Preuve des heures supplémentaires par le biais d’un simple relevé d’heures établi par le salarié : la Cour de cassation persiste et signe.

Par Clémence Queffeulou, Avocat.

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Explorer : # preuve des heures supplémentaires # charge de la preuve # temps de travail # droit du travail

Il n’est pas rare de constater une certaine frilosité des juges du fond à accorder au salarié le paiement d’heures supplémentaires notamment lorsqu’une telle demande est exclusivement fondée sur un décompte établi par le salarié lui-même.

Néanmoins, la Cour de cassation entend rappeler avec force et constance le principe selon lequel « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. »

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Ainsi, la Haute juridiction a récemment cassé plusieurs arrêts rendus par des juges du fonds ayant rejeté la demande de paiement d’heures supplémentaires aux motifs par exemple que :

-  la salariée ne produisait « qu’un récapitulatif de son temps de travail journalier sans le moindre élément de nature à lui conférer une apparence de crédibilité » (Cass. Soc., 7 décembre 2011, n° 10-14.156),

-  le salarié ne produisait « que des décomptes sommaires et imprécis qui, effectués de façon agrégée par mois, ne permettent aucune vérification » et que les « attestations relatives à des interventions sur chantiers des samedis matin ou faisant état d’une amplitude horaire très importante de ses heures de travail durant la semaine », […] n’étaient « pas de nature à étayer ses demandes, de par leur caractère évasif » (Cass. Soc., 16 mai 2012, n° 10-19484),

-  « bien que l’employeur ne communique aucune pièce, le seul témoignage produit par le salarié ne suffit pas à étayer sa demande » (Cass. Soc., 13 juin 2012, n° 11-10.929),

-  le salarié « ne produit aucun décompte explicatif des heures supplémentaires qu’il allègue avoir effectuées et ne verse aux débats que ses relevés d’activité et de temps de travail hebdomadaires sur lesquels il a mentionné le nombre d’heures effectuées quotidiennement selon lui » (Cass. Soc., 19 septembre 2012, 11-23.488),

-  « des pièces produites aux débats par la salariée, seule mérite examen, […] la pièce intitulée chiffrage des points à faire valoir aux prud’hommes qui se limite, à l’exclusion de toute autre précision, à un simple chiffrage dépourvu de la moindre explication ou justification quant aux éventuels dépassements horaires » (Cass. Soc., 26 septembre 2012, n° 10-27.508).

Dans chacune de ces espèces, la chambre sociale censure la motivation des juges du fond ayant fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires.

Aux termes de la position stricte adoptée par la Cour de cassation, il faut considérer que doit être accueillie favorablement la demande de paiement d’heures supplémentaires formulée par un salarié versant aux débats un simple relevé des heures qu’il prétend avoir effectuées dès lors que l’employeur n’apporte aucun élément de contradiction.

Il est intéressant de noter, sur cette question de la preuve des heures supplémentaires, certains arrêts récents de la cour d’appel de Paris ayant considéré que constituaient des éléments précis quant aux horaires effectivement réalisés par le salarié :

-  les fiches de temps établies par la salariée qui servaient de base à la facturation des clients (Pôle 6, 5 mai 2011, S08/10231),

-  un décompte précis et détaillé, semaine par semaine fondé sur les « plannings salarié » édités par l’employeur peu important que ces plannings n’étaient que prévisionnels (Pôle 6, 27 septembre 2012, S10/10271),

-  les disques chrono tachygraphes produits par un salarié chauffeur poids lourd (Pôle 6, 27 septembre 2012, S09/02890),

-  l’horaire d’ouverture du magasin de vente où la salariée exerçait son activité du mardi au samedi inclus. (Pôle 6, 9 octobre 2012, S10/10320).

La question de la preuve des heures supplémentaires et plus généralement du décompte du temps de travail acquiert une dimension encore plus importante à la lecture des arrêts de la Cour de cassation rendus récemment en matière de validité des conventions de forfait en jours.

On peut citer par exemple l’arrêt en date du 31 janvier 2012 aux termes duquel la Cour de cassation considère que les accords collectifs prévoyant la possibilité de conclure une convention de forfait en jours dans l’industrie chimique ne sont pas de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours. Elle en déduit que la convention de forfait en jours conclue par le salarié est privée d’effet, de telle sorte que ce dernier peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont les juges du fonds doivent vérifier l’existence et le nombre (Cass. Soc., 31 janvier 2012, n° 10-19.807).

A la lecture de ces différentes décisions, on ne peut que conseiller aux employeurs d’être extrêmement vigilants dans le contrôle du temps de travail de leurs salariés et aux salariés qui effectueraient des heures supplémentaires de réaliser un décompte journalier de leurs horaires de travail.

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