La Cour de cassation a forgé la théorie de la peine justifiée : une personne a été condamnée comme complice alors qu’elle était coauteur. La loi pénale française, d’interprétation stricte, n’impose pas l’identification de l’auteur principal pour poursuivre le complice. Il suffit de démontrer l’existence d’une infraction qualifiée crime ou délit et d’un acte de complicité réalisé par un individu.
Deux exemples récents illustrent la possibilité la possibilité de mettre en œuvre ce principe :
A Lieuron, au sud de Rennes, 2 500 personnes venues de toute la France et même de l’étranger sont passées outre les consignes gouvernementales pour fêter le passage à la nouvelle année (2020/2021). Les gendarmes ont été pris à partie. Une enquête a été ouverte par le parquet et a été confiée à la brigade de recherche de Redon notamment sous les qualifications : d’organisation illicite d’un rassemblement festif à caractère musical, violences volontaires sur personnes dépositaires de l’autorité publique, dégradation de biens d’utilité publique, dégradation du bien d’autrui en réunion, travail dissimulé, tenue illicite de débit de boisson et infractions à la législation sur les stupéfiants et notamment la facilitation de l’usage ;
Samedi dernier, le centre de Paris a une nouvelle fois le théâtre de pillages de cassage, de dégradation et d’agression d’une violence inouïe. La classe politique s’interroge sur la façon de neutraliser ces mouvements, les « black block » (valeurs actuelles 17 décembre 2020).
La poursuite judiciaire des participants d’infractions commises par un groupe d’individus peut être facilitée en appliquant la théorie de la complicité Co-respective.
Cette application requiert la réunion de deux conditions :
La nécessité d’une infraction qualifiée crime ;
L’autonomie de la poursuite judiciaire des complices.
I. La nécessité d’une infraction crime ou délit.
L’infraction est une violation d’une loi de l’État, résultant d’un acte externe de l’homme, positif ou négatif, socialement imputable, ne se justifiant pas par l’accomplissement d’un devoir ou l’exercice d’un droit, et qui est puni d’une peine prévue par la loi.
En droit pénal, le principe de légalité des délits et des peines dispose qu’on ne peut être condamné pénalement qu’en vertu d’un texte pénal précis et clair. Ce principe a été notamment développé par le pénaliste italien Cesare Beccaria.
Les infractions pénales sont classées, suivant leur gravité, en crimes, délits et contraventions .
Nous pouvons d’emblée exclure la contravention, la complicité ne s’appliquant qu’aux crimes ou aux délits.
Le crime est l’infraction la plus grave, jugée par la cour d’assises et dont l’auteur encourt une peine de réclusion criminelle, à perpétuité ou à temps à laquelle peuvent s’ajouter des amendes et toute autre peine complémentaire.
Le délit est l’infraction jugée par le tribunal correctionnel passible d’une peine d’emprisonnement (qui ne peut dépasser 10 ans) d’une amende, d’une peine de jour-amende, d’un stage de citoyenneté, d’une peine de travail d’intérêt général, d’une peine privative ou restrictive de libertés (suspension ou annulation du permis de conduire ou du permis de chasser, confiscation, interdiction d’émettre des chèques, interdiction d’exercer certaines activités professionnelles...) ou d’une peine complémentaire.
Les situations illustrant la difficulté des poursuites judiciaires, pour des infractions commises d’un groupe d’individus sont nombreuses. L’application de la complicité co-respective pourrait utilement faire face à ces difficultés.
II. L’autonomie de la poursuite judiciaire des complices.
Selon l’article 121-7 du Code pénal :
« Est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.
Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre ».
L’article 121- du Code pénal rattache le fait de complicité à une infraction qualifiée crime ou délit mais pas à l’auteur de l’incrimination « Est complice d’un crime ou d’un délit. ... ». Peu importe que l’auteur principal soit identifié dès lors qu’une infraction est caractérisée dans ses éléments constitutifs.
La caractérisation d’une infraction est insuffisante. Il est nécessaire d’imputer un acte de complicité défini par le code pénal : aide, assistance, faciliter la préparation ou la consommation ou encore provoquer ou donner des instructions pour commettre l’infraction. Nous pouvons exclure l’aide, la provocation et l’instruction, reste deux comportements : l’assistance et la facilitation.
« L’assistance est définie comme étant une action visant à assister quelque chose, être présent en un lieu. Ensemble des personnes présentes à une réunion, à une cérémonie, etc. : une assistance nombreuse ».
L’assistance ne nécessité pas la réalisation d’un acte positif ou négatif, il suffit d’être présent.
Quant à faciliter,
« c’est rendre quelque chose facile ou plus facile pour quelqu’un ».
Les deux comportements sont constants dans les manifestations, assister, c’est à dire être présent, et faciliter les exactions par le seul regroupement d’individus. En effet, plus le groupe est important et davantage les auteurs pensent bénéficier d’une impunité, les participants favorisent donc, par leur présence, la réalisation d’infractions.
On pourrait objecter une absence d’élément intentionnel, mais se serait méconnaître la position constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui a jugé que l’élément intentionnel se réduisait des faits. L’absence de retrait, à une réunion, après la réalisation d’infractions par quelques-uns caractérise intentionnalité.
En conclusion, l’arsenal pénal français permet d’apporter une réponse judiciaire à ces comportements répréhensibles.