Nouvelle annulation d’une convention de forfait en jours : condamnation de l’employeur pour « exécution déloyale de la convention de forfait en jours » et pour travail dissimulé.

Par Dany Marignale, Avocat.

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Explorer : # forfait en jours # travail dissimulé # heures supplémentaires # exécution déloyale

« Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de nullité de la convention de forfait en jours, l’arrêt retient que la fourchette de 215 à 218 jours de travail indiquée dans la lettre d’embauchage et sur les bulletins de salaire ne fait que traduire l’impossibilité de déterminer de façon intangible le nombre maximum de jours travaillés chaque année du fait des variables liées au calendrier ; que cette marge d’incertitude infime et commune à tous les forfaits annuels ne remet pas en cause leur validité ; Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé
Et attendu que conformément à l’article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de la nullité de la convention de forfait en jours entraîne, par voie de conséquence, la cassation, sur le troisième moyen, du chef de la demande au titre du travail dissimulé »

(Cass, Soc, 12 mars 2014, n° 12-29.141)

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La problématique est désormais connue et les forfaits en jours résistent mal à l’examen de la Cour de cassation. L’arrêt commenté est une nouvelle illustration des exigences de cette modalité de calcul de la durée du travail.

Un salarié licencié pour faute grave contestait son licenciement et sollicitait également la condamnation de l’employeur à lui régler des heures supplémentaires en sollicitant le prononcé de la nullité de la convention de forfait en jours prévue à son contrat de travail.

A ce jour, seul l’accord du 28 juillet 1998 étendu sur l’organisation du travail dans la métallurgie a passé avec succès les fourches caudines de la Cour de cassation [1], et la Société en cause dans la décision commentée appliquait cet accord collectif.

Le salarié ne mettait pas en cause les dispositions de la convention collective applicable mais reprochait à son employeur de ne pas appliquer les dispositions de l’article L. 3121-46 du Code du travail qui prévoient que l’employeur doit organiser un entretien portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise et l’articulation entre la vie professionnelle et personnelle.

Il estimait également que la disposition contractuelle qui prévoyait que le nombre de jours travaillés oscillerait entre 215 et 218 jours était imprécise et qu’elle devait conduire à l’annulation du forfait en jours.

La Cour d’appel a rejeté cette demande considérant que cette marge d’incertitude sur les bulletins de salaire ne fait que traduire l’impossibilité de déterminer de façon intangible le nombre maximum de jours travaillés chaque année du fait des variables liées au calendrier. Les juges du fond avaient également rejeté la demande d’heures supplémentaires du salarié estimant que les heures indiquées sur les courriels qu’il versait au dossier pour conforter son décompte n’ont pas de valeur probante pour les raisons invoquées par l’employeur.

La Cour de cassation casse cette motivation en jugeant d’une part que la convention de forfait en jours doit fixer précisément le nombre de jours travaillés.

Sur les heures supplémentaires, elle casse également, et assez logiquement la motivation de la Cour d’appel, considérant que celle-ci a fait peser la charge de la preuve des heures supplémentaires sur le seul salarié alors qu’on sait que la charge de cette preuve est « partagée » et que chacune des parties doit apporter les éléments de nature à étayer sa demande.

Deux éléments nous semblent devoir être relevés dans cette décision.

La Cour de cassation donne raison à la Cour d’appel d’avoir fait partiellement droit à la demande du salarié en condamnant l’employeur à payer au salarié une indemnité pour « exécution déloyale de la convention de forfait en jours  ». Il semble donc que cette indemnité puisse s’ajouter à une condamnation à des rappels d’heures supplémentaires.

Cette condamnation nous semble juridiquement critiquable puisque la convention de forfait en jours est nulle, et que la Cour de cassation invite à considérer que celle-ci doit être privée d’effet, comment considérer que son exécution déloyale puisse être sanctionnée ?

Elle juge également que l’article 624 du Code de procédure civile doit nécessairement la conduire à casser également l’arrêt ayant débouté le salarié de sa demande de travail dissimulé.
« Et attendu que conformément à l’article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de la nullité de la convention de forfait en jours entraîne, par voie de conséquence, la cassation, sur le troisième moyen, du chef de la demande au titre du travail dissimulé ».

Il semble donc que la Cour de cassation, comme certaines juridictions du fond, considère désormais qu’appliquer une convention de forfait nulle, doit entrainer une condamnation systématique de l’employeur à payer une indemnité pour travail dissimulé, sans qu’il soit nécessaire pour le salarié de démontrer l’intention de l’employeur de dissimuler les heures supplémentaires qu’il aurait accomplies.

Les conséquences financières de l’annulation des conventions de forfait (heures supplémentaires, congés payés et charges sociales y afférent, travail dissimulé et désormais indemnité pour exécution déloyale) sont de plus en plus lourdes pour l’employeur.

Dany MARIGNALE

Avocat au Barreau de PARIS

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Notes de l'article:

[1Soc. 29 juin 2011 N° 09-71107

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