Tout savoir sur la protection inhérente au congé parental.

Par Corinne Santi, Avocate.

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Explorer : # protection contre le licenciement # congé parental # droits des salariés # congés payés

Ce que vous allez lire ici :

La protection contre le licenciement est étendue aux femmes enceintes pendant leur congé prénatal et postnatal, ainsi qu'aux 10 semaines suivant l'expiration de ces périodes. De plus, depuis la loi de 2014, cette protection s'applique également aux personnes n'ayant pas accouché, permettant aux parents de concilier vie professionnelle et familiale. La Cour de cassation a confirmé cette protection dans une affaire récente. Par ailleurs, la jurisprudence européenne garantit le droit du salarié à retrouver ses congés payés après un congé parental d'éducation.
Description rédigée par l'IA du Village

Le congé maternité est un droit reconnu, en revanche nombre de salariés s’interrogent quant à la protection qui pourrait leur être offerte en qualité de « parent n’ayant pas accouché ».
La Cour de justice de l’Union européenne, par sa vision novatrice et protectrice des salariés, a de nouveau impulsé une évolution du droit interne français. La Cour de cassation développe alors une jurisprudence précise au sujet du congé parental, a priori sans distinction entre le statut de la mère et du père ou de « personne n’ayant pas accouché » plus généralement.

Nous décryptons pour vous les thèmes du licenciement et des congés payés, durant la période du congé parental, au regard des décisions récentes de la Cour de cassation.

-

I. La protection contre le licenciement.

1. Les prémisses : la protection spécifique de la femme enceinte.

Dans une première actualité, nous avons eu l’occasion d’évoquer le sujet de la discrimination liée à l’état de grossesse et la condamnation d’un employeur.

Ainsi comme vous le savez, la salariée bénéficie d’une protection spécifique contre le licenciement en droit du travail.

Selon l’article L1225-4 du Code du travail :

« Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé maternité, qu’elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé maternité ainsi que les dix semaines suivant l’expiration de ces périodes ».

La salariée est donc protégée durant les périodes de :

  • Congé maternité prénatal et postnatal,
  • Congés payés pris immédiatement après le congé maternité,
  • 10 semaines suivant l’expiration de ces périodes.

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que dans les cas prévus limitativement dans le Code du travail, à savoir :

  • Une faute grave non liée à l’état de grossesse,
  • Une impossibilité de maintenir le contrat pour une raison non liée à l’état de grossesse ou à l’accouchement.

En revanche, cette mesure doit être justifiée par l’employeur et ne peut pas prendre effet pendant la période de suspension du contrat.

« Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement. Dans ce cas la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail ».

La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que l’inaptitude à elle seule ne saurait justifier le licenciement. La lettre de licenciement doit formellement faire état de l’impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou l’accouchement [1].

2. Les avancées : la protection généralisée à la personne n’ayant pas accouché.

L’article L1225-4-1 du Code du travail offre une protection générale du « salarié », sous-entendu du père ou de la « personne n’ayant pas accouché ».

« Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les dix semaines suivant la naissance de son enfant ».

Cette disposition consacre l’interdiction du licenciement d’un salarié durant les 10 semaines suivant la naissance de son enfant.

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que dans les cas prévus limitativement dans le Code du travail à savoir :

  • La faute grave du salarié,
  • L’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.

Cette disposition est inscrite dans le Code du travail depuis la loi du 4 août 2014, sa rédaction actuelle est issue de la loi du 8 août 2016.

La protection légale du parent n’ayant pas accouché a été mise en place afin de protéger le père contre la perte de son emploi suite au changement de sa situation familiale, quand bien même, il ne prendrait pas de congé paternité.

La Cour de cassation, saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité (QCP) précise que cette période de 10 semaines a pour objectif de :

« Permettre au salarié, en instaurant une période de stabilité et de sécurité du lien contractuel, de concilier vie professionnelle et vie familiale, et de favoriser un meilleur partage des responsabilités parentales » [2]

La protection est donc étendue au parent n’ayant pas accouché. Il revient donc au salarié d’établir un lien de filiation. Dès lors, il importera peu que le parent soit marié, pacsé, concubin ou en vie commune avec la mère.

Par ailleurs, la loi du 2 août 2021 a institué une procédure de reconnaissance conjointe de l’enfant au profit d’un couple de femmes dont celle qui a accouché de l’enfant, principe également inscrit dans le Code civil à l’article 342-11.

Cette protection a été réaffirmé par la Cour de cassation, dans un arrêt du 27 septembre 2023, dans lequel un salarié avait été licencié pour une prétendue cause réelle et sérieuse, durant la période de protection de 10 semaines suivant la naissance de son enfant. En effet, l’enfant est né le 10 janvier et le salarié licencié le 24 janvier de la même année. La Cour se fonde notamment sur l’article L1225-4-1 du Code du travail et relève que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement ne caractérisent pas l’impossibilité de maintenir le contrat de travail, l’employeur invoquait des manquements professionnels. Le licenciement est nul et les demandes du salarié tenant à sa réintégration et à l’octroi d’indemnités fondées [3].

