Expatriés en Angleterre : comment négocier une rupture amiable (settlement agreement) ?

Alain-Christian Monkam
Employment Solicitor et Avocat - Londres/Paris
https://monkam.uk/

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Explorer : # négociation # accord amiable # droit du travail britannique # expatriés

Les accords amiables, transactions ou settlement agreement sont extrêmement courant dans les relations individuelles de travail au Royaume-Uni. Le salarié expatrié français est souvent amené à en connaître s’il est l’objet d’une rupture de son contrat de travail de la part de son employeur anglais ou français.

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Nonobstant la culture britannique qui est plutôt favorable aux modes amiables de règlements des litiges, il convient d’observer que les procédures judiciaires devant l’Employment Tribunal peuvent coûter très chères, notamment en frais d’avocats (jusqu’à £40,000 = €57.000 par partie). D’ailleurs, depuis l’institution le 6 avril 2014 d’un ’bureau de conciliation’ dans le cadre des contentieux devant l’Employment Tribunal (la fonction de conciliation étant assurée par l’ACAS organisme public), il est estimé que :

- 15% des dossiers sont immédiatement transigés pendant cette phase préalable de conciliation (via un accord amiable dit COT3 settlement)

- 63 % des dossiers sont retirés avant même qu’ils soient entrés dans la phase contentieuse post-tentative de conciliation ;

- sur les 22% des dossiers restant qui progressent vers la phase contentieuse, 51% font finalement l’objet d’un règlement amiable avant même l’audience de plaidoirie de l’Employment Tribunal ;

Revenons donc sur les principales recommandations ponctuant la négociation d’un accord amiable en Angleterre.

1- Choisir un Conseil juridique : première étape capitale, il est essentiel que le salarié expatrié soit conseillé. En effet, le droit du travail britannique ne s’improvise pas et le salarié doit être éclairé sur son dossier, l’étendue de ses droits, ses espoirs de gains et ses risques d’échec.

2- Choisir une méthode de négociation : le salarié peut négocier lui-même en direct avec son employeur ou bien le faire par l’intermédiaire de son solicitor/avocat ;

- plus les montants sont importants, plus il est recommandé de recourir à un solicitor pour négocier ;

- il est à signaler que depuis le 29 juillet 2013, les discussions transactionnelles entre un salarié et son patron sont ’protégées’, c’est à dire qu’elles sont inadmissibles comme preuve dans un contentieux anglais pour licenciement abusif, sauf dans certains cas (par exemple whistleblowing ou discrimination) ;

- en tout état de cause, la validité de la signature d’une settlement agreement sera conditionnée au fait que le salarié produise préalablement un adviser’s certificate justifiant qu’il a bien reçu conseil juridique sur ses droits et les conséquences de l’accord amiable ;

3- Choisir un moment de négociation : Il y a plusieurs périodes possibles de négociation :

- soit avant même que la rupture du contrat de travail ne soit prononcée (solution généralement préférable) ;

- soit après la rupture du contrat de travail avant l’engagement d’un contentieux ;

- soit une fois que la procédure a été engagée devant l’Employment Tribunal ou qu’elle est poursuivie en appel ;

Bien évidemment, plus les négociations vont durer, plus les frais de conseil vont s’élever (peut-être même que plus l’offre finale sera élevée). Tout dépend de la ténacité de chaque partie.

4- Choisir la teneur de la négociation : Il pourra être tenu compte de plusieurs critères, notamment :

- quid du mode de rupture ? démission ou licenciement ou rupture d’un commun accord ? quel motif si licenciement ? bien évidemment, certains motifs sont ’diffamant’ pour le salarié ;
- quid de l’indemnité transactionnelle ’termination payment’ ou ’compensation payment’  ? la rémunération du salarié, son niveau de responsabilité, son âge, le mode ou les raisons de la rupture du contrat de travail devraient entrer en compte ;
- garder à l’esprit que les dommages intérêts que peut accorder un Employment Tribunal pour licenciement abusif sont plafonnés soit à £92.585 (€129.000€ depuis le 6 avril 2015) soit de 12 mois de salaire si cette somme est plus basse ;
- garder également en tête que ce plafond n’est pas applicable dans certains contentieux par exemple whistleblowing ou discrimination ;
- quid du préavis et de son exécution ? montant ? travaillé ? dispensé ? salarié placé en garden leave ?
- quid de la clause de non-concurrence ? appliquée ou pas ? payée ou pas ? l’obligation de contrepartie financière n’est pas en principe obligatoire en droit du travail anglais ;
- quid des bonus, primes et autres stocks-options éventuellement dus ?
- quid d’une lettre de référence ? C’est important au Royaume-Uni où le contrôle de référence est quasi-systématique pour certains postes ;
- quid de la valorisation des éventuels droits français de l’expatrié ? la situation contractuelle du salarié expatrié peut être complexe avec chevauchement possible des droits anglais et français ;

En tout état de cause, pour négocier une bonne transaction, il convient de demeurer raisonnable et ne pas nécessairement chercher à ’faire mordre la poussière’ à son employeur ou à ’casser’ le salarié (sous réserve que l’autre partie soit également raisonnable). Tout le monde sera gagnant au final !

Alain-Christian Monkam
Employment Solicitor et Avocat - Londres/Paris
https://monkam.uk/

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Discussions en cours :

  • par Anne Vero , Le 17 janvier 2023 à 06:52

    Bonjour,

    Pôle emploi considère que j’ai démissionné alors que je suis partie en signant un settlement agreement, c’est à dire une rupture conventionnelle, à la demande de mon employeur. L’accord à d’ailleurs été rédigé par un cabinet d’avocats anglais et enregistré par celui ci.

    Je ne sais pas quoi faire face à Pôle Emploi qui fait tout pour m’empêcher de toucher mes droits.

  • par T.B , Le 24 décembre 2020 à 21:01

    Bonjour Maître,

    J’espère que vous allez bien.

    Après une durée de travail au Royaume-Uni de deux ans et demi et après avoir travaillé à la suite de cette expérience au Royaume-Uni, une semaine en France je me suis inscrit à Pôle-Emploi. Afin de débloquer et calculer les Droits au chômage il est clairement dit qu’il faut à notre retour en France travailler ne serais-ce qu’une journée ce qui est mon cas. Pour calculer les droits et montant de l’ARE, Pole-Emploi se base sur la durée de travail au RU inscrite sur le U1 et sur la durée de travail faite en France. J’ai vu dans un forum qu’apparemment une rupture de contrat conventionnelle au Royaume-Uni ne donne pas le droit à une allocation chômage en France et je trouve ça très curieux car documenté nul part.

    Ma question est : Est ce que une rupture de contrat conventionnelle au royaume uni annule t-elle nos droits d’allocation de retour à l’emploi lorsque l’on souhaite demander les allocations chômage (ARE) en France ? (Ps : je n’ai reçu aucune aide du chômage britannique.)
    Sur quel texte de loi ou convention Pole-emploi s’appuient t-ils pour considérer une RC en Europe comme une démission ?
    Cela n’est écrit nul part et c’est assez contradictoire car la RC a été favorisée et encouragée par le gouvernement...
    Afin d’essayer d’y voir plus clair, je me suis rendu sur le site du service public français à la rubrique rupture conventionnelle individuelle : que s’agit t’il, voici la définition : « La rupture conventionnelle est le seul mode de rupture du contrat de travail à l’amiable entre le salarié et l’employeur. ».
    Pôle Emploi peuvent t’ils refuser une indemnisation en se basant sur des textes qui n’existent pas ?

    Je vous remercie d’avance pour votre expertise.

    Bien à vous

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