A noter : la décision de refus d’autorisation ne peut pas être contestée directement devant le tribunal administratif, mais doit faire l’objet d’un recours administratif préalable obligatoire devant une commission présidée par le Recteur.
L’instruction en famille était permise à titre dérogatoire par l’article L131-1 du Code de l’éducation. Simplement soumise à déclaration, et à enquête du maire, son régime s’est peu à peu rigidifié.
D’abord avec le décret n°2016-1452 du 28 octobre 2016 une grille d’analyse et de références pédagogiques pour les inspecteurs chargés de procéder à un contrôle annuel des connaissances des enfants faisant l’objet d’une instruction en famille a été instaurée., Puis un décret n°2019-823 du 2 aout 2019 a prévu le dispositif de contrôles inopinés de l’instruction en famille, décret validé par le Conseil d’Etat [1].
A ce régime déclaratif et de contrôle a posteriori, le législateur a privilégié et substitué un régime d’autorisation. C’est l’objet des articles 49 et 50 de la loi du 24 aout 2021, modifiant articles L131-2 et L131-5 du Code de l’éducation et des décrets du 15 février 2022.
I. Les cas d’instruction en famille admis.
Les hypothèses dans lesquelles l’instruction en famille est admise sont désormais déterminées à l’article L131-5 du Code de l’éducation :
État de santé ou handicap de l’enfant ;
Pratiques d’activités sportives ou artistiques intensives ;
Itinérance de la famille en France ou éloignement géographique de tout établissement scolaire ;
Existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité des personnes chargées d’instruire l’enfant d’assurer l’instruction dans l’intérêt supérieur de l’enfant... la demande doit être complété et accompagnées de pièces justificatives concernant le projet pédagogique et les capacités de la personne chargée de l’instruction.
II. La procédure de demande d’autorisation annuelle.
A. La date limite à laquelle la demande doit être formée.
L’article R131-11 du même code précise les modalités formelles et procédurales de la demande d’autorisation. Elle doit être formée au directeur académique départemental en principe entre le 1er mars et le 31 mai précédant l’année scolaire pour laquelle l’autorisation est envisagée. Ce délai, particulièrement restrictif, a été contesté dans le cadre d’un référé devant le Conseil d’Etat, lequel l’a rejeté par ordonnance du 16 mai dernier au motif, qu’il n’existait en l’état de l’instruction aucun moyen de nature à faire naitre un doute sérieux sur la légalité de ce délai [2].
Celui-ci considère que cette date est « cohérente avec le calendrier d’inscription des enfants » dans les établissements scolaires. Elle ne porte ni atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant ni à la liberté d’enseignement. La requête en annulation contre ce décret, est toujours en cours d’instruction.
Il peut être dérogé à cette période uniquement dans l’hypothèse où les motifs justifiant l’instruction en famille sont apparus postérieurement au 31 mai, dès lors que ces motifs sont liées exclusivement à l’état de santé de l’enfant, à son handicap, ou à son éloignement géographique. Les requérants, dans l’instance précités, proposaient d’inclure à cette liste de dérogation le cas des élèves ayant une activité sportives intense, mais le Conseil d’Etat a refusé au motif que ce cas de figure est prévisible, et donc que son invocation est permise dans le cadre d’une demande de droit commun, la dérogation devant être réservée à des motifs non prévisibles, exceptionnels.
Il a adopté le même raisonnement concernant l’invocation d’un projet pédagogique propre à l’enfant, pour lequel il estime aussi qu’il s’agit d’une démarche réfléchie qui s’inscrit nécessairement dans le temps. La présentation d’une telle demande postérieure au 31 mai pourrait alors être considérée comme une demande insuffisamment murie.
B. Les pièces justificatives à apporter.
Lorsque l’état de santé ou le handicap de l’enfant constitue le motif d’instruction en famille, la demande est accompagnée d’un certificat médical, sous pli confidentiel.
