréhendée par la Cour de cassation dans un arrêt du 20 juillet 1987, les juges considérant qu’elle désigne une faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un dommage dont il aurait dû avoir conscience.

Par ailleurs, l’article 3 de 1985 précise que les victimes non-conductrices âgées de moins de seize ans ou de plus de soixante-dix ans doivent toujours être indemnisées des dommages résultant d’une atteinte à leur personne. Il en va de même pour les victimes non-conductrices titulaires, au moment de l’accident, d’un titre leur reconnaissant un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité au moins égal à 80 pour cent.

Il apparaît également opportun de mettre en valeur la reconnaissance juridique des victimes par ricochet. Celles-ci sont les personnes physiques ayant subi un préjudice résultant des dommages générés par l’accident, comme les membres de la famille d’une victime directe. L’article 6 de la loi de 1985 précise en ce sens que « le préjudice subi par un tiers du fait des dommages causés à la victime directe d’un accident de la circulation est réparé en tenant compte des limitations ou exclusions applicables à l’indemnisation de ces dommages ».

II. L’évolution des conditions de l’indemnisation des victimes d’accidents impliquant les nouveaux véhicules terrestres à moteur comme les trottinettes.

A. Les obligations de l’assurance en cas d’accident sur la voie publique

L’assurance joue un rôle indispensable dans le cadre des accidents sur la voie publique, puisque l’indemnisation du préjudice de la victime dépend principalement des sommes qui seront allouées à cette dernière par l’assureur Quelle indemnisation pour les victimes d’accident de la circulation ? Par Patrick Lingibé, Avocat. .
La souscription à une assurance n’est d’ailleurs pas une option. L’article L211-1 du Code des assurances indique ainsi que toute personne physique ou toute personne morale autre que l’Etat, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d’atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité. Les contrats d’assurance conclus doivent également couvrir la responsabilité civile de la personne ayant la garde ou la conduite du véhicule ainsi que celle des passagers, et ce même lorsque la conduite du véhicule en question n’est pas autorisée.

En ce sens, l’assurance qui garantit la responsabilité civile du fait d’un VTM est elle-même tenue de respecter certaines obligations, comprenant notamment la présentation d’une offre provisionnelle puis définitive d’indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne, ou à ses héritiers et à son conjoint en cas de décès de la victime. L’article 12 de la loi de 1985 précise que cette offre doit être présentée dans un délai maximum de huit mois à compter de l’accident.
L’assureur doit également présenter une offre similaire aux autres victimes, exceptées celles qui n’ont subi que des dommages aux biens, dans un délai de huit mois à compter de leur demande d’indemnisation.

Concernant le contenu de l’offre, celle-ci doit être constituée de tous les éléments indemnisables du préjudice. Cela englobe également les éléments relatifs aux dommages aux biens, si ces dommages n’ont pas fait l’objet d’un règlement préalable.

En outre, l’article 12 de la loi de 1985 indique que dans les situations dans lesquelles plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident sur la voie publique, supposant de ce fait une pluralité d’assureurs, l’offre doit émaner de l’assureur qui a été mandaté par les autres.

En cas de préjudice corporel, l’assureur procède à un examen médical lui permettant d’obtenir une évaluation de l’intégralité des préjudices subi [5]. Outre l’examen relatif à l’état de santé de la victime, l’examen médical consiste à interroger la victime sur différents sujets, comme son identité, sa situation personnelle et professionnelle ou encore sa version des circonstances de l’accident. La victime peut également être entendue à-propos d’autres éléments, comme la prise en charge médicale dont elle a bénéficié.

Quant au préjudice matériel, à savoir les dommages causés au véhicule impliqué dans un accident sur la voie publique, ils peuvent également faire l’objet d’une indemnisation par l’assureur. Celui-ci envoie alors un expert afin d’évaluer l’ensemble des dégâts occasionnés au VTM. 

Si l’expert estime que le véhicule est réparable sans que cela n’engendre de dépenses disproportionnées, le coût des réparations sera pris en charge par l’assurance.

L’évaluation des dégâts matériels peut aussi conduire à la conclusion que les réparations, bien que physiquement possibles, impliqueraient des dépenses supérieures à la valeur financière qu’avait le véhicule avant la survenance de l’accident. La victime peut alors se voir attribuer la valeur dite résiduelle. Le contrat d’assurance peut également prévoir la possibilité pour la victime de percevoir la valeur de remplacement à dire d’expert, qui correspond au montant de remplacement du véhicule.

Son estimation est effectuée par l’expert mandaté par l’assureur.

Cette valeur de remplacement à dire d’expert est également attribuée à la victime lorsque les résultats de l’expertise démentent toute probabilité d’une possible réparation du véhicule.

B. L’indemnisation des utilisateurs de trottinettes électriques en cas d’accident sur la voie publique.

Depuis quelques années, la France connaît de nouveaux modes de déplacement, en particulier dans les grandes villes. Ces nouveaux types de mobilité sont notamment les trottinettes électriques, les gyropodes ou encore les hoverboards.

Le succès croissant de ces appareils s’accompagne toutefois d’accidents, lesquels ne sont pas toujours simple à envisager d’un point de vue juridique car les accidents de trottinette [6] sont de plus en plus nombreux.

En effet, certains accidents sur la voie publique peuvent impliquer des moyens de transport inventés récemment ou utilisés depuis peu, posant de ce fait plusieurs problématiques d’ordre juridique, notamment sur la détermination de l’indemnisation applicable.

La lecture du décret du 23 octobre 2019 relatif à la réglementation des engins de déplacement personnel permet d’obtenir plus d’informations concernant les engins en question. Ainsi, le décret insère dans le Code de la route la notion d’engin de déplacement personnel, désignant un engin de déplacement personnel motorisé ou non motorisé.

Le décret distingue ensuite deux catégories d’engin de déplacement personnel, à savoir l’engin de déplacement personnel motorisé et l’engin de déplacement personnel non motorisé.

Pour la première de ces catégories, il s’agit d’un véhicule sans place assise (excepté pour le gyropode qui peut être équipé d’une selle), conçu et construit pour le déplacement d’une seule personne et dépourvu de tout aménagement destiné au transport de marchandises. Un engin de cette catégorie doit aussi être équipé d’un moteur non thermique ou d’une assistance non thermique, et sa vitesse maximale par construction doit être supérieure à 6 km/h et ne pas dépasser 25 km/h. Il peut enfin comporter des accessoires, comme un panier ou une sacoche de petite taille. Le décret précise enfin que les engins exclusivement destinés aux personnes à mobilité réduite sont exclus de cette catégorie.

Quant aux engins de déplacement personnel non motorisé, le texte se contente de les définir comme des véhicules de petite dimension dépourvus de moteur.

En ce sens, seuls les engins de déplacement personnel motorisés dont les caractéristiques correspondent aux conditions du décret sont considérés comme des VTM au sens de la loi de 1985. Par conséquent, les conducteurs de ces engins sont tenus d’être couverts par une assurance garantissant leur responsabilité civile en cas d’accidents sur la voie publique causant des dommages aux tiers résultant d’atteintes aux personnes ou aux biens.

L’indemnisation des victimes d’accidents sur la voie publique impliquant un engin de déplacement personnel motorisé est donc supposée fonctionner de la même manière que si n’importe quel type de VTM était concerné.

LEXVOX AVOCATS
Droit des victimes de la route et de la réparation des préjudices corporels
Droit de la responsabilité médicale et des contentieux liés à l’indemnisation
https://www.lexvox-avocat.fr/

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

5 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27877 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs