Loi pinel : les principales modifications du regime des baux commerciaux.

Par Philippe Maurice.

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Explorer : # baux commerciaux # loi pinel # loyers # relations bailleur-locataire

La loi Pinel, du 18 juin 2014 réforme la réglementation relative aux baux commerciaux en privilégiant une plus grande protection du locataire au dépend du bailleur qui craint une diminution de la rentabilité de son investissement locatif.

-

La volonté du législateur par cette loi est de :
-  Maîtriser les hausses de loyer
-  Equilibrer les relations bailleur/locataire
-  Faciliter l’implantation de nouveaux commerces

En quelques lignes, nous développerons les principales modifications du régime des baux commerciaux.

1. Le déplafonnement

Sous le régime antérieur à la loi PINEL, les loyers commerciaux pouvaient subir de fortes augmentations lors des renouvellements. En effet, dans le cas précis de modifications notables mentionnés à l’article L.145-33, 1°à 4°, du Code du commerce, à savoir les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties et les facteurs locaux de commercialité, le montant du loyer pouvait être déplafonné et fixé à la valeur actuelle du loyer.

La loi Pinel prévoit désormais que le déplafonnement à la valeur locative du loyer, si celle-ci est à la hausse, ne peut pas entraîner d’augmentation supérieure pour une année à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.
Cette règle s’applique également aux baux qui ont une durée supérieure à neuf ans.

Enfin la loi prévoit, en cas de déplafonnement du loyer, un étalement dans le temps de sa réévaluation lorsqu’elle conduit à une augmentation supérieure à 10 % du montant payé l’année précédente. Cette disposition entre en vigueur le 1er septembre pour les contrats conclus ou renouvelés à compter de cette date.

2. Remplacement de l’ICC par l’ILC

Le loyer d’un bail révisé ou renouvelé est fixé en fonction de l’évolution de l’indice du coût de la construction (ICC) publié par l’Insee.
Cet indice est déterminé en fonction de la variation des prix de la construction des bâtiments neufs à usage principal d’habitation.

Partant du constat que le montant des loyers des locaux commerciaux évoluaient sans commune mesure avec le chiffre d’affaires des commerçants, un nouvel indice a été institué en 2008 : l’indice des loyers commerciaux (ILC), calculé selon l’indice des prix à la consommation et l’indice du chiffre d’affaires du commerce de détail, mais son application n’était pas obligatoire.

A partir du 1er septembre 2014, l’ILC se substituera à l’ICC. Cette disposition est applicable aux contrats conclus ou renouvelés à compter de cette date.

3. L’état des lieux devient obligatoire

Le nouvel article L.145-39 prévoit l’obligation pour les parties d’établir un état des lieux contradictoire et amiable. À défaut, il est établi par huissier à la demande de la partie la plus diligente et les frais sont partagés en deux de manière égale. Cet état des lieux doit être joint au contrat de location ou, à défaut, conservé par chacune des parties.

L’article 1731 du Code civil prévoit qu’en l’absence d’état des lieux, le locataire est présumé avoir reçu du bailleur des locaux en bon état de réparations locatives et doit les restituer dans le même état. Si cet état des lieux n’est pas réalisé, le bailleur ne peut plus se prévaloir de cette présomption.

Ces dispositions s’appliquent pour toutes les prises de possession d’un local à partir du 1er septembre 2014.

4. L’inventaire des charges, impôts et taxes

Sous le régime antérieur, la répartition écrite des charges entre bailleur et locataire n’était pas obligatoire et librement fixée par les parties. En l’absence de précision dans le contrat, les règles du code civil et les usages s’appliquaient pour fixer cette répartition.

A l’instar de la loi ALUR, la loi PINEL entend tout régir. Ainsi le législateur a introduit l’article L.145-40-2 qui prévoit que tout contrat doit dorénavant comporter un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, d’impôts, de taxes et de redevances liés au bail, ainsi que leur répartition entre le propriétaire et le locataire.

En outre, le propriétaire doit adresser à son locataire un état récapitulatif annuel de ces charges, impôts et taxes.

Un décret en Conseil d’État précisera la liste des charges, impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne seront pas à la charge du locataire.

5. L’état des travaux.

A l’identique des charges, sous l’ancien régime, la répartition des charges afférentes aux travaux n’était pas obligatoirement indiquée par écrit. En l’absence de précision dans le contrat, les règles du Code civil et les usages s’appliquaient pour fixer cette répartition.

Désormais, à la signature du bail, puis tous les 3 ans, le bailleur doit adresser à son locataire :

- un état prévisionnel sur 3 ans des travaux à réaliser ainsi que le budget prévisionnel correspondant, et la répartition de ces charges entre les différents locataires d’un même immeuble, en pourcentage des surfaces occupées

- un état récapitulatif des travaux réalisés dans les 3 années précédentes, et le coût assumé.

Un décret ultérieur fixera les dépenses ne pouvant être mises à la charge du locataire et fixera également les modalités d’information de celui-ci.

6. La forme de la délivrance du congé

Le locataire doit respecter un délai de préavis de 6 mois pour résilier son bail alors que seul le congé donné par exploit d’huissier était reconnu.

La loi Pinel autorise désormais de donner congé à son bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception.

7. La garantie du vendeur limitée à trois ans

Lors des cessions de baux ou de fonds de commerce, l’acte de vente mentionnait la garantie solidaire du paiement des loyers entre le cédant et le bénéficiaire, jusqu’à la date d’expiration du bail.
Ainsi, en cas de défaillance, le bailleur pouvait se retourner contre le cédant du bail ou du fonds de commerce.

