La procédure d’extradition entre le Japon et la France.

Par Avi Bitton, Avocat et Aylen Colin, Juriste.

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Explorer : # extradition # droit pénal # relations internationales # procédure judiciaire

Ce que vous allez lire ici :

L'article traite de la procédure d'extradition entre le Japon et la France. Il explique d'abord ce qu'est l'extradition et précise les règles applicables dans les extraditions entre ces pays. Ensuite, il détaille les motifs de refus d'extradition. Enfin, il décrit la procédure d'extradition et les voies de recours disponibles.
Description rédigée par l'IA du Village

Qu’est-ce que l’extradition ? Quelles sont les règles applicables à l’extradition ? Quels sont les motifs de refus de l’extradition ? Quels sont les recours contre l’extradition ?

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I. Qu’est-ce que l’extradition.

L’extradition est la procédure selon laquelle un État, appelé État requis, examine la demande qui lui est faite par un autre État, appelé État requérant, par laquelle celui-ci lui réclame la remise d’une personne qui se trouve sur son territoire pour la juger pour la commission d’un crime ou d’un délit (l’extradition aux fins de jugement), ou pour lui faire exécuter une peine prononcée pour la commission d’un crime ou d’un délit (l’extradition aux fins d’exécution).

Il s’agit d’une procédure interétatique qui consiste en un dialogue entre États. En France, le juge judiciaire va jouer un rôle de conseil auprès du gouvernement, qui aura la maîtrise finale d’accepter ou non la remise de la personne demandée.

II. Quelles sont les règles applicables à l’extradition ?

Conformément à l’article 696 du Code de procédure pénale (CPP), ce n’est qu’en l’absence de convention internationale entre la France et l’État concerné par la procédure d’extradition, que les dispositions du CPP s’appliquent.

Concernant les relations entre la France et le Japon en matière d’extradition, aucune convention internationale n’a été ratifiée entre les deux États. En outre, l’article 1er de l’Accord entre l’Union européenne et le Japon relatif à l’entraide judiciaire en matière pénale dispose que ce texte n’a pas pour objet de s’appliquer à la procédure d’extradition.

Par conséquent, ce sont les dispositions légales des deux États qui s’appliqueront aux extraditions entre la France et le Japon.

III. Quels sont les motifs de refus de l’extradition ?

A. Les motifs de refus relatifs aux personnes extradables.

1. Le principe de non-extradition des nationaux.

L’un des principes fondamentaux en droit de l’extradition est la non-extradition des nationaux. Cette règle, affirmée aux articles 696-2 et 696-4, 1°, du CPP, déclarée conforme au principe constitutionnel d’égalité par le Conseil constitutionnel [1], vise à protéger les ressortissants de l’État lorsqu’ils se trouvent sur le territoire national. En outre, l’appréciation de la nationalité s’effectue à l’époque de l’infraction pour laquelle l’extradition est requise.

À titre d’exemple, dans le cadre de l’affaire médiatique relative à Carlos Ghosn, ex-PDG de Renault, le Japon a engagé des procédures judiciaires à son encontre, notamment pour abus de biens sociaux et fraude fiscale. Or, s’il venait à se retrouver sur le territoire national français, la France refuserait son extradition vers le Japon, sur le fondement de sa nationalité française et du principe de non-extradition des nationaux.

2. Les obstacles à l’extradition des étrangers.

D’autres motifs de refus en lien avec la personne demandée sont applicables en droit de l’extradition :

  • La nationalité d’un État membre de l’Union européenne peut constituer un obstacle à l’extradition demandée par le Japon. Cette solution, consacrée dans la jurisprudence européenne (CJUE, Petruhhin, 6 septembre 2016, aff. C-182/15), se fonde sur le principe de liberté de circulation et de séjour au sein de l’Union européenne (article 21 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne). Ainsi, si le Japon demande l’extradition à la France d’un ressortissant de l’Union européenne, l’État requis devra demander en premier lieu à l’État de nationalité de l’individu recherché s’il souhaite le poursuivre, le cas échéant, le mandat d’arrêt européen émis devra primer sur la demande d’extradition émise par le Japon.
  • Le statut de réfugié est également un obstacle pour refuser l’extradition vers le Japon, si ce dernier est l’État d’origine de la personne recherchée (Conseil d’Etat, Assemblée, 1er avril 1988, 85834).
  • Le respect de la vie privée et familiale de la personne demandée peut dans certaines situations constituer un motif de refus de son extradition. Fondé sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, ce droit doit néanmoins souffrir d’une atteinte disproportionnée pour former un obstacle à l’extradition.
  • En outre, l’extradition doit être compatible avec l’âge ou l’état de santé de la personne demandée. En ce sens, le Conseil d’État a reconnu qu’il s’agissait d’un principe général du droit de l’extradition (Conseil d’État, 13 octobre 2000, 212825).

