Le 26 juin 2008, l’ICANN (organisme international de régulation des noms de domaine et des adresses IP) annonçait la libéralisation prochaine des extensions.
Depuis, et après un long processus de consultation impliquant des intervenants du monde entier (gouvernements, particuliers, sociétés civiles, offices et professionnels de la propriété intellectuelle, techniciens et prestataires internet...), l’ICANN a publié un Guide (encore à l’état de projet, disponible à http://www.icann.org/en/topics/new-gtld-draft-rfp-24oct08-en.pdf) à l’intention des candidats potentiels à la réservation de ces extensions libres.
Ce guide définit d’une part le processus de soumission et d’examen des dossiers de candidature (qui ne s’effectuera que via une interface web), et définit deux catégories d’extensions distinctes : les extensions ouvertes ou communautaires.
Les extensions dites ouvertes sont celles qui seront formées de marques ou de noms (par exemple « .cocacola » ou « .microsoft »), tandis que les extensions communautaires pourront concerner plusieurs intervenants différents (comme le « .sport » par exemple qui pourrait regrouper des fédérations, des équipementiers, des clubs ou équipes, des disciplines...).
A noter que le Guide de l’ICANN consacre également une section aux extensions issues de noms géographiques, non développée ici.
Mais surtout, ce guide propose de déterminer les conditions selon lesquelles ces nouvelles extensions pourront être attribuées, conditions tenant tant à la nature et la fonction des postulants, qu’aux critères techniques et intellectuels des extensions elles-mêmes.
Ce sont ces conditions que nous vous proposons d’étudier ci-après.
I/ Conditions relatives aux postulants
1.1 Nature des postulants :
La première condition posée pour pouvoir soumettre un dossier de demande pour une nouvelle extension tient en la qualité de personne morale du postulant. En effet, seules les sociétés, organisations, associations privées ou publiques établies, quel que soit leur pays, pourront être candidates. Les particuliers (et entreprises individuelles) seront donc exclus, ainsi que les entités en cours de formation.
1.2 Fonction des postulants :
Cette condition est particulièrement importante puisque, rappelons-le, chaque détenteur d’une extension personnalisée prendra la qualité de Registre pour ce qui concerne son extension qui aura le statut d’extension générique (comme le .com, le .net, le .org etc). L’ICANN vérifiera donc si le candidat est capable d’organiser la gestion financière et technique de son extension. A noter que la gestion technique pourra, le cas échéant, être dévolue à un prestataire extérieur.
II/ Conditions relatives aux extensions
2.1 Critères techniques :
Ils tiennent à la longueur maximum de l’extension (63 caractères maximum), et au type de caractères autorisés. L’ICANN précise notamment que :
- minuscules ou majuscules seront considérés comme mêmes caractères ;
- l’extension doit être composée entièrement de lettres, chiffres et tirets (mais ne peut commencer ou finir avec un trait d’union)
- pour éviter tout risque de confusion avec une adresse IP, l’extension ne peut être composée uniquement de chiffres entre « 0 » et « 9 », ni commencer par « 0x » ou « x » et n’être ensuite constituée que de chiffres entre « 0 » et « 9 » ou caractères entre « a » et « f », ni commencer par « 0o » ou « o » et n’être ensuite constituée que de chiffres entre « 0 » et « 7 ».
- les caractères IDN ne seront autorisés que selon les conditions du protocole IDNA.
2.2 Critères intellectuels :
Contrairement aux conditions d’ouverture des précédentes extensions génériques, aucune période Sunrise n’est prévue pour privilégier les détenteurs de droits intellectuels sur certaines dénominations. Il en ressort que les droits antérieurs ne seront protégés que par des actions a posteriori.
Un processus d’opposition sera donc mis en place pour permettre à un titulaire de droits de propriété intellectuelle de contester la création d’une nouvelle extension s’il considère qu’elle va à l’encontre de ses droits.
Par ailleurs, un processus de résolution des litiges devra être mis en place par le gestionnaire d’une nouvelle extension, a minima selon les principes de l’UDRP.
En ce qui concerne la gestion des risques de confusion, l’éventuelle proximité des extensions sera évaluée selon un algorithme comparant le taux de similarité visuelle (entre caractères ASCII). Trois procédures successives sont ensuite proposées pour permettre de départager les candidats aux extensions trop proches (à condition que ces candidats aient répondu avec succès aux critères précédents pour l’acceptation de leur dossier) :
- accord à l’amiable
- évaluation comparative (ouverte seulement aux candidats gestionnaires d’une extension communautaire) qui permettra aux candidats de prouver, devant un comité d’experts, la légitimité de leur proposition d’extension par rapport à la communauté défendue
- enchères en ligne entre candidats.
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En dernier lieu, il convient de prendre connaissance du budget - conséquent - à allouer à la réservation et la gestion d’une extension par tout nouveau candidat :
- frais d’accès à l’interface web de réservation (100 $ soit environ 75 €)
- frais de réservation (185 000 $ soit environ 142 000 €)
- frais de maintenance annuelle de l’extension qui seront calculés soit au forfait (75 000 $ annuels, soit environ 57 000 €), soit sur la base des revenus annuels des candidats (environ 5%).
- sans oublier les frais éventuels liés aux procédures de résolution des litiges.
En conclusion, si les extensions communautaires ont, pour la plupart, de fortes chances de tirer leur épingle du jeu (et promettent pour certaines de jolies bagarres entre postulants), il n’en sera pas nécessairement de même pour les extensions qui seront réservées par des marques : il leur faudra probablement investir de façon conséquente dans une communication adaptée afin d’engendrer de nouveaux réflexes chez les internautes et fédérer un maximum d’entre eux sous leur nouvel étendard.
Marie-Gwénaëlle Chuit
Juriste Propriété Intellectuelle