La finalité est donc de protéger les parents, ici le père ou « personne n’ayant pas accouché », contre la rupture de son contrat de travail suite à la naissance de son enfant.

II. Les congés payés (Cour de cassation 13 septembre 2023).

Le droit à congés payés constitue un principe essentiel du droit social de l’Union européenne [4].

Pourtant, initialement, la Cour de cassation jugeait que les congés acquis avant le départ en congé parental d’éducation étaient perdus si le salarié ne les avait pas pris avant la fin de la période de référence [5].

Au contraire, la CJUE juge que la clause 5 de l’accord-cadre européen relatif au congé parental du 14 décembre 1995, garantit le droit du salarié à retrouver ses droits à congés payés acquis à son retour de congé parental.

La Cour de cassation transpose pour la première fois ce principe par un arrêt du 13 septembre 2023 (n°22-14.043).

La Cour de cassation se fonde sur les articles L3141-1 et L1225-55 du Code du travail, interprétés à la lumière de la Directive 2010/18/UE DU Conseil du 8 mars 2018 portant application de l’accord-cadre révisé sur le congé parental.

« Tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l’employeur

« A l’issue du congé parental d’éducation, le salarié retrouve son précédent emploi ou emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente

« La décision du salarié de bénéficier d’un congé parental d’éducation s’impose à l’employeur

« Les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus en l’état jusqu’à la fin du congé parental. Ces droits s’appliquent à l’issue du congé parental ».

La Cour de cassation rappelle conformément à la jurisprudence de la CJUE que cette disposition a pour but d’éviter la perte ou la réduction du droit à congé payé du salarié :

« Cette disposition a pour but d’éviter la perte ou la réduction des droits dérivés de la relation de travail, acquis ou en cours d’acquisition, auxquels le travailleur peut prétendre lorsqu’il entame un congé parental et de garantir que, à l’issue de ce congé, il se retrouvera, s’agissant de ces droits, dans la même situation que celle dans laquelle il était antérieurement audit congé » [6].

De surcroît, la Cour précise, conformément à une jurisprudence constante en la matière, qu’il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congés, et en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli les diligences qui lui incombent légalement.

En l’espèce, le contrat de travail d’une salariée avait été suspendu pour congé parental d’éducation puis a pris fin par une rupture conventionnelle. Elle avait acquis 43 jours de congés payés avant la prise de son congé parental, ces derniers n’ayant pas été soldés, la salariée en demande le paiement.

La Cour de cassation a conclu que lorsque le salarié s’est retrouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l’année de référence en raison de l’exercice de son droit au congé parental, les congés payés acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail.

La salariée dont le contrat de travail est rompu peut donc prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés, ici de 2 722,04€.

III. L’impossibilité (alléguée) de maintenir le contrat de travail (Cour de cassation 27 septembre 2023).

Dans un arrêt du 27 septembre 2023 (n°21-22.937), la Cour de cassation rappelle au visa de l’article L.1225-4-1 du Code du travail qu’aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les 10 semaines suivant la naissance de son enfant. Toutefois l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie de l’impossibilité de maintenir le contrat de
travail du salarié pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.

En l’espèce, le salarié a été licencié, durant la période de protection faisant suite à la naissance de son enfant pour des motifs liés à un des manquements professionnels objectifs, prétendument sans aucun lien avec la naissance de son enfant. Selon l’employeur les manquements reprochés au salarié n’étaient pas compatibles avec ses fonctions de responsable commercial statut cadre et étaient de surcroît de nature à causer un préjudice commercial à la société.
La Cour de cassation juge a contrario que les motifs invoqués dans la lettre de
licenciement ne caractérisaient pas l’impossibilité de maintenir le contrat de travail du salarié. En conséquence le licenciement prononcé à l’encontre du jeune parent est nul.

Dans un arrêt du 24 janvier 1996 (n°92-42.682), l’impossibilité de maintenir le contrat de travail d’une salariée en état de grosse a été valablement constituée, son licenciement n’était alors pas dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En l’espèce, l’employeur après avoir procédé en raison de difficultés économiques de l’entreprise à une nouvelle répartition des secteurs de vente avait affecté la salariée dont le secteur avait été absorbé, à un nouveau secteur géographique, conformément à la clause de mobilité incluse dans son contrat de travail.
La Cour juge que cette mutation ne constituait pas une modification substantielle des conditions de travail de l’intéressée, en sorte que son refus injustifié d’accepter cette mutation constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement étranger à sa grossesse.

Corinne Santi, Avocate
Barreau de Bordeaux
Darmendrail & Santi
https://www.darmendrail-santi-avocats.com/fr/

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Notes de l'article:

[1Cass.soc., 3 novembre 2016 n°15-15.333.

[2Cass.soc. QPC 2 mars 2022 n°21-40.032.

[3Cass.soc., 27 septembre 2023 n°21-22.937.

[4CJUE 6 novembre 2018, C-570/16, point 80.

[5Cass.soc., 28 janvier 2004.

[6CJUE 16 juillet 2009, point 39.

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