L’employeur qui souhaite rompre un contrat de travail à durée indéterminée pour motif économique doit, en effet, rapporter la preuve de l’existence d’une « cause réelle et sérieuse ».
L’article L1233-2 indique : « Tout licenciement pour motif économique est motivé… par une cause réelle et sérieuse. »
Cette cause de nature économique sera, notamment, des difficultés économiques ou des mutations technologiques visées par l’article L1233-3 du Code du travail.
Dans deux décisions datées du 16 février 2011 (n° 09-72172 et n° 10-10110), qui seront publiées au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, ce qui montre l’intérêt que la Cour attache à ce rappel, la Cour de cassation dit :
« la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit énoncer des faits précis et matériellement vérifiables » ;
Ce faisant, elle précise les termes de l’article L. 1233-16 qui prévoit :
« La lettre de licenciement comporte l’énoncé des motifs économiques invoqués par l’employeur. ».
Et la Cour donne le même jour deux illustrations de ce qui constitue (ou ne constitue pas) un motif économique résultant de « faits précis et matériellement vérifiables » -vérifiables par les juges saisis du litige.
Ce qu’il ne faut pas faire :
La première affaire concerne un responsable commercial dont la lettre de licenciement pour motif économique mentionne : « Suite à une baisse significative de l’activité en 2004, nous sommes dans l’obligation de supprimer le poste de responsable commercial ».
La Cour d’appel rejette ce motif économique car il ne fournit aucune précision factuelle. Elle ne s’estime donc pas en mesure de procéder aux vérifications nécessaires.
Elle condamne par conséquent l’employeur à verser au salarié 35.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou « licenciement abusif ».
L’employeur attaque la décision en soutenant que la lettre comportait l’indication d’une baisse significative de l’activité caractérisant les difficultés économiques envisagées par l’article L1233- 3 du Code du travail et que cette même lettre précisait que ce motif économique avait eu pour incidence une suppression du poste de responsable commercial ; que de tels motifs étaient suffisamment explicites pour être matériellement vérifiables et pour pouvoir se rattacher à l’un des motifs prévus par la loi.
Cette position n’est pas suivie par la Cour de cassation qui rejette le pourvoi et confirme la décision d’appel.
Ce qu’il faut faire :
La deuxième affaire concerne une secrétaire qui, au sein d’un cabinet d’avocats comportant plusieurs autres salariés et plusieurs branches d’activité, gère de façon exclusive certains types de dossiers.
Sa lettre de licenciement mentionne : « licenciement économique par suppression de votre poste en raison de la perte définitive des dossiers de crédits permanents et de pré-contentieux de loyers impayés confiés définitivement à d’autres auxiliaires de justice par les clients - qui établissent la baisse significative et irrémédiable de l’activité du Cabinet… Vous êtes seule à exercer ces prestations, d’autant que vos deux autres collègues de travail sont clercs et justifient de compétences différentes et essentielles au Cabinet. ».
La Cour d’appel énonce que la lettre de licenciement ne fait état que d’une baisse de l’une des activités du cabinet sans invoquer de difficultés économiques ou une réorganisation pour sauvegarder la compétitivité, que la seule baisse du chiffre d’affaires n’induit pas ipso facto une menace sur la compétitivité et ne suffit pas à établir la réalité des difficultés économiques.
Elle condamne l’employeur à verser à la salariée 38.000 euros de dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur attaque la décision et il a gain de cause, la Cour de cassation expliquant :
« La motivation de la lettre de licenciement, qui faisait état d’une baisse d’activité résultant de la disparition d’un certain nombre de contentieux traités par le cabinet et de son incidence sur l’emploi de la salariée, était fondée sur des faits précis et matériellement vérifiables.
La cour d’appel, à qui il appartenait de vérifier l’existence de difficultés économiques résultant de cette baisse d’activité, a violé les textes susvisés ».
Conclusion
"Des faits économiques précis, matériellement vérifiables".
Cette seconde affaire illustre la précision des faits économiques que l’employeur doit mentionner dans la lettre notifiant le licenciement pour motif économique. Le juge doit exercer son pouvoir de vérification, tant sur la réalité de ces faits que quant à leur impact sur le poste du salarié (poste de travail qui est, soit supprimé, soit modifié).
L’employeur vigilant à étayer avec précision son motif économique de licenciement courra moins le risque financier d’un litige que l’employeur imprudent ou négligent.
Cela vaut donc vraiment la peine de bien rédiger la lettre de licenciement... et de se faire conseiller à cette fin.