Par trois arrêts du 9 novembre 2018, la Cour administrative d’appel de Nantes a prononcé l’annulation d’un marché de conception-réalisation [1].
Le marché, attribué par le Département de la Loire Atlantique au groupement « Eiffage-Linéa », concernait la construction de collèges sur le territoire de la commune de Savenay, Pontchâteau et Nantes.
Après avoir vu son recours en annulation rejeté par le tribunal administratif de Nantes [2], le Conseil régional de l’ordre des architectes avait interjeté appel devant la Cour afin de voir le contrat annulé ou résilié.
La Cour a, à titre liminaire, mis en exergue l’intérêt des marchés de conception-réalisation dans l’atteinte des objectifs de réduction des consommations d’énergie instauré par la loi Grenelle I pour, ensuite, rappeler les motifs justifiant le recours à ce type de marché.
En effet, ces contrats, dérogatoires au principe de dissociation de la maîtrise d’œuvre et de l’entrepreneur en charge de la réalisation de l’ouvrage régi par la Loi MOP [3], ne peuvent être conclus, par des acheteurs soumis à cette Loi, que dans les cas strictement définis à l’article 18-1 de celle-ci et repris à l’article 33 de l’Ordonnance 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, à savoir :
en présence de motifs techniques,
ou un engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique,
rendant nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage.
Au vu de ces critères, le Département justifiait le recours au marché de conception-réalisation en se prévalant :
d’un objectif de niveau de performance supérieur de 10% à la norme thermique RT 2012 ;
et de motifs techniques particuliers consistant en la préfabrication d’éléments à agencer pour permettre le caractère modulable du collège afin de disposer de parties facilement transférables ou démontables etc.
Ces critères étant interprétés de manière stricte, la Cour a considéré ces deux justifications comme insuffisantes.
En effet, elle retient que "il ne résulte pas de l’instruction que :
au regard de la nature de la construction envisagée comme du procédé constructif retenu et des matériaux dont l’emploi était prévu, l’objectif d’un niveau de performance énergétique supérieur de 10 % à la norme thermique RT 2012, […], représentait en lui-même une contrainte ou une complexité telle qu’elle exigeait d’associer nécessairement les opérateurs de maîtrise d’œuvre et les entreprises de construction dès le stade de l’établissement des études.
[…] au regard tant des dimensions des modules ou des matériaux utilisés que des exigences acoustiques et thermiques posées par le maître d’ouvrage et des contraintes susceptibles d’en résulter, un mode de construction spécifique présentant des difficultés techniques particulières telles qu’elles auraient nécessité d’associer l’entrepreneur aux études de l’ouvrage".
Le rejet du motif portant sur « un engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique » n’est, en l’espèce, pas étonnant puisque ces marchés, justifiés par ce critère, sont à l’heure actuelle réservés aux travaux portant sur de l’existant [4].
Pour autant, ce cas de recours tend à évoluer puisque que l’article 69 de la Loi ELAN [5] a introduit une nouvelle dérogation à la loi MOP lorsque « la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur rend nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage ». Nous assistons donc à l’introduction d’une troisième hypothèse légalisant le recours aux marchés de conception-réalisation.
Cette évolution est codifiée au futur article L.2171-2 du Code de la commande publique qui entrera en vigueur au 1er avril 2019.