L’offre bancaire spécifique dédiée aux particuliers en difficultés financières.

Par Alexandre Peron, Legal Counsel.

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Explorer : # surendettement # offre bancaire spécifique # difficultés financières # protection des consommateurs

En France, c’est la loi du 26 juillet 2013 et le décret d’application en date du 1er octobre 2014 qui sont venus prévoir un cadre bancaire spécifique pour les particuliers, qui n’agissant pas dans le cadre professionnel, traversent des difficultés financières.

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Le législateur est venu prendre en compte l’explosion inquiétante des personnes physiques devant faire face à une situation de surendettement. En effet ce phénomène s’est accru ces dernières années sur le territoire national et l’objectif premier était et est toujours d’enrailler la croissance exponentielle de ces situations mais aussi de permettre aux individus qui doivent faire face à de graves difficultés financières d’avoir un cadre bancaire adapté à leur situation précaire.

Ainsi depuis 2014, les banques se sont vues imposées une nouvelle obligation, à savoir celle d’être en mesure de proposer aux personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels et se trouvant dans une situation financière délicate, une offre bancaire adaptée à leur situation afin de permettre de ne pas aggraver leur état financier par la facturation de frais liés à des incidents de paiement par exemple.

Cette offre spécifique ne peut donc pas être proposée à tout le monde, et ce sont les établissements bancaires (teneurs de compte) qui ont la faculté d’apprécier la situation financière fragile du client personne physique. Un faisceau d’indices permettra la plupart du temps de détecter les situations visées. Ainsi des incidents de fonctionnement de compte ou de paiement répétitifs associés à une modification significative des ressources alimentant le compte, permettront à la banque de détecter un client qui pourrait bénéficier de cette offre spécifique.

Les banques peuvent également prendre en considération les personnes inscrites pendant au moins 3 mois consécutifs au fichier des incidents de paiement de la Banque de France et les personnes physiques concernées par une situation de surendettement.

Le législateur va plus loin et donne une large marge de manœuvre aux établissements bancaires puisque de manière générale, les banques peuvent prendre en considération tout élément qui seraient de nature à engendrer des incidents de paiement comme les dépenses portées au débit du compte. Si l’objectif du législateur est louable, il est intéressant de savoir jusqu’où les banques peuvent-elles aller sans bafouer le respect du droit à la vie privée ? En d’autres termes la fin justifie-t-elle réellement les moyens mis à la disposition des banques ?

Quoiqu’il en soit, au terme de cette phase d’identification, c’est la banque qui propose au client de souscrire à l’offre spécifique. Le point important est que le client peut refuser d’y souscrire. Mais cela soulève un réel sujet, car en cas de contentieux entre le client et la banque ayant pour objet des incidents en lien avec la fragilité financière du client, la banque ne pourrait-elle pas se prévaloir de ce refus afin d’étayer son dossier et démontrer ainsi le manque de coopération du client en amont de la phase contentieuse et sa mauvaise foi ? Ce qui, en d’autres termes reviendrait à s’auto-constituer une preuve avant même la naissance de tout contentieux.

La pratique révèle également que certains établissements bancaires peuvent accepter que ce soit le client lui-même qui demande à bénéficier de cette offre spécifique. Le législateur n’aurait pas eu intérêt à faire de ce cas de figure un droit général du client lui permettant ainsi d’être acteur de son sauvetage financier ?

Les puristes diront que cela aurait ouvert la voie à des tentatives de fraudes de certains clients souhaitant bénéficier de l’offre spécifique alors qu’ils ne se trouvent pas dans une situation de fragilité financière le justifiant.
Les banques soutiendront que cela aurait été de nature à engendrer une masse de travail accrue liée à l’étude de toutes les demandes.

Il n’en demeure pas moins que le client qui se trouve dans une situation financière délicate, qui sollicite sa banque afin de pouvoir bénéficier de ce dispositif et qui se voit opposer une fin de non-recevoir, devra s’en remettre à des instances supérieures tel que le médiateur par exemple, et ce, afin d’obtenir le droit de bénéficier d’un dispositif lui permettant de reprendre le contrôle de sa situation financière.

Pour les clients qui obtiennent le droit de bénéficier de cette offre spécifique, ils sont dès lors soumis à un nouveau mode de fonctionnement car leur carte bancaire ne peut être qu’à autorisation systématique afin d’éviter les problèmes de provision du compte, et les paiements différés deviennent impossibles afin de pouvoir gérer en temps utile les dépenses.

Si le chéquier ne peut plus constituer un moyen de paiement, le pack doit comporter un certain nombre de services bancaires minimum comme la tenue ou la fermeture du compte de dépôt ; un nombre de virement SEPA ; l’émission de chèques de banques dans la limite de 2 par mois etc…

D’un point de vue financier, et là est tout l’intérêt du dispositif, l’offre ne peut dépasser 3 euros par mois (montant fixé par décret et indexé sur l’indice de l’INSEE), et les commissions d’intervention sont plafonnées à 4 euros par opération dans la limite de 20 euros par mois.

Il est fort probable que depuis 2014, de nombreux particuliers ont eu la possibilité de bénéficier de ce dispositif qui, il faut l’espérer leur permet de faire face à une situation financière complexe, sans être « écrasé » par une pression bancaire trop importante.

Alexandre Peron
Legal Counsel

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