Elections professionnelles : il n’est plus nécessaire de justifier de circonstances exceptionnelles pour prévoir le vote par correspondance.

Par Clémence Queffeulou, Avocat.

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Explorer : # vote par correspondance # Élections professionnelles # protocole préélectoral # droit du travail

Le Code du travail prévoit que les modalités d’organisation et de déroulement des opérations électorales font l’objet d’un accord entre l’employeur et les organisations syndicales intéressées. Cet accord doit respecter les principes généraux du droit électoral.

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Toutefois, jusqu’à présent, la Cour de cassation considérait que l’employeur et les organisations syndicales ne pouvaient valablement décider de recourir au vote par correspondance que dans des circonstances particulières.

Ainsi, la Cour de cassation rappelait que le vote par correspondance, en vertu des principes généraux du droit électoral, ne peut être utilisé que dans des circonstances exceptionnelles et censurait ainsi un tribunal d’instance qui avait admis que le vote par correspondance serait applicable à tous les électeurs d’une entreprise de transport, conformément au protocole préélectoral, alors qu’il avait pu constater la présence de salariés sédentaires (Cass. Soc., 7 avril 1993, n°92-60.120 ; même solution Cass. Soc., 3 juillet 1991, 90-60.532).

Plus récemment, la Chambre sociale censurait des juges du fond ayant décidé qu’il y avait lieu de procéder à la généralisation du vote par correspondance en raison de circonstances exceptionnelles, sans toutefois relever, en l’espèce, l’existence de telles circonstances pour l’ensemble du personnel (Cass. Soc., 24 novembre 2004, 03-60.436).

Dans un arrêt du 13 février 2013 (publié au bulletin), la Cour de cassation revient sur cette position.

En l’espèce, en vue de l’organisation des élections des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise dans une entreprise de nettoyage, un protocole préélectoral avait été signé à la double majorité requise.

Ce protocole prévoyait un vote par correspondance « pour l’ensemble du personnel ainsi que pour les électeurs absents pour maladie, maternité, accident du travail, congés payés ou exceptionnels, grand déplacement ».

L’une des organisations syndicales a alors saisi le juge aux fins d’annulation du protocole préélectoral.

Le Tribunal d’instance a rejeté la demande aux motifs que les modalités de ce vote étaient justifiées par la dispersion des salariés sur des sites multiples, inhérente à l’activité de l’entreprise.

Le syndicat a alors formé un pourvoi en cassation en se fondant sur la jurisprudence classique de la haute juridiction aux termes de laquelle « le vote par correspondance, en vertu des principes généraux de droit électoral, ne peut être utilisé que dans des circonstances exceptionnelles et seulement pour certaines catégories de personnel pour lesquelles il constitue une nécessité  » et en soutenant notamment que « l’ensemble du personnel n’était pas dans l’impossibilité matérielle de voter physiquement ».

La Cour de cassation rejette le pourvoi dans les termes suivants :

" sauf disposition légale différente, les clauses du protocole préélectoral sont soumises aux conditions de validité définies par les articles L. 2314-3-1 et L. 2324-4-1 du Code du travail ; qu’il s’ensuit que lorsque le protocole d’accord préélectoral répond à ces conditions il ne peut être contesté devant le juge judiciaire qu’en ce qu’il contiendrait des stipulations contraires à l’ordre public, notamment en ce qu’elles méconnaîtraient les principes généraux du droit électoral ; que, si le vote physique est la règle en l’absence de dispositions conventionnelles dérogatoires, le recours au vote par correspondance pour les élections professionnelles n’est contraire à aucune règle d’ordre public ;

Que le tribunal ayant constaté que le protocole prévoyant le vote par correspondance avait été signé à la double majorité prévue par les articles L. 2314-3-1 et L. 2324-4-1 du Code du travail et que la contestation portait uniquement sur les cas de recours au vote par correspondance, c’est à bon droit qu’il a débouté le syndicat de sa demande d’annulation ; "
(Cass. Soc., 13 février 2013, 11-25.696)

Il n’appartient donc plus au juge, saisi d’une contestation sur le recours au vote par correspondance prévu par un protocole préélectoral, de vérifier si celui-ci est ou non justifié par des circonstances exceptionnelles.

Désormais, l’employeur et les organisations syndicales intéressées peuvent donc librement prévoir le principe d’un vote par correspondance pour les élections des délégués du personnel et membres du comité d’entreprise dans le cadre du protocole préélectoral. Il sera par ailleurs rappelé que ce dernier doit en outre prévoir les modalités de mise en œuvre du vote en s’attachant à garantir notamment le respect du secret de ce dernier.

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Discussions en cours :

  • Il y a quelque chose qui ne va pas dans vos propos.

    En l’absence d’accord préélectoral, l’employeur prendra garde à ne prévoir le vote par correspondance que pour des circonstances exeptionnelles. Néanmoins, il est tenu de prévoir le vote par correspondance selon les modalités prévues par sa convention collective qui peut généraliser le vote par correspondance. Le vote généralisé ne date pas d’hier dès lors où il est prévu dans un accord ou une convention collective.

    La cour de cassation ne fait que se pencher sur la validité d’un accord préélectoral. La cour de cassation ne change pas d’orientation, bien au contraire. Elle rappelle que :

    1) le recours au vote par correspondance pour les élections professionnelles n’est contraire à aucune règle d’ordre public et que, sauf disposition légale différente, les clauses du protocole préélectoral sont soumises aux conditions de validité définies par les articles L. 2314-3-1 et L. 2324-4-1 du Code du travail.

    2) Le tribunal a valablement débouté le syndicat CNT de sa demande d’annulation ;

    Les choses auraient été probablement différentes sans accord préélectoral (ou autre accord valable) et votre analyse ne fait pas cette différence.

    Cdt

    • Cher Monsieur,

      Je vous remercie pour votre contribution qui appelle de ma part plusieurs observations.

      Vous précisez que le vote généralisé ne date pas d’hier dès lors qu’il est prévu dans un accord ou une convention collective. Toutefois, de nombreuses conventions collectives ne prévoient aucune disposition sur ce point, de telle sorte que les modalités d’organisation du vote sont librement fixées par le protocole préélectoral dans la limite bien sûr du respect des principes généraux du droit électoral.

      La Cour de cassation, dans son arrêt en date du 13 février 2013, se penche, il est vrai, seulement sur la validité « formelle » du protocole pré-électoral, ce qui constitue justement une évolution de sa position.

      En effet, auparavant, la Cour de cassation considérait, sur le fondement des principes généraux du droit électoral, que le vote par correspondance ne pouvait être utilisé que dans des circonstances exceptionnelles.

      Elle admettait donc le vote par correspondance, même généralisé, mais uniquement si l’existence de circonstances exceptionnelles était démontrée.

      Désormais, un protocole préélectoral peut prévoir le vote généralisé par correspondance sans qu’il soit nécessaire de justifier de circonstances exceptionnelles.

      Tel est, selon moi, l’aspect novateur de l’arrêt du 13 février 2013 et le sens de mon propos.

      Bien cordialement,

    • Je lis avec intérêt votre position mais je ne peux qu’insister.

      Il y a lieu de différencier le protocole préélectoral (pouvant être unilatéral) de l’accord préélectoral contenant un protocole préélectoral négocié entre l’employeur et les organisations syndicales intéressées (précédé de l’identification des personnes mandatées pour négocier le protocole et validé par les signatures des participants). La cour de cassation ne fait que constater la validité de l’accord. Quant à la généralisation du vote par correspondance, cette disposition est ancienne dès lors ou elle est prévue par un accord. Un syndicat ayant contesté ce point, la cour de cassation n’a fait que confirmer cet entendement qui n’apporte aucun élément nouveau. Il ne faudrait pas que l’employeur s’y trompe et que les négociations deviennent ingérables. Il faut un seul regard sur cette question.

      Cordialement

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