B. Les motifs de refus relatifs aux infractions extraditionnelles.

  • Le lieu de commission de l’infraction peut devenir un obstacle à l’extradition lorsque les faits ont été commis sur le territoire français (articles 696-2 et 696-4, 3°, CPP).
  • En outre, la loi française pose une condition de gravité de l’infraction pour accepter de procéder à l’extradition. Ainsi, l’article 696-3 du CPP prévoit une possibilité d’extrader pour : « 1° Tous les faits punis de peines criminelles par la loi de l’État requérant ;
    2° Les faits punis de peines correctionnelles par la loi de l’État requérant, quand le maximum de la peine d’emprisonnement encourue, aux termes de cette loi, est égal ou supérieur à deux ans, ou, s’il s’agit d’un condamné, quand la peine prononcée par la juridiction de l’État requérant est égale ou supérieure à deux mois d’emprisonnement
     ».
  • Également, le principe de double incrimination est un motif de refus de l’extradition. En ce sens, les faits doivent être également punis par la loi française d’une peine criminelle ou correctionnelle (article 696-3, alinéa 3, CPP).
  • Toute infraction à caractère politique ne peut faire l’objet d’une extradition. Une solution identique s’applique lorsque l’extradition est demandée dans un but politique (article 696-4, 2°, CPP). Il en est de même lorsque les faits constituent une infraction militaire (article 696-4, 8°, CPP).
  • Le principe de l’autorité de chose jugée est aussi un motif de refus de l’extradition. En effet, l’extradition ne sera pas accordée par l’Etat français lorsque les crimes ou délits commis en dehors du territoire ont déjà étaient poursuivis et jugés définitivement (article 696-4, 4°, CPP).
  • Les règles de prescription sont aussi constitutives d’un obstacle classique de l’extradition (article 696-6, 5°, CPP). En ce sens, si, selon la loi de l’Etat requérant ou de l’État français, la prescription est atteinte pour les faits en cause, la France devra refuser l’extradition.
  • S’agissant des peines encourues dans l’Etat requérant, le droit français pose un obstacle à l’extradition lorsque l’affaire est punie d’une peine ou d’une mesure de sûreté contraire à l’ordre public français (article 696-4, 6°, CPP). L’expression « ordre public français » fait notamment référence à la peine de mort, aux peines corporelles.
    La peine capitale est prévue dans le droit japonais. Ainsi, et selon la jurisprudence française et européenne [2], dans le cas où le Japon formulerait une demande d’extradition à la France, pour laquelle la personne risquerait la peine de mort, la France devra refuser son extradition.
  • Également, lorsque les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense ne sont pas garanties dans l’État requérant, la France doit refuser d’extrader la personne demandée (article 696-4, 7°, CPP).
  • Enfin, le principe de spécialité est aussi un motif de refus d’extrader (article 696-9 CPP). En effet, l’extradition ne sera accordée par l’État français qu’à la condition que la personne concernée ne soit ni poursuivie, ni condamnée pour une infraction antérieure autre que celle ayant motivé l’extradition.

IV. Quelle est la procédure d’extradition et les voies de recours ?

La procédure d’extradition passive, soit lorsque la France est l’État requis, se déroule en plusieurs phases :

  • La phase préalable (qui n’est cependant pas systématique car elle est subordonnée à une demande directe des autorités compétentes de l’Etat requérant et à une condition d’urgence) de l’arrestation provisoire de l’individu réclamé par l’État requérant (articles 696-23 et 696-24 CPP).
  • La phase de la demande d’extradition (article 696-8 CPP).
  • La phase de l’examen de la demande d’extradition par les autorités judiciaires.
  • La phase d’exécution de la demande d’extradition par le gouvernement.

Tout au long de cette procédure, la personne réclamée dispose de droits et de voies de recours.

D’abord, lors de la phase judiciaire, la demande d’extradition va être examinée par la Chambre de l’instruction. La décision rendue peut être un avis négatif à l’extradition si la cour estime que les conditions légales ne sont pas remplies ou qu’il y a une erreur évidente, ou un avis positif.

Dans le cas d’un avis positif à l’extradition, la personne réclamée pourra se pourvoir en cassation pour contester cette solution. Cependant, le pourvoi ne pourra être fondé que sur des vices de forme de nature à priver l’avis rendu des conditions essentielles de son existence légale (article 696-15 CPP).

Lorsqu’un avis négatif définitif sur l’extradition est rendu par l’autorité judiciaire, le gouvernement français devra notifier le refus d’extradition par voie diplomatique à l’État requérant (article 696-17 CPP).

En revanche, lorsqu’un avis positif définitif sur l’extradition est rendu par l’autorité judiciaire, le gouvernement français pourra, soit décider de la refuser, soit donner suite à l’extradition. Dans ce cas, une autre voie de recours est ouverte à la personne réclamée.

En effet, l’acte étant un décret du Premier ministre, un recours devant le Conseil d’État est ouvert, et devra être formé dans un délai d’un mois (article 696-18). Le Conseil d’État pourra alors rejeter le pourvoi et la personne sera extradée, ou annuler la procédure en cas d’excès de pouvoir.

Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris
Ancien Membre du Conseil de l’Ordre
Site : https://www.avibitton.com

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Notes de l'article:

[1Cons. const., QPC, 14 novembre 2014.

[2Conseil d’État, 27 février 1987, 78665 ; Cour européenne des droits de l’homme, Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989.

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