Vacances de Noël pour les familles séparées : comment anticiper un conflit et agir en cas de non-représentation d’enfants ?

Par Myrina Prestel, Avocat.

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Ce que vous allez lire ici :

Lors d'une séparation, l'organisation des vacances de Noël doit être anticipée pour éviter les conflits. En cas de litige, des solutions juridiques existent, comme le dialogue, des saisines judiciaires ou des plaintes. Il est essentiel de défendre les droits tout en priorisant le bien-être de l'enfant.
Description rédigée par l'IA du Village

La période de Noël est supposée être synonyme de féérie et de magie en famille.
Toutefois, elle peut se révéler être une période difficile à vivre pour les familles séparées, notamment lorsque la relation entre les parents est conflictuelle.
Vous pressentez la survenance de difficultés à l’approche des fêtes de Noël concernant la venue ou les modalités de garde des enfants ? Cet article vous offre un premier éclairage concernant les solutions à envisager dès à présent pour faire en sorte de passer les fêtes de fin d’année avec plus de sérénité.

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Il sera d’abord rappelé le cadre général le plus communément répandu lors d’une séparation, en l’espèce celui des modalités d’organisation des vacances de Noël telles que fixées le plus souvent par le Juge aux Affaires Familiales (JAF) (1).

Ensuite, il sera indispensable de rappeler que le meilleur moyen de passer de belles fêtes de fin d’année est nécessairement de les anticiper (2).

Toutefois, lorsque la situation dérape, il existe des solutions juridiques pour agir (3).
Enfin, je vous propose de suivre certains conseils en cas de conflit persistant à l’approche de Noël (4).

1) Rappel du cadre général le plus usité : les modalités d’organisation des vacances de Noël fixées par le JAF.

Si vous vous êtes séparés sans passer devant le juge mais que vous envisagez une saisine judiciaire pour officialiser les modalités de votre séparation et notamment l’organisation du temps passé avec vos enfants, sachez que les vacances scolaires du mois de décembre sont considérées comme un temps spécial puisqu’elles sont celles des fêtes de Noël, célébrées par une immense majorité des familles françaises.

A ce titre, afin de permettre à chaque parent de profiter d’un temps de qualité avec l’enfant mais également à ce dernier de grandir en partageant ces temps de fête avec chacun de ses parents, mais également de maintenir des liens avec la famille de ses deux parents (oncles/tantes, demi-frères/sœurs, etc. A noter également que les grands-parents ont également le droit de pouvoir voir leurs petits enfants [1]. Ainsi, le parent qui passe Noël (première semaine des vacances) avec l’enfant les années paires, l’accueillera sur la seconde moitié des vacances les années impaires, les décisions judiciaires sont le plus souvent organisées avec un partage des deux semaines de vacances par moitié, avec alternance annuelle.

Des modalités spécifiques peuvent toutefois être envisagées lorsque les parents résident loin l’un de l’autre. Le JAF peut par exemple ordonner que l’enfant passe les vacances complètes de Noël (et Saint-Sylvestre) chez l’un de ses parents, et inversement chez l’autre l’année suivante, afin d’éviter à l’enfant des déplacements trop longs ou fatigants sur une courte période.

2) Anticiper les difficultés avant les fêtes : privilégier la discussion et encadrer vos relations.

  • La communication.

Au quotidien - et cela ne sera jamais assez répété - il est indispensable de tout mettre en œuvre pour instaurer ou restaurer un dialogue entre les parents.

Sans tomber dans les clichés, Noël peut naturellement être le moment d’échanger. Ainsi, lorsque les enfants sont jeunes, le bon sens fait qu’il est évidemment préférable de s’entendre sur les cadeaux qui seront offerts à l’enfant, tant pour éviter les doublons, les achats inutiles, que pour prévenir d’éventuels désaccords en matière d’éducation à l’instar de la désormais classique question de l’achat d’un téléphone portable par exemple.

Les fêtes de Noël sont l’occasion de rappeler que le principe de l’autorité parentale, lorsqu’elle est conjointe (ce qui est le plus souvent le cas) doit être respecté en toutes circonstances, ce qui implique notamment de se concerter.

A ce titre, qu’il ne pourra jamais être reproché à un parent de tenter de dialoguer avec l’autre dans l’intérêt des enfants (sous la réserve d’une attitude évidemment constructive).

  • Un jugement vous protège.

Le choix est libre à chacun.

Toutefois, il est indéniable que, lors d’une séparation, la saisine de la justice est une précaution qu’il convient d’envisager notamment lorsque les relations entre les ex-conjoints et parents sont conflictuelles.

En effet, un jugement vous protège ! Et il protège vos enfants !

Il fixe en effet les modalités de garde, notamment durant les vacances de Noël.

Cela permet de définir un cadre officiel pour les droits de visite et d’hébergement, réduisant ainsi les risques de conflits entre parents.

En effet, s’il est possible d’agir (voir solutions exposées ci-après) lorsqu’il existe un jugement et que celui-ci n’est pas respecté, la situation est bien plus complexe sans décision de justice car elle va dépendre du bon vouloir des parents.

3) Agir en cas de difficulté.

Que faire lorsque l’un des parents refuse de respecter les modalités d’organisation fixées par le jugement ?

Il existe plusieurs solutions juridiques à envisager pour réagir rapidement et faire respecter vos droits.

a) La discussion comme arme de dissuasion.

Toujours privilégier la communication.

D’abord, il est indispensable de tenter de dialoguer afin de comprendre les difficultés.
En effet, passer les fêtes de fin d’année sans la présence de l’enfant est parfois synonyme d’une angoisse importante pour l’un des deux parents, et/ou pour l’enfant.
Prendre le temps d’en discuter permet parfois de dédramatiser la séparation et d’éviter une escalade et une judiciarisation du conflit.
Le dialogue peut notamment être envisagé dans le cadre d’une médiation familiale en urgence.

En cas de blocage : se raccrocher à la légalité.

Si le parent récalcitrant reste bloqué sur ses positions et ne veut pas remettre l’enfant sans raison valable (pour rappel, le seul motif valable légalement est le motif légitime, c’est-à-dire être en mesure de pouvoir justifier d’une situation de danger immédiat pour l’enfant (violences, maltraitance) ou une impossibilité pratique avérée (hospitalisation par exemple), tout autre motif, comme le refus de l’enfant n’étant absolument pas fondé), il convient de lui rappeler qu’il s’expose à de sérieuses difficultés.

En effet, le parent qui prive l’autre de ses droits s’expose à des sanctions pénales et prend le risque de voir le JAF lui retirer ses droits.

Parfois, ces conséquences sont ignorées par le parent contrevenant et une simple information ou un rappel peut suffire à le dissuader de ne pas remettre l’enfant.

Si le blocage persiste, il faudra alors envisager les solutions suivantes :

b) Déposer une plainte pour non-représentation d’enfant.

La non-représentation d’enfant est constitutive d’un délit pénal prévu aux termes des dispositions de l’article 227-5 du Code pénal, qui punit le refus de remettre un enfant mineur à l’autre parent malgré une décision judiciaire exécutoire.

Ce délit est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. Cette peine peut être alourdie en cas de circonstances aggravantes (si l’enfant est retenu pendant une période prolongée ou si cela cause un préjudice psychologique important).

Pour être certain de réaliser correctement cette démarche, il convient de procéder ainsi :

  • Se rendre dans un commissariat ou une gendarmerie pour déposer une plainte. A noter : il s’agit bien de déposer une plainte et non une main courante. Il peut arriver que les policiers ou gendarmes tentent de vous dissuader et d’enregistrer vos réclamations sous la forme d’une main courante, laquelle n’entraînera aucune conséquence et est donc à prohiber. Insister auquel cas pour déposer une plainte. L’officier de police judiciaire ne peut refuser de l’enregistrer.
  • Pensez à vous munir de la décision judiciaire précisant les modalités du droit de visite et d’hébergement. Sans ce document, les forces de l’ordre ne pourront prendre votre plainte.
  • Conserver et apporter toute preuve que l’enfant ne vous a pas été remis (échanges de messages, témoignages, par exemple d’une tierce personne qui vous aurait accompagné).

Attention à ne pas sous-estimer cette procédure :
On entend régulièrement que les plaintes pour non-représentation d’enfant font très fréquemment l’objet d’un classement sans suite.

Cette réalité ne peut être niée.

Toutefois, ce classement ne doit pas décourager car il n’est nullement une fin en soi.

D’abord, il est indispensable de rappeler qu’il n’y a pas de délai pour contester un classement sans suite auprès du Procureur Général (la procédure doit seulement être effectuée dans un délai raisonnable après la notification de la décision).

Ensuite, il est également possible de saisir le juge d’instruction [2] en déposant une plainte avec constitution de partie civile qui peut conduire à l’ouverture d’une instruction judiciaire, même si le procureur a décidé de ne pas poursuivre.

Enfin, il n’est pas inutile de souligner que même classée sans suite, une plainte pour non-représentation d’enfant reste une plainte … et est par conséquent mentionnée sur le fichier de Traitement des Antécédents Judiciaires du parent ayant commis le délit, ce qui est loin d’être anodin.

Un tel fichier peut être consulté dans le cadre du recrutement ou mutation d’un fonctionnaire par exemple, notamment pour des postes sensibles. Une mention sur ce fichier n’est donc jamais anodine.

c) Saisir le Procureur de la République.

Saisir le procureur de la République signifie solliciter une intervention judiciaire en demandant à ce dernier d’agir en prenant des mesures immédiates/en urgence afin de protéger l’intérêt de l’enfant. Cette démarche peut être effectuée avant ou en parallèle du dépôt de plainte.

L’objectif est de faire respecter une décision de justice en matière de garde, de visite et d’hébergement de l’enfant (décision fixée par un JAF).

Le Procureur peut notamment ordonner des mesures provisoires, comme la remise immédiate de l’enfant au parent en droit de garde en demandant à la police ou à la gendarmerie de remettre l’enfant au parent en droit, ou des mesures de suivi (contrôle des visites, etc.).

Il convient de noter que s’il ne peut modifier directement une décision de garde (seulement prendre des mesures provisoires compte tenu de l’urgence), le Procureur peut en revanche saisir le JAF pour qu’il prenne des mesures urgentes.

Il peut également engager une procédure pénale pour poursuivre le parent fautif.

d) Saisir le JAF en référé.

En fonction de degré d’urgence, cette solution peut être la plus adaptée.

Elle concerne les situations où il existe des difficultés d’organisation concernant la remise de l’enfant sous un délai proche (le parent a fait part de son refus par sms par exemple concernant les vacances) ou immédiat (refus du parent au moment de la remise de l’enfant).

En effet, le référé est une procédure d’urgence devant le JAF, qui permet d’obtenir une décision rapide puisque l’audience est convoquée rapidement (sous quelques jours à semaines) [3].

Cette procédure peut être introduite sans l’intervention d’un avocat mais il est toutefois fortement conseillé de se faire accompagner afin de maximiser ses chances de réussite car elle suppose une technicité et la démonstration que certaines conditions sont remplies.

En effet, cette procédure est formalisée par une assignation en référé et suppose de démontrer l’urgence de la situation (période de Noël imminente ou en cours) etl’impact de la non-représentation sur l’enfant et sur vos droits.

Le juge peut ordonner une remise immédiate de l’enfant et préciser les modalités (ordonnance de remise immédiate de l’enfant).

Il peut également ordonner un ajustement temporaire des modalités de garde ou de visite, le temps du prononcé d’une décision définitive.

Il dispose également de la faculté de désigner un médiateur familial dont l’intervention aura pour objet de tenter de faciliter la communication entre les parents.

Il convient enfin de relever que si sa décision est ignorée par le parent défaillant, le juge peut ordonner l’exécution forcée de l’ordonnance, ce qui signifie qu’il pourra faire appel aux forces de l’ordre pour remettre l’enfant.

e) Se constituer des preuves.

  • Conserver les sms, mails et toutes preuves relatives au refus du parent fautif.
  • La question des enregistrements audios ou vidéos se pose très régulièrement. Elle est cependant plus délicate.
    En effet, par principe, chaque parent est tenu de respecter le droit à l’image et à la vie privée. Ainsi, l’enregistrement audio ou vidéo des conversations ou de la scène sans le consentement de l’autre partie peut être considéré comme une violation de la vie privée ou un délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée.
    Toutefois, lorsque l’enregistrement est réalisé pour prouver un délit, à l’instar du délit de non-représentation d’enfant, certains tribunaux peuvent admettre les preuves obtenues de manière informelle.

En présence d’un délit pénal (ici la non-représentation d’enfant) et en cas de doute, il est toujours préférable de se constituer une preuve, de la conserver (à titre strictement personnel) et de discuter de son usage et utilisation avec son avocat. Ce dernier sera à même de déterminer s’il convient de la détruire ou de l’utiliser.

