Ce salarié français d’origine étrangère avait été victime à plusieurs reprises de l’hostilité et du comportement raciste de certains de ses collègues.
Ainsi, en avril 1994, il avait « demandé à son employeur l’Hôtel NEGRESCO d’intervenir pour mettre fin au comportement belliqueux que son chef d’équipe continuait à adopter, rappelant, d’une part, l’agression physique dont il avait fait l’objet de sa part en janvier 1993 et, d’autre part, en substance, le fait qu’il avait alors renoncé à déposer plainte pour ne pas nuire à la réputation de l’hôtel. »
En mars 1995, il avait « dénoncé à nouveau les agressions quotidiennes à caractère raciste dont il faisait l’objet de la part de ses collègues et particulièrement de son chef d’équipe et surtout l’affichage dans l’entreprise d’un tract raciste où il était cité nommément, et dont il joignait à son courrier une photocopie, demandant instamment à l’employeur de faire cesser ces agissements qui lui occasionnaient une grande souffrance morale ».
La Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Montpellier avait souligné que « ce tract produit aux débats relève du plus vil des racismes, puisqu’on y lisait :
« Ministère des transports – nouvelles propositions :
Si vous écrasez un arabe………………………….. + 2 points
Si vous écrasez un couple…………………………. + 6 points
Si vous écrasez une arabe enceinte……………… + 3 points
Si vous écrasez une arabe avec une poussette…. +14 points
………………………………………………………………………..
Si vous écrasez [Prénom du salarié] = 1500 points »
En août 1995, un neurologue certifiait que ce salarié présentait des douleurs séquellaires et conséquentes de ses trois accidents du travail subis au sein de l’Hôtel NEGRESCO « et de leur exacerbation par le syndrome dépressif réactionnel au harcèlement raciste qu’il subissait ».
Le même médecin écrivait encore à la COTOREP en septembre 1995 : « il est chrétien mais subit intensément des agressions verbales antiraciales et antimusulmanes » et en décembre 1995 au médecin conseil « il supporte très mal l’atmosphère de son lieu de travail ».
Dans un courrier adressé à son employeur en janvier 1996, le salarié dénonçait à nouveau la « campagne raciste » menée contre lui, écrivant notamment « depuis plusieurs mois, j’ai perdu mon sommeil du fait des agressions racistes répétées de mes collègues, je suis suivi par un psychiatre et un neurologue et actuellement je subis un traitement dans un centre hospitalier spécialisé ».
L’employeur reconnaissait les agissements subis par le salarié de la part de ses collègues, puisque dans un courrier adressé en aout 1996, sous la signature de Madame A. Président Directeur Général de l’Hôtel NEGRESCO, au Professeur G. du service de Neurochirurgie de l’hôpital Pasteur de Nice, il est écrit :
« Depuis 1990 ayant été très irrégulier dans ses présences au travail [suite à trois accident du travail au sein de l’Hôtel NEGRESCO, NDLR], ses collègues ont pensé qu’il était de mauvaise foi, et profitait des avantages offerts en France au maximum. Ceci a créé dans l’équipe une ambiance difficile à supporter pour lui. Je suppose qu’il était sincère et son moral s’en est trouvé affecté. Mais d’un autre côté, la situation étant connue de tous dans la maison, nul n’ignorait que depuis janvier 1990 la Société avait dû débourser pour [lui] un complément de maladie s’élevant à 57.360,55 francs. Je crois que c’est ce problème financier qui a déclenché cette haine… »
La Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Montpellier avait considéré que si dans le même courrier Madame A. Président Directeur Général de l’Hôtel NEGRESCO « indiquait qu’elle fera réintégrer [le salarié] et qu’elle le fera respecter à l’avenir, l’employeur, en dépit de cette pétition de principe, ne justifie nullement, alors que le salarié, preuve à l’appui, dénonçait régulièrement depuis avril 1994 les agissements dont il était victime, avoir pris une quelconque mesure concrète pour y mettre un terme et prévenir tout renouvellement. En particulier, il n’est justifié d’aucune enquête interne, et a fortiori d’aucune conclusion qui en aurait été tiré tant sur le plan des mesures individuelles, au besoin disciplinaires, à prendre que sur le plan de l’organisation interne du travail au sein de l’entreprise à mettre en place pour prévenir le harcèlement à caractère raciste dont faisait l’objet [le salarié] de la part de ses collègues. »
La Cour d’Appel de Montpellier avait condamné l’Hôtel NEGRESCO à payer au salarié 30.000 Euros de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1134 et 147 du Code civil pour non-respect de l’obligation pour l’employeur de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral à caractère raciste subi par son salarié.
La Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Montpellier avait par ailleurs condamné l’Hôtel NEGRESCO à payer à ce salarié les sommes de :
1.500 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation des dispositions des articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du Code du travail.L’Hôtel NEGRESCO n’a pas respecté l’obligation règlementaire de faire subir à ce salarié une visite de reprise dans les huit jours qui suivirent ses arrêts de travail.
2.000 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation des dispositions de l’article L. 1226-12 du Code du travail.
L’Hôtel NEGRESCO n’a pas respecté l’obligation légale de faire connaître par écrit à ce salarié les motifs qui s’opposent à son reclassement à la suite de sa déclaration définitive d’inaptitude à son poste
1.951,12 Euros de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement
L’Hôtel NEGRESCO a imposé à ce salarié, lors de l’entretien préalable de licenciement, la présence d’un délégué du personnel, et ce, alors que non seulement lui-même n’avait pas demandé son assistance et qu’en outre il existait un différend important entre eux.
La Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Montpellier a considéré que « cette présence imposée au salarié d’un « témoin » vicie la procédure de licenciement et le salarié est de cechef fondé à demander réparation du préjudice qui en est nécessairement résulté, celui-ciayant fait état dans un courrier adressé à l’employeur de la gêne et du trouble que lui avaitoccasionnés la présence de cette personne à côté du Directeur, ce qui l’avait empêché de s’exprimer librement »
5.549,71 Euros à titre de rappel d’indemnité spéciale de licenciement
4.097, 54 Euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents
600 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui a causé la délivrance de documents sociaux établis en violation de l’article L. 1226-7 du Code du travail
1.500 Euros à titre de dommages et intérêts pour délivrance tardive des documents de fin de contrat de travail
5.866,04 Euros à titre de garantie conventionnelle de complément de rémunération pendant ses périodes d’arrêt de travail
2.500 Euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile
Enfin, l‘Hôtel NEGRESCO avait été condamné aux dépens de première instance et d’appel.
Cette décision favorable au salarié était intervenue après un long parcours judiciaire.
Ce salarié avait saisi le Conseil de Prud’hommes de Nice en septembre 2004.
Le Conseil de Prud’hommes de Nice s’était d’abord déclaré en partage de voix.
Puis le 17 mai 2006, le Juge départiteur du Conseil de Prud’hommes de Nice avait débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes et l’avait condamné aux dépens.
Le 21 mai 2007, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence avait confirmé la décision prud’homale sauf en ce qui concerne le montant de l’indemnité spéciale de licenciement et condamné l‘Hôtel NEGRESCO à payer au salarié à ce titre un complément de 2.451,20 Euros outre 1.200 Euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le 21 janvier 2009, la Cour de cassation avait cassé et annulé partiellement l’arrêt de la Cour d’Appel d’Aix en Provence et renvoyé les parties devant la Cour d’Appel de Montpellier au visa de l’article 1147 du Code civil : « pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par le salarié qui soutenait que l’employeur avait commis des fautes contractuelles notamment en laissant développer à son égard des attitudes d’hostilité et de racisme de la part de ses collègues de travail et demandait réparation du préjudice subi de ce chef, la cour d’appel, après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que celui-ci s’était plaint par lettres adressées à son employeur à plusieurs reprises de l’hostilité et du comportement raciste de certains collègues et pour manifester sa souffrance et qu’un tract raciste répugnant visant nommément le salarié avait été affiché sur les lieux du travail, retient que la direction de l’hôtel était dans l’impossibilité de prévenir un tel affichage et qu’elle s’était engagée dans un courrier adressé à un médecin, le 20 août 1996, à faire respecter le salarié lors de sa reprise de travail ; Qu’en se déterminant comme elle a fait, alors qu’elle avait constaté la réalité des agissements racistes dont le salarié avait été victime sur le lieu du travail, la cour d’appel, qui n’a pas recherché si l’employeur avait effectivement fait cesser les agissements d’hostilité et de racisme dont était victime le salarié, a privé sa décision de base légale »
Le 9 décembre 2009, la Cour d’Appel de Montpellier condamnait l’Hôtel NEGRESCO sur le fondement des articles 1134 et 147 du Code civil pour non-respect de l’obligation pour l’employeur de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral à caractère raciste subi par son salarié.
L’Hôtel NEGRESCO avait formé un pourvoi contre cette décision.
Le 21 juin 2011, la Cour de Cassation a rejeté ce pourvoi en considérant que l’Hôtel NEGRESCO n’a présenté aucun moyen de nature à permettre l’admission de celui-ci.
Par cette décision, ce salarié est aujourd’hui définitivement reconnu victime des agissements de harcèlement moral à caractère raciste qu’il avait subi de la part de ses collègues de travail au sein de l’Hôtel NEGRESCO et pour lequel le Palace n’avait pas pris toutes les dispositions nécessaires pour faire cesser ces comportements d’hostilité et de racisme.
Cass. soc. 21 juin 2011 n° 10-11690