La preuve des heures supplémentaires accomplies par le salarié.

Par Cécile Villié, Avocat.

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Explorer : # preuve des heures supplémentaires # charge de la preuve # rôle du juge # obligations de l'employeur

Souvent, il est difficile pour le salarié de prouver l’accomplissement des heures supplémentaires qu’il a accompli. Généralement l’employeur dispose des moyens de décompte de la durée du travail.

-

L’article L3171-4 du Code du travail dispose qu’

« en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles
 ».

La Cour de cassation considère que la charge de la preuve est partagée.

Pour faire valoir l’accomplissement de ses heures supplémentaires, le salarié doit de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Dans un premier temps, le salarié doit donc produire des éléments sérieux à l’appui de sa demande.

De son côté, il revient à l’employeur de présenter au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au regard de ces éléments, le juge apprécie, in concreto, si des heures supplémentaires ont été accomplies, avec l’aide de mesures d’instruction le cas échéant.

Ainsi, le salarié ne doit pas rapporter la preuve irréfutable et incontestable de ce qu’il a exécuté des heures supplémentaires.

La Cour de cassation a retenu que constituent des éléments de nature à étayer la demande du salarié :
- un décompte établi au crayon, calculé mois par mois, sans autre explication ni indication complémentaire [1] ;
- des tableaux de type Word par lesquels le salarié a récapitulé ses heures supplémentaires [2] ;
- la fourniture par le salarié d’une description précise des tâches accomplies au-delà de l’horaire légal [3] ;
- un décompte établi au crayon, calculé mois par mois, sans autre explication ni indication complémentaire [4].

Un décompte hebdomadaire n’est nullement obligatoire pour étayer une demande en paiement d’heures supplémentaires [5].

Lorsque l’employeur demande au salarié d’établir des fiches de temps, les juges peuvent parfaitement se fonder sur ces fiches pour considérer que la preuve des heures supplémentaires est rapportée [6].

Pour contrecarrer les demandes du salarié en matière d’heures supplémentaires, l’employeur peut produire des attestations de salariés ou de clients, indiquant que le salarié ne faisait pas d’heures supplémentaires ou encore un état circonstancié des heures travaillées par le salarié pendant la période litigieuse.

La Cour de Justice de l’Union européenne [7] a précisé que les Etats membres doivent imposer aux employeurs l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.

A la suite de cet arrêt, la Cour de cassation n’a cessé de durcir les conditions dans lesquelles l’employeur peut contester les demandes du salarié en matière d’heures supplémentaires.

Ainsi, la Chambre sociale de la Cour de cassation, a en mars 2020, a considéré qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies :
- dans un premier temps, il appartient au salarié de présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies,
- dans un second temps, l’employeur peut y répondre utilement en produisant ses propres éléments [8].

Cette jurisprudence a été confirmée par un arrêt du 27 janvier 2021 par lequel la chambre sociale de la Cour de cassation a ajouté que les pauses n’ont pas à figurer dans le décompte du salarié [9].

Cécile Villié
avocat - droit du travail
www.villie-avocat.com

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Notes de l'article:

[1Cass. soc., 24 nov. 2010, n° 09-40.928.

[2Cass. soc., 8 juil. 2020, n° 18-26.385.

[3Cass. soc., 7 fév. 2001, n° 98-45.570.

[4Cass. soc., 24 nov. 2010, n° 09-40.928.

[5Cass. soc., 4 sept. 2019, n° 18-10.541.

[6Cass. soc., 19 janv.1999 n° 96-45.628.

[7CJUE, 14 mai 2019, C-55/18, points 60 à 63.

[8Cass. soc., 18 mars 2020, n°18-10.919.

[9Cass. soc., 27 janv. 2021, n° 17-31.046 FP-BRI.

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Discussions en cours :

  • par PATRICK BERGAMINI , Le 29 mars 2021 à 19:31

    est ce qu’un salarié peut se contenter de produire des relevés d’heures qu’il a lui même établis sans la moindre signature de son supérieur hiérarchique ? A priori, on peut constater que l’on considère (avocat de l’employeur) lors d’audience prudhommale que nul ne peut se constituer une preuve à soi même et rappelle également que la Cour de cassation considère de manière constante que « seules les heures supplémentaires qui ont été accomplies avec l’accord de l’employeur doivent donner lieu à rémunération » (Cf Cass soc 20/03/1980 N°78-40.979 ; Cass soc 17/11/1982 N°80-41.589 Cah Prud’h 1983. p 84 ; Cass soc 27/01/1999 N°97-40.289 JSL 16/02/1999 N°30-2).
    il semble qu’il y a un avis pour en contredire l’autre.

  • par Antimanuel de droit du travail , Le 1er mars 2021 à 18:03

    Bonjour,

    Excellent résumé de la jurisprudence récente de la Cour de cassation...toujours en contradiction avec une interprétation littérale de la loi et de la récente jurisprudence communautaire :

    1) une interprétation littérale de la loi imposerait que ce soit à l’employeur d’apporter en premier des éléments de preuve (présentation chronologique : « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».) ;
    2) la jurisprudence communautaire impose que ce soit à l’employeur de conserver des preuves des heures effectuées.

    À quand un vrai revirement de jurisprudence ?

    Cordialement,

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