1. Le cadre juridique actuel.
Depuis le 1er novembre 2021, l’alinéa 2 de l’article 1554 du Code de procédure civile a été modifié pour donner une valeur judiciaire à l’expertise réalisée dans le cadre privé.
Le décret nº 2021-1322 du 11 octobre 2021 établit ainsi certaines conditions pour que l’expertise privée puisse avoir cette valeur probatoire.
Le principe de la contradiction, pilier central de l’expertise judiciaire est essentiel en procédure civile, permettant aux parties de faire valoir ses arguments ainsi que de produire les éléments de preuve nécessaires à justifier ses prétentions, tout en permettant à la partie adverse de s’exprimer et d’apporter ses propres éléments de preuve à l’expert judiciaire.
Les parties ainsi que les magistrats sont soumis à ce principe, le juge étant le garant du respect absolu de la contradiction, ainsi que l’expert par délégation de celui-ci.
C’est justement sur la base de ce principe que nul ne peut être jugé sans être entendu ou appelé, et que les éléments de preuve et les conclusions doivent être communiqués à la partie adverse en temps utile, tout en respectant les délais imposés par le Code de procédure civile.
Le respect du principe contradictoire a traditionnellement conféré une valeur plus importante, plus probante à l’expertise judiciaire, car l’expertise privée n’est pas soumise à ce principe. La partie adverse n’est pas convoquée ni informée du déroulement des travaux d’expertise.
2. L’expertise privée a la même valeur que l’expertise judiciaire.
Si bien que l’expertise participative ou amiable est prévue dans Code de procédure civile depuis 2012, permettant aux parties de désigner un expert et de procéder à une expertise extrajudiciaire et contradictoire, il a fallu attendre dix ans pour octroyer une valeur probatoire de cette modalité de procédure expertale, comparable à celle de l’expertise judiciaire.
L’expertise dite participative se déroule comme l’expertise judiciaire, avec la présence de toutes les parties au procès et dans le respect du contradictoire, visant la résolution extrajudiciaire d’un conflit.
Le but de cette réforme est de désengorger les tribunaux, notamment les juridictions des référés, d’accélérer les mesures d’expertise et de réduire les frais de justice.
Cependant, l’expertise privée doit respecter certaines conditions pour avoir la même valeur probatoire que l’expertise judiciaire, et tout particulièrement le respect du contradictoire. Toutes les parties en conflit doivent être prévenues et y participer de bonne foi.
Dans le cas contraire, on est dans le cadre d’une expertise privée non contradictoire et la valeur de la preuve sera toujours inférieure, voire limitée.
L’expertise privée non contradictoire peut permettre de résoudre un différend, mais ce n’est que très rarement qu’elle n’est pas contestée, car l’expertise est réalisée sans prévenir les autres parties et l’indépendance de l’expert est souvent mise en question, même si les travaux se sont déroulés en toute objectivité et indépendance.
3. Les particularités d’une expertise privée participative.
Plusieurs facteurs sont désormais reconnus dans le cadre d’une expertise privée, par rapport à l’expertise judiciaire traditionnelle :
La désignation d’un expert n’est pas faite par le juge, mais de commun accord par les parties.
L’expert n’est pas soumis aux délais légaux imposés par le Code de procédure civile en matière d’expertise judiciaire, ce qui raccourcit de plusieurs mois la procédure expertale. Le calendrier d’expertise est établi par les parties avec l’expert.
L’expert judiciaire doit attendre plusieurs mois entre la désignation et la notification de dépôt de la consignation initiale, tandis que l’expertise privée n’est pas concernée par ce délai. L’expert peut donc démarrer les travaux immédiatement et convenir les modalités de paiement avec les intervenants.
4. Les avantages d’une expertise amiable.
L’expertise privée amiable, réalisée dans le respect du contradictoire présente plusieurs avantages par rapport à l’expertise judiciaire.
Le principal avantage est la possibilité de trouver un terrain d’entente en dehors des tribunaux, la résolution rapide et extrajudiciaire d’un conflit sans avoir recours à la médiation d’un magistrat.
La durée des travaux d’expertise est ainsi nettement inférieure, car la procédure d’expertise n’est pas soumise aux contraintes imposées par le Code de procédure civile dans le cadre d’une expertise judiciaire.
Les frais d’expertise sont considérablement réduits, notamment en ce qui concerne la diffusion obligatoire des notifications en lettre recommandée, très nombreuses dans la procédure d’expertise judiciaire et proportionnelle au nombre de participants.
Par ailleurs, les parties ont le droit de se partager les frais d’expertise.
L’expert n’est pas désigné par la juridiction, mais choisi par les parties, de commun accord, ce qui permet de refuser un expert proposé par la partie adverse en cas de conflit d’intérêts, en raison du manque de compétences ou d’impartialité avant ou pendant les travaux d’expertise, sans interrompre celle-ci.
Le Code de procédure civile établit que l’expert doit répondre aux derniers dires des parties dans son rapport définitif. Cependant, les débats sont souvent très longs, car les échanges sont diffusés par écrit.
Or, dans le cadre d’une expertise privée ces débats peuvent s’organiser en présentiel et même par visioconférence, permettant ainsi aux experts de donner réponse, en une seule séance à toute question technique soulevée par les parties, leurs conseils ainsi que leurs sapiteurs, en cours d’expertise ou après diffusion du pré-rapport.