1/ La législation à l’origine de la modification simplifiée du SCoT du PETR.
A la suite de la loi du 23 novembre 2018 dite loi ELAN, le législateur avait donné beaucoup de pouvoirs aux SCOT pour venir territorialiser les principes de la loi Littoral, notamment en modifiant l’article L121-3 du Code de l’urbanisme.
L’objectif était alors de réduire l’aléa judiciaire lié à l’identification des formes urbaines prévues à l’article L121-8 du Code de l’urbanisme, et par conséquent à réduire les contentieux.
Le législateur avait alors également fait droit à une demande formulée depuis très longtemps par les élus locaux en créant une catégorie juridique entre les villages/agglomération et les zones d’urbanisation diffuse.
Ces secteurs déjà urbanisés, prévus au deuxième alinéa de l’article L121-8 du Code de l’urbanisme, pouvaient alors faire l’objet d’une urbanisation, mais uniquement en densification, c’est-à-dire sans extension de son périmètre bâti.
Le législateur, toujours soucieux d’accélérer les réformes produites, avait alors autorisé les collectivités territoriales à mettre en œuvre les évolutions de la loi ELAN par une simple modification simplifiée.
C’est ce qu’a fait le PETR du Pays de Retz en approuvant par une délibération du 21 février 2022, la modification simplifiée n°1 du SCoT du Pays de Retz, laquelle a identifié 32 secteurs déjà urbanisés au sens du deuxième alinéa de l’article L121-8 du Code de l’urbanisme.
Cette délibération a alors été attaquée par le préfet de Loire-Atlantique, qui mettait alors en cause l’identification de 19 secteurs déjà urbanisés.
Les juges administratifs nantais ont alors fait droit à cette demande par un jugement du 10 janvier 2025 en censurant pour deux motifs la délibération attaquée.
2/ La censure de la méthodologie appliquée.
Les juges administratifs ont tout d’abord censuré la méthodologie appliquée par le PETR dans l’identification des secteurs déjà urbanisés.
En l’espèce, l’identification des secteurs déjà urbanisés a été effectuée lors de l’étude environnementale réalisée dans le cadre de la procédure de modification simplifiée du SCoT, à partir de 12 critères prenant en compte la réglementation et les spécificités territoriales, lesquels ont ensuite été regroupés en 3 grandes catégories.
Or, les juges relèvent que : « le barème utilisé a ainsi conduit à surévaluer des secteurs répondant à des critères environnementaux, tels que l’absence de localisation dans un espace proche du rivage, l’absence de risque de submersion et d’inondation, et l’absence de zone naturelle d’intérêt, mais ne répondant pas ou peu aux critères mentionnés à l’article L121-8 du Code de l’urbanisme en termes de densité et de continuité de l’urbanisation ou de desserte par des réseaux de transport et d’assainissement ».
En conséquence, selon les juges le système de notation mis en place ne permettait, en tout état de cause, pas d’identifier clairement les secteurs répondant aux critères d’urbanisation prévus par l’article L121-8 du Code de l’urbanisme indépendamment des critères complémentaires retenus.
L’application de ces critères a alors conduit à l’identification de secteurs déjà urbanisés, alors qu’ils présentent une densité faible, ne sont pas structurés par des voies de circulation ou ne sont pas reliés à un réseau d’assainissement collectif et correspondent à des zones d’urbanisation diffuse.
De ce fait, la modification simplifiée du SCoT du Pays de Retz n’est pas compatible avec les dispositions de l’article L121-8 du Code de l’urbanisme.
La décision est ici très intéressante dans la mesure où elle semble faire une hiérarchie entre les critères prévus par le Code de l’urbanisme à l’article L121-8 et ceux, complémentaires, que les auteurs d’un SCoT peuvent ajouter.
Ce jugement bride alors les marges de manœuvre des élus locaux dans l’adaptation de la loi Littoral à leur territoire.
Il n’est pas certain que cette solution soit conforme à l’esprit de la loi ELAN.
3/ Sur l’erreur manifeste d’appréciation dans l’identification des 19 secteurs.
Indépendamment de la mise en cause de la méthodologie appliquée, les juges ont également souhaité se prononcer expressément sur le cas des 19 secteurs contesté par le Préfet.
Les magistrats, qui n’étaient pas obligés de se prononcer également sur ce moyen, ont alors véritablement souhaiter que le PETR du Pays de Retz ne puisse, en changeant leur méthodologie, aboutir à la même solution.
En effet, les magistrats prennent alors soin de relever que ces secteurs se caractérisent par une urbanisation linéaire, une densité faible et pour, certains par l’absence d’assainissement collectif.
Ainsi, les juges relèvent que : « les secteurs de la Briandière, de la Raffinière, de l’Equemardière, de la Ferté, du Moulin de la Vierge, de la Chaussée, de la Sauvageais, de la Vinotière, de la Noé Briord présentent notamment un nombre peu important de logements, une densité faible et une urbanisation sans réelle structuration par des voies de circulation ».
Pour le secteur du Port, situé sur la commune de Pornic, il « se caractérise pour sa part par une urbanisation discontinue, le hameau étant coupé en deux par une route départementale, une absence de desserte par les transports collectifs et de raccordement à l’assainissement collectif ».
Enfin, les magistrats soulignent que si « certains des secteurs dont la qualification de secteur déjà urbanisé est contestée comportent un nombre de logements relativement important, notamment la Gelletière et la Giraudière, situés sur le territoire de la commune de Pornic, ceux-ci se caractérisent toutefois par une densité d’urbanisation faible et une structuration linéaire ».
Au final, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le Tribunal administratif de Nantes a annulé la délibération du 21 février 2022 au motif qu’elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle identifie les 19 secteurs concernés comme déjà urbanisés.
4/ Sur les suites à ce jugement.
Compte tenu de sa grande sévérité, il est très fortement probable que ce jugement fera l’objet d’un appel de la part du PETR.
En attendant, cette décision de justice va, probablement, avoir des répercussions pour de nombreux particuliers qui soit ont acheté des terrains qui finalement ne sont pas constructibles, soit ont engagé des frais à perte pour rendre constructibles des terrains.
Il ressort alors de la jurisprudence administrative qu’il est possible d’engager la responsabilité pour fautes des collectivités dans ce genre de situation.
De nombreux jugements font droit à des demandes d’indemnisation (V. par exemple : « Terrain inconstructible et loi Littoral (article L121-8) nouvelle condamnation en Bretagne » [2]).
L’action est alors à mener devant le Tribunal administratif de Nantes.
Compte tenu du délai de prescription applicable, il est fortement préférable d’initier au plus vite un recours indemnitaire.