La loi du 15 août 2014 et l’individualisation de la réponse pénale dans le cadre de la confusion de peines facultative : les pièces de personnalité désormais prises en compte.

Par Clément Picard, Avocat.

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Explorer : # individualisation des peines # comportement du condamné # situation matérielle familiale et sociale # confusion de peines

Au-delà des mesures ayant connu un large écho médiatique telles que la mise en place de la contrainte pénale ou encore l’abrogation des peines plancher, la loi du 15 août 2014 apporte un certain nombre de modifications relatives à l’exécution de la peine.

L’article 28 de cette loi modifie l’article 710 du Code de procédure pénale, relatif notamment à la confusion de peines facultative.

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La confusion de peines facultative a longtemps été perçue comme étant une mesure de faveur reposant uniquement, sous condition qu’elle soit recevable, sur l’appréciation souveraine des juges du fond [1].

Dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 30 septembre 2014, l’article 710 du Code de procédure pénale ne faisait nullement référence à la personnalité du condamné.

Au cours d’une audience, il était régulièrement objecté au condamné qui se présentait muni de pièces de personnalité que l’audience de confusion de peine n’avait pas vocation à apprécier sa situation personnelle mais les faits, et rien que les faits (faits de même nature, commis dans le même laps de temps et jugés séparément).

On rappelait au requérant que s’il voulait faire état de sa situation actuelle ou de son avenir, il devait se tourner vers le juge de l’application des peines et le saisir d’un aménagement de peines.

Cet argument n’est plus recevable.

Sont désormais pris en considération non seulement le passé, mais également le présent et le futur de la personne condamnée, et ce toujours dans le but d’une meilleure individualisation de la réponse pénale.

L’article 710 du Code de procédure pénale issu de l’article 28 de la loi du 15 août 2014 est désormais rédigé ainsi :

« Tous incidents contentieux relatifs à l’exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence ; cette juridiction peut également procéder à la rectification des erreurs purement matérielles contenues dans ses décisions. Elle statue sur les demandes de confusion de peines présentées en application de l’article 132-4 du code pénal. Pour l’examen de ces demandes, elle tient compte du comportement de la personne condamnée depuis la condamnation, de sa personnalité, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale.

En matière criminelle, la chambre de l’instruction connaît des rectifications et des incidents d’exécution auxquels peuvent donner lieu les arrêts de la cour d’assises.

Sont également compétents pour connaître des demandes prévues par le présent article, selon les distinctions prévues par les deux alinéas précédents, soit le tribunal ou la cour, soit la chambre de l’instruction dans le ressort duquel le condamné est détenu. Le ministère public de la juridiction destinataire d’une demande de confusion déposée par une personne détenue peut adresser cette requête à la juridiction du lieu de détention.

Pour l’application du présent article, sauf en matière de confusion de peine, le tribunal correctionnel est composé d’un seul magistrat exerçant les pouvoirs du président. Il en est de même de la chambre des appels correctionnels ou de la chambre de l’instruction, qui est composée de son seul président, siégeant à juge unique. Ce magistrat peut toutefois, si la complexité du dossier le justifie, décider d’office ou à la demande du condamné ou du ministère public de renvoyer le jugement du dossier devant la formation collégiale de la juridiction. Le magistrat ayant ordonné ce renvoi fait alors partie de la composition de cette juridiction. La décision de renvoi constitue une mesure d’administration judiciaire qui n’est pas susceptible de recours. »

Cet article modifié reprend expressément la nouvelle définition de l’individualisation de la sanction pénale telle que rédigée à l’article 132-1 du code pénal, qui dispose que « dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l’article 130-1. »

Il y ajoute la prise en compte du comportement du condamné.

L’individualisation de la peine concerne donc la réponse pénale en général, et non pas uniquement la sanction pénale.

Reste à savoir ce que les juridictions du fond feront de cette nouvelle rédaction du texte.

La situation matérielle, familiale et sociale. Dans le cadre de la confusion de peines facultative, la prise en compte de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné pourrait être envisagée de plusieurs façons :

-  Le condamné pourrait apporter tous les éléments de personnalité de nature à rassurer la juridiction sur son avenir (travail, soins, environnement familial et social…),

-  Il pourrait également apporter tous les éléments de personnalité de nature à justifier de la nécessité d’obtenir une confusion de peines et de voir sa fin de peine rapprochée (situation familiale désastreuse en l’absence du condamné détenu…),

-  Mais dans le cadre de la confusion de peines, où l’essentiel du débat reste la démonstration qu’un même processus de délinquance continu a amené à plusieurs peines, il pourrait être démontré qu’au moment des faits, la situation matérielle familiale et sociale du condamné était désastreuse. Il s’agirait cette fois-ci non plus de rassurer la juridiction sur l’avenir, mais d’expliquer une réitération factuelle.

Le comportement du condamné. La nouveauté essentielle reste la prise en compte du comportement du condamné. Cette disposition s’inscrit indirectement dans l’élan de renforcement des pouvoirs des personnels du SPIP. Peut-être faudrait-il à terme, qu’un rapport du SPIP plus complet qu’un simple état des lieux du Directeur du lieu de détention, soit établi à chaque demande de confusion de peines.

Il conviendra par ailleurs de redoubler d’attention lors de défenses dans le cadre de commissions de discipline au sein du lieu de détention et d’envisager les conséquences d’une sanction disciplinaire comme pouvant être un frein à une demande de confusion de peines.

L’autorité de la chose jugée. Se posera enfin la question de l’autorité de la chose jugée au vu de ces nouveaux éléments d’appréciation de la confusion de peines.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation considérait jusqu’alors qu’une demande en confusion de peines déjà discutée lors de l’audience de jugement se heurtait à l’autorité de la chose jugée [2].

Poussé à l’extrême, le comportement du condamné, élément d’appréciation susceptible d’évoluer dans le temps, pourrait alors être considéré comme un élément nouveau permettant un nouvel examen de la demande.

* * * * *

Quoi qu’il en soit, l’individualisation des réponses pénales est toujours à saluer, puisqu’elle laisse toujours plus de liberté aux magistrats et qu’elle rappelle aux condamnés qu’ils ont aujourd’hui plus que jamais tout intérêt à adopter un comportement irréprochable

Clément PICARD, Avocat au Barreau de CAEN

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Notes de l'article:

[1Cass. crim., 20 juin 1977 : Bull. crim. 1977, n° 266. – Cass. crim., 13 déc. 1988 : Bull. crim. 1988, n° 427

[2En ce sens, Cass. crim., 12 octobre 2005, pourvoi n° 05-81.020

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