  • Faire constater le refus par un commissaire de justice.

Si l’autre parent refuse de vous remettre l’enfant, vous pouvez faire appel à un commissaire de justice pour constater la non-représentation.

Ce dernier établira un procès-verbal (lequel est un acte officiel) attestant du refus de remise de l’enfant, qui pourra être utilisé comme preuve dans une procédure judiciaire ultérieure ou à l’occasion d’un dépôt de plainte.

4) Mes conseils et précautions en cas de conflit persistant à l’approche de Noël.

  • Agir vite : plus la période de Noël approche, plus il devient difficile d’organiser une intervention judiciaire rapide. De ce fait, il est nécessaire d’anticiper le blocage complet et de saisir un avocat afin de déposer une requête dès les premiers signes de conflit.
  • Protéger l’intérêt de l’enfant : assurez-vous que vos démarches visent à garantir son bien-être et non uniquement à affirmer vos droits.

En effet, un enfant immiscé au cœur d’un conflit parental est nécessairement un enfant en souffrance. De la même manière, un enfant qui rejette sans raison (objective) l’un de ses parents est un enfant qui a très probablement besoin d’aide.

N’hésitez pas à envisager et mettre en place un accompagnement auprès de professionnels (pédopsychiatres, psychologues, etc.), tant pour lui que pour vous, afin de débloquer la situation. Vous n’aurez en effet peu - voire nulle prise - sur le comportement de l’autre parent, mais vous pouvez en revanche vous faire aider pour gérer cette situation au mieux de votre côté et apporter le soutien nécessaire à votre enfant.

Si l’enfant fait l’objet de manipulations de la part de l’autre parent ou est victime d’une aliénation parentale vous avez également la possibilité de demander au JAF d’ordonner une expertise et/ou une enquête sociale.

  • Ne sous-estimez pas vos actions juridiques.

Le désarroi peut être profond lorsque l’on est privé de son enfant, encore plus lors de périodes de fêtes. De ce fait, il est normal d’être gagné par un sentiment d’impuissance.

Sachez toutefois que l’arsenal juridique, bien utilisé, peut s’avérer efficace. Outre son aspect dissuasif évoqué en amont, il permet de trouver des solutions concrètes.

Parfois, eu égard au temps souvent long de la justice, il n’apporte pas immédiatement satisfaction et ne permet pas de rétablir instantanément vos droits, mais il demeure la meilleure des armes pour vous défendre.

  • Il s’agit là d’évidences, mais elles se produisent trop souvent, y compris en périodes de fêtes : ne jamais céder à la violence, de quelque nature que ce soit (physique, verbale, symbolique, etc.), y compris si l’autre parent vous menace, vous provoque et manipule l’enfant. Conservez en revanche les preuves d’un tel comportement.

Vous n’obtiendrez jamais gain de cause en ayant recours à la contrainte ou la coercition. Le droit doit demeurer votre meilleure arme et allié. Entourez-vous d’un professionnel avec lequel vous pourrez, en confiance, déterminer la meilleure stratégie.

  • Rapprochez-vous de votre avocat : ce conseil s’inscrit dans la continuité de ce qui vient d’être expliqué. Un professionnel du droit peut vous guider dans le choix de la procédure la plus adaptée à votre situation.

En conclusion, en cas de non-représentation d’enfant à Noël, il est possible d’agir rapidement en mobilisant les outils juridiques adaptés.

Quelle que soit la solution choisie, il est indispensable d’avoir toujours à l’esprit l’intérêt supérieur de l’enfant.

Image d’illustration créée par l’auteure de l’article, Myrina Prestel, à l’aide de l’IA.

Myrina Prestel, Avocat Associée, Cabinet Squair AARPI
Barreau de Bordeaux
https://www.squairlaw.com/fr/avocats/myrina-prestel/

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[1Voir notamment le 1ᵉʳ alinéa de l’article 371-4 du Code civil : « L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit ».

[2Sous un certain délai toutefois, en l’espèce 6 ans après les faits.

[3Voir notamment article 808 du Code de procédure civile.

"Ce que vous allez lire ici". La présentation de cet article et seulement celle-ci a été générée automatiquement par l'intelligence artificielle du Village de la Justice. Elle n'engage pas l'auteur et n'a vocation qu'à présenter les grandes lignes de l'article pour une meilleure appréhension de l'article par les lecteurs. Elle ne dispense pas d'une lecture complète.

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