Cette garantie était toujours très commentée lors de la signature de ces actes de cession.

La loi PINEL est venue dégager la responsabilité de cédant ; ainsi le bailleur ne peut se prévaloir de cette clause de garantie solidaire que pour une durée de 3 ans maximum.

8. Les baux dérogatoires : dits de courte durée.

Antérieurement à la promulgation de la loi PINEL les baux de courte durée étaient ceux dont la durée totale n’excédait pas deux ans.

La loi Pinel allonge la durée des baux de courte durée à 3 ans.

Comme c’était le cas précédemment :
-  Les parties ne pourront plus ensuite conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux ;
-  A l’issue du bail dérogatoire, le locataire devra quitter les lieux sauf accord du bailleur ; dans cette hypothèse, il s’opérera un nouveau bail, obligatoirement commercial et de neuf ans.

9. Une nouveauté : Un droit de préemption du locataire en cas de vente du local commercial

A l’instar des baux d’habitation, la loi PINEL accorde sauf exception, au locataire un droit de priorité en cas de vente du local dans lequel il exploite son fonds de commerce.
En pratique, si le propriétaire bailleur vend les murs, le locataire commerçant en est informé par lettre recommandée AR et sera prioritaire pour en faire l’acquisition pendant un mois. Un second droit de préférence est prévu si le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux que ce qu’il avait initialement proposé à son locataire.

MAURICE PHILIPPE

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Discussions en cours :

  • quelle est la liste des charges ,impots ,taxes et redevances qui ne seront pas à la charges des locataires dans un renouvellement de bail commercial ?
    doit on faire un état des lieux pour un renouvellement de bail ?
    quels diagnostics doivent etre établis ?

    • par KATPAT , Le 26 octobre 2015 à 20:45

      Dans un bail commercial établi en 2009, était précisé que la Taxe d’Enlèvement d’Ordures Ménagères (TEOM) restait à la charge du bailleur.
      Mais depuis 2011, La commune a décidé de supprimer cette taxe, pour la remplacer par la Redevance Ordures Ménagères (REOM). Cette taxe qui a pour but d’être plus équitable, avec également pour objectif d’inciter les administrés à réduire leurs déchets, doit-elle faire l’objet d’une modification de bail ?
      En effet, la REOM doit être supportée par l’usager, elle est calculée en fonction du service rendu, contrairement à la TEOM qui est un impôt, et qui est calculée à partir d’un taux défini par la collectivité locale, et assise sur la valeur locative du bien.
      La délibération du Conseil Municipal pour l’institution de la REOM rend t-elle caduque la clause du bail concernant la TEOM ?
      Pour le bailleur, la REOM peut-elle être transferée à la charge du locataire ? Est-il légitime pour le bailleur d’apporter un amendement modificatif au bail ?

  • par Ano , Le 15 octobre 2015 à 15:49

    "Le nouvel article L.145-39 prévoit l’obligation pour les parties d’établir un état des lieux contradictoire et amiable"

    L’article L.145-39 concerne la révision du loyer. L’article L145-40-1 concerne l’état des lieux.

  • par hélène , Le 25 août 2015 à 06:03

    merci de cet article explicatif de la loi pinel en matiére de baux commerciaux

  • Dernière réponse : 17 juin 2015 à 06:49
    par Simon Lévy , Le 13 novembre 2014 à 14:49

    Bonjour Mr Philippe, je me permettrais de rajouter que la loi Pinel a réformé les baux commerciaux notamment en vue de mieux protéger les locataires. Ainsi, elle limite le déplafonnement des hausses de loyer à 10 % par an, elle impose la prise en compte de l’indice des loyers commerciaux pour la révision des loyers ainsi que l’établissement d’un état des lieux lors la signature du contrat de bail. D’autre part, la loi Pinel exige que le contrat de bail contienne une répartition précise des impôts et des charges entre le bailleur et le locataire. Des obligations sont également prévues pour l’état des travaux et pour la délivrance du congé par le locataire

    Ces nouveautés sont complétées par les dispositions suivantes :

    - un droit de préemption au profit du locataire si le bailleur souhaite vendre le local
    - une augmentation à trois ans de la durée autorisée pour les baux dérogatoires
    - la prise en compte de l’indice des loyers des activités tertiaires dans les cas où les locaux sont loués par une entreprise de services

    Simon Lévy

    • par GUENDOUZ , Le 14 novembre 2014 à 16:35

      Bonjour,

      Le décret visé et attendu est publié dépuis le 3 novembre 2014, fixant ainsi les dépenses qui ne peuvent être imputées au locataire. Cette disposition d’ordre public visée au nouvel article L.145-40-2 du Code de commerce trouve ses modalités d’application dans le nouvel article R.145-35 du Code de commerce.

      Sana GUENDOUZ

    • par LEHMANN , Le 17 juin 2015 à 06:49

      bonjour

      j’ai acheter en 2014 une chambre dans une EPADH (LMNP)
      le bail arrive terme au moin de JUIN de cette année
      j’ai un loyer de 6139€ /an et le gestionaire veux le passer à 5395€/an
      il pretent que c’est la loi pinel , que dois je faire sachant que pour acheter cettechambre , j ai un credit de 1100€ mois

      cordialement
      PL

  • par camaji , Le 2 mai 2015 à 11:30

    texte accessible à un petit commerçant ce qui n est pas toujours le cas...

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