Le droit de l’expropriation est strictement encadré par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. »
Or, en cas d’appel contre le jugement fixant les indemnités d’expropriation, les dispositions combinées des articles L 15-1 et L15-2 du code de l’expropriation permettent à l’autorité expropriante de prendre possession du bien exproprié en se limitant à verser directement à l’exproprié une indemnité limitée au montant de ses offres initiales et à consigner à la Caisse des dépôts et consignations le surplus des indemnités fixées par le juge de l’expropriation.
Dans cette hypothèse, il arrive donc fréquemment que le propriétaire doive libérer les lieux un mois après avoir reçu une indemnité partielle seulement, le paiement du reste de l’indemnité étant parfois reporté longtemps après la dépossession (au moins après que la Cour d’appel ait pris sa décision).
Pour la 3e chambre civile de la Cour de cassation (arrêt du 16 janvier 2012, pourvoi n°11-40085), cette situation posait la question évidente de la conformité des articles L. 15-1 et L. 15-2 à la Constitution.
Par sa décision n°2012-226 QPC du 6 avril 2012, le Conseil constitutionnel répond clairement que les dispositions sont inconstitutionnelles.
« Considérant que, si le législateur peut déterminer les circonstances particulières dans lesquelles la consignation vaut paiement au regard des exigences de l’article 17 de la Déclaration de 1789, ces exigences doivent en principe conduire au versement de l’indemnité au jour de la dépossession ; qu’en cas d’appel de l’ordonnance du juge fixant l’indemnité d’expropriation, les dispositions contestées autorisent l’expropriant à prendre possession des biens expropriés, quelles que soient les circonstances, moyennant le versement d’une indemnité égale aux propositions qu’il a faites et inférieure à celle fixée par le juge de première instance et consignation du surplus ; que, par suite, les dispositions contestées des articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique méconnaissent l’exigence selon laquelle nul ne peut être privé de sa propriété que sous la condition d’une juste et préalable indemnité ; que, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief, les dispositions des articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique doivent être déclarées contraires à la Constitution ».
Ensuite, le Conseil constitutionnel rappelle le principe selon lequel la « déclaration d’inconstitutionnalité doit bénéficier à l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité » et précise que « la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ».
Cependant, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel considère que les dispositions des articles L 15-1 et L 15-2 ne seront abrogées automatiquement qu’après le 1er juillet 2013.