La sécurité juridique des PLU encore accrue.

Par Florestan Arnaud, Avocat.

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Explorer : # sécurité juridique # urbanisme # contentieux # plan local d'urbanisme (plu)

Par une décision en date du 23 décembre 2014, le Conseil d’Etat semble ajouter une nouvelle pierre à la fortification protégeant la sécurité des documents d’urbanisme. Les collectivités territoriales pourront donc se réjouir d’une telle décision, alors que de nombreux Plan Locaux d’Urbanisme intercommunaux (PLUi) sont en gestation, avec en ligne de mire l’horizon 2017 [1], où ils deviendront obligatoires [2].
(A propos de Conseil d’Etat, 23 décembre 2014, commune de Laffrey, n° 368098)

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La tendance est clairement à la sécurité juridique au sein du contentieux de l’urbanisme, à l’heure où les tentatives de relance de la construction font l’objet de toutes les attentions. C’est dans ce contexte qu’ont été pris l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 et le décret n° 2013-879 du 1er octobre 2013 relatifs au contentieux de l’urbanisme, auxquels il convient d’ajouter la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour un accès au logement et un urbanisme renouvelé, dite loi ALUR [3]. Par la présente décision commentée, le juge du Palais-Royal tend encore à accroître la sécurité juridique des documents d’urbanisme. Ce faisant, la subjectivisation du contentieux de l’urbanisme continue de progresser, au détriment d’une conception davantage légaliste et objective, renforçant ainsi la sanctuarisation des documents d’urbanisme mais altérant également la notion même de recours en excès de pouvoir.

Pour rappel, la procédure d’adoption d’un Plan Local d’Urbanisme (PLU) repose sur plusieurs phases qui vont de la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision du plan à la délibération approuvant ce plan. Entre ces deux points se situent plusieurs éléments impliquant différents actes administratifs comme l’arrêt du projet de PLU, le bilan de la concertation, ou encore la phase d’enquête publique.

En l’espèce, les faits apparaissent assez standards. Des requérants ont contesté la procédure d’adoption d’un PLU communal en introduisant un recours en excès de pouvoir dirigé contre la délibération approuvant ce document d’urbanisme. Le classement de certaines parcelles étaient contestées, et comme souvent on peut soupçonner que la motivation réelle des requérants résidait essentiellement sur ce point, fondée donc en réalité sur un intérêt particulier. Mais bien évidemment les moyens soulevés ne se sont pas cantonnés à ce classement parcellaire et ont porté sur l’intégralité de la procédure d’adoption du PLU. Des vices de légalité externe ont ainsi été soulevés, y compris à l’encontre de la délibération ayant prescrit la révision du document d’urbanisme.

Dans l’arrêt d’espèce, le Conseil d’Etat opère un glissement sémantique notable. En effet, et par principe, l’article L. 600-1 du Code de l’urbanisme limite l’invocabilité des vices de forme ou de procédure par voie d’exception contre un PLU à un délai de 6 mois à compter de « la date de la prise d’effet du document en cause ». Or, dans l’arrêt, le juge relève qu’un tel vice de procédure ne peut être invoqué que pendant un délai de 6 mois à compter de « la date de prise d’effet de cette délibération », en faisant référence à la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision du PLU. Autrement dit, le délai de 6 mois commence à courir lorsque la délibération sur laquelle repose le moyen prend effet, et non à partir de la prise d’effet du PLU. Le Conseil d’Etat revient ainsi sur la position prise par la Cour Administrative d’Appel de Lyon dans cette affaire [4].

C’est la première fois que cette position semble à ce point affirmée par le Conseil d’Etat, et justifie ainsi le fait qu’elle sera mentionnée aux tables du Recueil. Le raisonnement suivi ici par le juge est emprunt d’une cohérence certaine dans la mesure où la délibération qui prescrit la révision d’un PLU est attaquable en tant que telle [5]. Il est donc possible d’arguer d’irrégularités de la procédure d’adoption du PLU avant la délibération approuvant le PLU définitif. Cette clarification présente également un intérêt en pratique, où de tels vices dirigés contre la délibération initiale de la procédure sont régulièrement soulevés par les requérants lors de l’approbation finale d’un PLU.

Au demeurant, il convient de préciser que cet arrêt n’apparaît pas de nature à remettre en cause la jurisprudence Saint Lunaire [6], dont les effets dévastateurs sont désormais bien connus. En effet, l’exigence de définition des objectifs poursuivis par l’élaboration ou la révision du document d’urbanisme, dès le lancement de la procédure, conserve toute son acuité. Ce moyen n’est pas invocable au titre de l’article L. 600-1 du Code de l’urbanisme [7], de sorte que les collectivités territoriales devront demeurer vigilantes sur ce point lors de l’élaboration des PLUi actuellement envisagés. L’accroissement de la sécurité juridique des documents d’urbanisme n’exempte ainsi pas pour autant les acteurs publics du respect de la légalité de la procédure, mais cantonne seulement les sanctions à des erreurs non-vénielles.

En conséquence, l’inclinaison jurisprudentielle issue de cet arrêt du Conseil d’Etat du 23 décembre 2014 s’avère salutaire dans la mesure où la procédure d’adoption d’un PLU constitue une procédure longue et coûteuse, aussi bien financièrement qu’humainement. La sécuriser apparaît donc louable. Pour autant, la sécurité juridique passe aussi par une stabilisation des normes dont le législateur ferait bien de s’inspirer, alors que d’importantes réformes en matière d’urbanisme sont encore prévues pour l’année 2015.

Florestan Arnaud, Avocat au Barreau de Lyon

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[1A noter cependant que la loi pour la croissance et l’activité, dite loi Macron, actuellement débattue a Parlement envisage de ramener ce délai au mois de juin 2016.

[2Sauf si 25% des communes représentant au moins 20% de la population s’y oppose dans les 3 mois précédent le délai de transfert automatique de la compétence PLU à l’EPCI.

[3Au moins au regard du nouvel article L. 600-9 qu’elle insère dans le Code de l’urbanisme, et qui permet de régulariser les irrégularités d’un PLU sous certaines conditions dans le cadre contentieux devant le juge administratif.

[4Cour Administrative d’Appel de Lyon, 5 mars 2013, commune de Laffrey, n° 12LY02241.

[5Cour Administrative d’Appel de Lyon, 10 décembre 2009, COURLY, n° 08LY02350.

[6Conseil d’Etat, 10 février 2010, commune de Saint-Lunaire, n°327149. Pour rappel, cette jurisprudence implique que les objectifs poursuivis par l’élaboration ou la révision du document d’urbanisme soit suffisamment définis lors du lancement de la procédure.

[7Cour Administrative d’Appel de Nancy, 13 mars 2014, commune de Froidefontaine, n° 13NC00997.

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