Fichier positif des crédits bancaires : tout simplement inconstitutionnel.

Par Laurent Denis, Juriste.

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Explorer : # vie privée # surendettement # protection des consommateurs # données personnelles

Le Conseil Constitutionnel a rendu le le 13 mars sa décision sur la Loi "Consommation" (décision n°2014-690 DC).

Cette décision avalise la mesure emblématique de l’action collective, la fameuse "class action" qui manquait tant, pour certains, à l’arsenal judiciaire.

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En revanche, elle retoque l’inutile et coûteux méga fichier centralisé des emprunteurs en crédits à la consommation, dit "fichier positif", jugé inconstitutionnel pour l’atteinte excessive au respect de la vie privée qu’il entraînerait.

Sans surprise. Les amateurs de normes bancaires et financières vont, décidément, devoir faire preuve de créativité pour répondre aux dramatiques situations personnelles suscitées par le sur-endettement des particuliers.

Après les filtres successifs des réformes bancaires, la protection des consommateurs financiers atteint un très haut niveau -pour peu que les mesures déjà votées soient efficacement mises en application et sous réserves des corrections, limitées, mais nécessaires à leur cohérence.

Dans ce contexte, la croissance économique et le bon taux d’emploi qui l’accompagne, sont les meilleurs remèdes connus contre le sur-endettement.

La loi "Consommation" , examinée le 13 mars 2014 par le Conseil Constitutionnel, apportera l’action collective au Droit français (futurs articles L. 423-1 et suivants du Code de la consommation). Le Conseil a jugé cette disposition constitutionnelle, y compris dans sa version dite simplifiée (art. L. 423-10 du Code de la consommation), notamment comme respectant les principes posés en procédure civile.

L’autre proposition forte de la loi porte sur la création d’un fichier centralisé des crédits à la consommation, le "fichier positif", en débat depuis 2003.

L’article L. 333-6 proposé par cette loi pour le Code de la consommation institue le registre national des crédits aux particuliers.

Ce registre « a pour finalité de prévenir les situations de surendettement des personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels  » [1].

L’article 2 de la Déclaration des Droits de 1789 pose le principe du droit au respect à la vie privée -norme beaucoup sollicitée et visible, ces temps-ci.

Or, le contenu et le mode de fonctionnement du fichier en font un méga fichier non seulement des crédits, mais aussi des emprunteurs ; il est ouvert à tous les vents et à tous les risques, alors que les événements récents nous montrent à quel point la protection des données personnelles est désormais lacunaire, face aux nouveaux outils dont nous disposons.

Le Conseil Constitutionnel constate "qu’eu égard à la nature des données enregistrées, à l’ampleur du traitement, à la fréquence de son utilisation, au grand nombre de personnes susceptibles d’y avoir accès et à l’insuffisance des garanties relatives à l’accès au registre, les dispositions contestées portent au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi".

Il déclare inconstitutionnelles les dispositions de la loi.

La lutte contre ce fléau humain, financier et social qu’est le sur-endettement nécessite du volontarisme et, peut-être, davantage d’imagination juridique.

Le placage d’une solution informatique industrielle, démagogique et inefficace, sur les normes existantes aurait mobilisé des sommes importantes, sans résultat probant.

Le crédit peut également se concevoir comme un différé de revenus. Sans dynamisme de l’emploi, sans croissance économique, les risques de sur-endettement s’accroissent. Un fichier préalable n’y change rien.

En revanche, la généralisation d’une obligation de conseil en crédits serait une sécurité supplémentaire pour les emprunteurs. Pour l’heure, ces derniers n’en bénéficient qu’auprès des Courtiers en crédits, ou IOBSP, qui leur offrent par voie de conséquence une protection accrue.

Cette sécurité devrait être générale, quel que soit le professionnel distributeur et le lieu de souscription du crédit.

En écho à cette obligation de conseil en crédits, il n’est que temps de cesser les lents débats et bavardages sur l’éducation financière, aussi datés que ceux sur le fichier positif : généralisons très fermement une formation des consommateurs aux mécanismes du crédit, aux risques de l’endettement, à leurs impacts sur les budgets domestiques.

L’école, qui dédaigne tout ce qu’elle suspecte de mercantilisme ou de remugles financiers, en tenant les futurs consommateurs à l’écart de toute formation digne en matière de crédits, fait de ceux-ci des consommateurs fragiles, puisqu’ils n’ont d’autres choix que d’être des consommateurs.

Parions pourtant que ceux qui s’entêtent dans le fichage industriel des français, via le thème du crédit, auront à cœur de trouver des voies pour représenter cet inutile fichier sous une forme tenant compte de cette décision du Conseil Constitutionnel.

Laurent Denis
Juriste - Droit bancaire et financier - Droit et Conformité des Intermédiaires
www.isfi.fr
www.droit-distribution-bancaire.fr

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Notes de l'article:

[1proposition d’article L. 333-7 du même Code de la consommation

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