Lorsque c’est l’existence d’une « situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif » à l’origine de la demande, les pièces exigées sont particulières et détaillées, afin de permettre un contrôle renforcé sur ce projet éducatif : présentation écrite du projet éducatif, avec élément essentiels des enseignements, et description de la pédagogie, ressources et supports utilisés, rythme et durée des activités, disponibilité de la personne chargée de l’instruction de l’enfant, la copie du diplôme du baccalauréat de la personne chargé de l’instruction [3].
Sur ce dernier point, le Conseil d’Etat a pu se prononcer en référé sur la légalité de l’exigence du diplôme du baccalauréat, et écarté les moyens soulevés par les associations requérantes, au motif que cette exigence permettait objectivement de s’assurer de la bonne prise en charge de l’enfant, s’appuyant au demeurant sur la décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 rendue par le Conseil Constitutionnel.
Plus sérieux était le moyen invoqué du traitement inégal entre cette exigence de détention du baccalauréat pour l’instruction en famille demandée au titre d’une situation propre à l’enfant, et l’absence d’une telle exigence pour les mêmes personnes, pour le même motif, dans le cadre de l’actuelle année scolaire 2021-2022 soumis au régime déclaratif antérieur. Or, le Conseil d’Etat invoque le caractère transitoire de cette situation, pour justifier d’une différence de situation, et donc de traitement.
Il faudra attendre l’examen au fond de la requête en annulation tournée contre le décret pour savoir si certaines exigences sont illégales et excessives.
Sur un plan formel, le directeur des services académiques doit accuser de la réception de la demande [4]. En l’absence de réponse, le silence gardé par l’administration durant deux mois, vaut acceptation [5].
En cas d’acceptation de la demande, les familles sont tenues de se soumettre à des contrôles prévus par l’article L131-10 du Code de l’éducation. En cas de second refus, sans motif légitime, les familles sont susceptibles de faire l’objet d’une mise en demeure d’inscrire leur enfant dans un établissement scolaire.et des sanctions pénales peuvent le cas échéant être envisageables.
C. La dérogation transitoire pour les familles ayant fait l’objet d’un contrôle positif au cours de la dernière année scolaire.
Notons que pour les enfants en instruction en famille au cours de l’année scolaire 2021-2022, ils sont réputés autorisés à poursuivre l’instruction en famille pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024, dès lors qu’ils ont fait l’objet d’un contrôle pédagogique à l’issue favorable.
En effet, l’article 49 de la loi du 24 aout 2021 a indiqué que l’autorisation pour l’instruction en famille était est « accordée de plein droit, pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024, aux enfants régulièrement instruits dans la famille au cours de l’année scolaire 2021-2022 et pour lesquels les résultats du contrôle organisé en application du troisième alinéa de l’article L131-10 du même code ont été jugés suffisants ».
Dans ce cas, aucune demande d’autorisation pour les années 2022-2023 et 2023-2024 n’a à être déposée.
III. La contestation du refus : attention au recours préalable devant la commission présidée par le Recteur.
En cas de refus, la décision ne peut être contestée directement devant le tribunal administratif [6]. Le législateur a instauré un recours administratif préalable obligatoire qui doit être formé auprès d’une commission présidée par le recteur d’académie.
Initialement de 8 jours, le Conseil d’Etat a considéré ce délai insuffisant. En conséquence, c’est d’un délai de 15 jours à compter de la réception de la décision de refus [7] dont les parents disposent pour saisir la commission compétente.
Cette commission comprend en plus du Recteur un inspecteur de l’éducation nationale, un inspecteur d’académie- inspecteur pédagogique régionale, un médecin de l’éducation nationale, un conseiller technique de service social.
La commission se réunit dans le délai d’un mois maximum à compter de la réception du recours.
La décision est notifiée dans un délai de 15 jours ouvrés à compter de la réunion de la commission. Si la commission confirme la décision de rejet initial, les parents pourront saisir le tribunal administratif territorialement compétent dans le délai de deux mois.