La Charte de l’environnement : une décennie de normativité.

Par Jonathan Quiroga-Galdo, Juriste.

1801 lectures 1re Parution: Modifié: 4.93  /5

Explorer : # normativité # charte de l'environnement # développement durable # droit constitutionnel

Il y a dix ans, à l’initiative du Président Jacques Chirac, une commission présidée par le paléontologue Yves Coppens avait été chargée de mener la réflexion sur le rôle et l’utilité d’un texte à vocation normative pour dégager un modus vivendi conciliant l’activité économique de l’homme et le respect de son environnement. La Commission Coppens avait considéré qu’il était nécessaire de l’adosser à la Constitution, plus haute norme juridique dans l’ordre interne et donc à l’abri des aléas législatifs, en y intégrant la Charte de l’environnement censée consacrer un nouveau fondement du pacte républicain : le développement durable.

-

La notion de développement durable, apparue en France en 1346 dans l’ordonnance de Brunoy qui concernait la gestion raisonnée des forêts du Royaume, ne sera définie qu’en 1987 avec le rapport onusien intitulé Notre avenir à tous aux termes duquel le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins.

L’ambition chiraquienne était forte puisque la Charte devait donner un nouvel élan à la protection et à la mise en valeur de l’environnement et faire de la France une Nation exemplaire en matière d’écologie. Mais, hélas, le texte était mal né. Le regretté Professeur Guy Carcassonne a pu le décrire comme un texte filandreux, mal pensé, mal écrit, allant jusqu’à le qualifier de tromperie puisque la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 prétendait que « le peuple français proclame solennellement » ce sur quoi il n’a jamais été consulté…

La loi constitutionnelle de 2005 a cependant placé la Charte de l’environnement sur le même plan que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et que le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : dans le « bloc de constitutionnalité », selon l’expression du Professeur Claude Emeri. Ainsi, cette Charte devait renforcer l’effectivité du droit de l’environnement en France. Rien n’était moins sûr il y a une décennie puisque la doctrine discutait fort à propos la portée normative de cet instrument dont les dispositions étaient juridiquement de qualités inégales.

Très tôt, dans sa décision du 28 avril 2005, le Conseil constitutionnel a reconnu l’effectivité d’une disposition centrale de la Charte selon laquelle les politiques publiques doivent concilier la protection et la mise en valeur de l’environnement avec le développement économique et le progrès social.

Le Conseil constitutionnel a ensuite eu l’occasion, dans sa décision du 19 juin 2008 dite « OGM », d’affirmer le caractère normatif de l’ensemble des droits et des devoirs définis dans la Charte de l’environnement qui a valeur constitutionnelle. Dans cette veine, le Conseil d’État, le 3 octobre 2008, considérait que les droits et devoirs de la Charte s’imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs.

Les sages de la rue de Montpensier veillent donc à ce que les lois votées au Parlement assurent le droit de chacun à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé et où chacun a le droit d’être informé sur la prise de décision politique. Ils veillent aussi à ce que, dans les textes de loi qu’ils contrôlent, toute personne prenne part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement. Ils garantissent indirectement que la loi prévienne les atteintes susceptibles d’y être portées et que des modes de réparation existent pour les sanctionner : ce qui relève aujourd’hui des dispositions législatives du Code de l’environnement.

Ce contrôle s’est encore vu renforcé avec l’apparition de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Cette procédure permet de demander au Conseil constitutionnel de vérifier si une disposition législative déjà en vigueur ne serait pas inconstitutionnelle en ce qu’elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, ceci à l’occasion d’un procès devant les tribunaux ordinaires. Ainsi, à l’occasion de la QPC du 13 juillet 2012, le Conseil a pu abroger un article du Code de l’environnement qui ne respectait pas la mise en œuvre du principe, inscrit dans la Charte, de participation du public à l’élaboration des décisions des autorités.

La normativité de la Charte de l’environnement est remarquable sur le terrain de la promotion de l’écologie puisque la plupart des textes internationaux en la matière n’ont qu’une portée déclaratoire. En d’autres termes, ces instruments ne sont que rarement normatifs et donc sanctionnables devant les juridictions. En effet, ces proclamations de pseudo-droits sont une manifestation du « greenwashing » qui repose sur ce que nos cousins d’Amérique nomment le « soft law » traduisible par « droit gazeux » ou « droit mou » : tout l’inverse du droit constitutionnel français.

Jonathan Quiroga-Galdo, Juriste

jquiroga chez free.fr

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

29 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27875 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs