Pour rappel, outre l’exigence d’un écrit, le contrat à durée déterminée doit comprendre certaines mentions obligatoires [1]. De même que le recours à cet instrument contractuel, à titre exceptionnel, est soumis à des conditions annexes relatives, entre autres, à sa durée et son renouvellement [2].
Un formalisme rigoureux.
A chaque fois que le CDD est conclu en méconnaissance du cadre légal, la sanction prononcée est la requalification, par le juge, en contrat de droit commun, c’est à dire le contrat à durée indéterminée (CDI) [3].
En ce sens, aux termes des dispositions de l’article L1245-2 Code du travail, "lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine.
Dès lors, si le juge fait droit à la demande du salarié, il lui est accordé une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire [4].
S’agissant des cas de recours, ceux-ci sont limitativement fixé par les articles L1242-2 et L1242-3 Code du travail :
- Le remplacement d’un salarié absent [5] ou plus généralement d’un travailleur absent [6] ;
- L’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise [7]
- Le remplacement d’un chef d’entreprise ou d’une personne exerçant une profession libérale [8] ;
- Le travail saisonnier [9] ;
- Les différents contrats liés aux politiques de l’emploi, qui ont pour objectif de favoriser l’embauche ou de personnes privées ou bien de favoriser leur formation [10] ;
- Le CDD à objet défini (Loi du 25 juin 2008) [11] ;
- Les “emplois (...) pour lesquels (...) il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée déterminée en raison de leur nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois” [12].
Les prohibitions légales.
Au surplus, le contrat de travail à durée déterminée répond à une exigence générale relativement à son objet :
« Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise » [13]
S’y ajoutent des prohibitions légales [14], telles que :
- L’interdiction de recourir à la conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée pour remplacer un salarié gréviste [15] ;
- ou pour effectuer des travaux particulièrement dangereux figurant dans une liste dressée par arrêté ministériel [16].
Le périmètre de la faute.
Par un récent arrêt, la Haute assemblée [17] a rappelé que l’employeur, dans le cadre de CDD successifs, ne peut sanctionner des faits commis lors d’un CDD antérieur et découverts au moment de l’exécution du CDD en cours.
En ce sens que la faute de nature à justifier la rupture anticipée d’un CDD doit avoir été commise durant l’exécution de ce contrat :
« Doit être approuvée la cour d’appel qui retient que l’employeur ne peut justifier la rupture d’un contrat à durée déterminée en se fondant sur des fautes prétendument commises antérieurement à sa prise d’effet ». [18]
Dans le cas d’espèce, une salariée est engagée dans le cadre de trois CDD successifs. L’employeur rompt le dernier CDD de manière anticipée, invoquant une faute grave commise par la salariée au cours de l’exécution du deuxième CDD. Laquelle n’a été découverte qu’au cours de l’exécution du troisième contrat, à la suite d’une enquête initiée pendant le deuxième.
Confortant la position des juges du fond, au visa de l’article L1243-1 Code du travail, la Chambre sociale estime que la faute susceptible de justifier la rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée doit avoir été commise durant l’exécution de ce contrat.
Ici, « le troisième contrat à durée déterminée avait pris effet le 29 janvier 2016, alors que les faits reprochés à la salariée, aux termes de la lettre de “licenciement”, remontaient au 8 janvier 2016, soit antérieurement à la prise d’effet de ce troisième contrat ».
L’employeur « ne pouvait se fonder sur des fautes prétendument commises antérieurement à la prise d’effet du contrat pour justifier la rupture de celui-ci ».
En somme, chaque nouveau CDD procède d’une nouvelle relation contractuelle.
La fin du contrat à durée déterminée.
Le CDD cesse de produire ses effets à la survenance du terme, en l’absence de renouvellement [19].
Précisément, eu égard aux dispositions de l’article L1243-1 Code du travail :
« Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.
Lorsqu’il est conclu en application du 6° de l’article L1242-2, le contrat de travail à durée déterminée peut, en outre, être rompu par l’une ou l’autre partie, pour un motif réel et sérieux, dix-huit mois après sa conclusion puis à la date anniversaire de sa conclusion ».
A cet effet, en dehors d’un accord des parties, le salarié est tenu de respecter un préavis dont la durée est calculée à raison d’un jour par semaine compte tenu :
« 1° De la durée totale du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, lorsque celui-ci comporte un terme précis ;
2° De la durée effectuée lorsque le contrat ne comporte pas un terme précis.
Le préavis ne peut excéder deux semaines » [20].
En somme, le CDD, cadre contractuel dérogatoire au droit commun, est susceptible de se terminer par l’une des situations suivantes :
- Accord commun entre l’employeur et le salarié ;
- Force majeure [21] ;
- Inaptitude du salarié constatée par le médecin du travail ;
- Faute grave du salarié ou de l’employeur ;
- Embauche en contrat de travail à durée indéterminée dans une autre entreprise.
La faute grave.
La rupture fautive du CDD est insérée dans la faute grave définie par la Haute assemblée en ces termes :
« Un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise, d’une gravité telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise » [22].
Aux fins d’appréciation de la faute, les juges apprécient les circonstances dans lesquelles le manquement fautif a été commis. En substance, il est tenu compte des conséquences du manquement fautif au regard de l’intérêt de l’entreprise.
Ainsi, un même comportement, pris au cas par cas, peut être considéré comme une faute simple ou faute grave.
A ce titre, l’employeur doit réagir rapidement et engager la procédure disciplinaire dans un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur a eu connaissance d’un comportement fautif [23].
De surcroît, la preuve de la commission d’une faute grave par le salarié incombe à l’employeur :
« La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur. En cas de doute, celui-ci profite au salarié » [24].
En conséquence, la gravité de la faute doit être caractérisée étant précisé que la faute simple ne suffit point à justifier une rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée.
Sur le plan procédural, l’employeur se doit aussi bien veiller à respecter la procédure disciplinaire, soit la convocation du salarié à un entretien préalablement à la rupture de son contrat de travail, que fonder sa décision sur des manquements fautifs commis pendant l’exécution du contrat dont est envisagée la rupture [25].
Ceci, quand bien même l’employeur aurait eu connaissance tardivement desdits faits fautifs après le terme du précédent CDD. En clair, la faute s’éteint au terme du CDD durant lequel est survenue la faute à l’origine de la rupture.
En guise d’illustrations, la faute grave a été notamment retenue en ces cas :
- Propos injurieux, agressifs et/ou offensants à l’égard d’un salarié de l’entreprise y compris si cela ne s’est produit qu’une seule fois [26] ;
- Non-reprise d’activité à l’issue d’un congé maladie en raison du refus de se présenter à la visite médicale de reprise [27] ;
- Violence, injures ou dénigrement [28] ;
- Le fait pour un salarié de refuser de manière réitérée et sans motif légitime un changement des conditions de travail pourrait caractériser une faute grave de sa part [29] ;
- Proférer, à l’extérieur de l’organisation, des propos mensongers et diffamatoires envers l’entreprise [30]) ;
- Faire visiter les ateliers à un technicien au service d’un concurrent, lui facilitant ainsi la connaissance des procédés de fabrication de son employeur [31] ;
- Consommer des drogues dures et se trouver sous l’emprise de stupéfiants pendant l’exercice professionnel [32] ;
- Dénoncer de façon mensongère des faits inexistants de harcèlement moral en vue déstabiliser l’entreprise et de se débarrasser du cadre responsable du département comptable [33].
A contrario, ne sont pas constitutifs de fautes graves :
- L’insuffisance professionnelle [34] ;
- L’information transmise avec retard d’un arrêt de travail pour maladie [35] ;
- Le refus, par un salarié, d’un changement de ses conditions de travail, caractérise un manquement à ses obligations contractuelles, mais il ne constitue pas à lui seul une faute grave justifiant la rupture anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée [36].
La rupture anticipée du CDD pour faute grave de l’employeur.
Par ailleurs, la faute commise par l’employeur est de nature à fonder la fin anticipée de la relation contractuelle. A cet égard, une violation mineure et exceptionnelle du contrat, par l’employeur, ne suffit pas à caractériser une faute grave.
Sur ce point, il a été jugé que la démission du salarié imputant à son employeur des faits qui l’avaient poussé à agir de la sorte n’étaient pas suffisante pour constituer un motif de rupture, les juges du fond devant rechercher l’existence d’une faute grave de l’employeur :
« Pour condamner l’employeur à payer une somme à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, l’arrêt attaqué retient qu’il ressort des termes de la lettre ...que le salarié n’y exprime pas une volonté claire et non équivoque de mettre fin au contrat mais se plaint d’un certain nombre de faits imputables à l’employeur qui selon lui l’ont poussé à la démission ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel, qui a accordé au salarié des dommages-intérêts, sans caractériser l’existence d’une faute grave commise par l’employeur, a privé sa décision de base légale » [37].
Or, une violation répétée ou touchant à un élément substantiel du contrat est de nature à justifier la rupture du CDD, à la demande du salarié. Sont ainsi admis le non-paiement d’un élément de salaire [38], ne pas fournir du travail au salarié [39] ou les agissements de harcèlement moral et sexuel subis par le salarié [40].
Les droits du salarié en cas de rupture abusive du CDD.
Tel qu’il résulte des dispositions de l’article L1243-3 Code du travail :
« la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative du salarié en dehors des cas prévus aux articles L1243-1 et L1243-2 ouvre droit pour l’employeur à des dommages et intérêts correspondant au préjudice subi ».
De plus, ajoute l’article L1243-4 du même Code, la rupture anticipée du CDD intervenue à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, s’accompagne d’indemnités spécifiques.
Ceci : « ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L1243-8 » [41].
Toutefois, lorsque le CDD est rompu avant l’échéance du terme en raison d’un sinistre relevant d’un cas de force majeure, le salarié a également droit à une indemnité compensatrice, à la charge de l’employeur, dont le montant est égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat [42].
En conclusion, en vertu de sa vocation et indépendamment de son terme, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée - justifiée par des situations prévues par la législation ou consécutive au manquement ou la faute de l’une des parties, requiert justesse et pondération. En ce que, de par sa nature, le CDD expose le salarié à l’insécurité.
Discussion en cours :
Merci beaucoup pour votre Article.