I. Point rapide sur la notion de prescription
En matière pénale, la prescription est un mode général d’extinction du droit de poursuivre et du droit d’exécuter une peine.
On parle de la prescription de l’action publique d’une part et de la prescription de la peine d’autre part.
Tant la prescription de l’action publique que la prescription de la peine viennent sanctionner l’ignorance de la commission d’une infraction, l’inactivité ou la négligence de la partie poursuivante.
Les dispositions allongeant la durée des prescriptions tant de la peine que de l’action publique sont d’application immédiate, mais ne remettent pas en cause une prescription déjà acquise.
La prescription de la peine fixe le délai à l’expiration duquel sa mise à exécution devient impossible. La condamnation pénale demeure, son inscription au casier judiciaire n’est pas effacée, mais la peine ne peut plus être exécutée.
La prescription de la peine fait l’objet des articles 133-2 à 133-4-1 du Code pénal.
Les modifications apportées par le législateur ne concernent toutefois que les peines délictuelles, dont le délai de prescription est porté de 5 à 6 ans. Le régime de prescription de la peine en matière criminelle reste fixé à 20 ans et celui des contraventions à 3 ans.
Le point de départ de la prescription demeure la date à laquelle la condamnation et devenue définitive.
Les délais dérogatoires en matière criminelle et correctionnelle ne sont pas non plus modifiés.
La prescription de l’action publique correspond quant à elle à l’extinction du droit de poursuivre après l’écoulement d’un certain délai : les faits commis ne peuvent plus donner lieu à condamnation, ni justifier l’exercice d’une action civile devant le juge pénal.
Jusqu’à présent, la prescription en matière pénale relevait tant des textes légaux que de l’évolution jurisprudentielle.
Le régime légal fixait le point de départ du délai de prescription au jour de la commission de l’infraction, sous réserve de quelques exceptions.
Le régime jurisprudentiel, applicable aux infractions dites occultes ou dissimulées, reportait le point de départ du délai de prescription au jour où l’infraction apparaissait et pouvait être constatée dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique.
Dans les faits, une telle définition pouvait entraîner une quasi imprescriptibilité.
II. Réforme des règles de la prescription de l’action publique
Délais de prescription de l’action publique
La loi du 27 février 2017 modifie profondément les règles de la prescription de l’action publique : le texte double le délai de prescription de droit commun en matière délictuelle et criminelle, qui passe à 6 ans pour les délits et à 20 ans pour les crimes. En revanche, le délai de prescription en matière contraventionnelle demeure fixé à 1 an.
Les délais dérogatoires de prescription ne sont pas modifiés. Il en va notamment ainsi pour le délai de 30 ans en matière criminelle (crimes contre l’espèce humaine, crimes terroristes, trafic de stupéfiants...) et pour le délai de 20 ans en matière correctionnelle (délits terroristes, trafic de stupéfiants…). Les règles spécifiques aux infractions commises sur des mineurs demeurent également inchangées.
Néanmoins, 2 régimes dérogatoires sont supprimés : celui relatif aux infractions commises sur des personnes vulnérables, et celui relatif au discrédit jeté sur une décision de justice. Ces infractions seront désormais soumises au délai de prescription de droit commun.
De même, les crimes contre l’humanité restent les seuls crimes imprescriptibles.
S’agissant des crimes de guerre, leur régime de prescription n’a pas été aligné sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité. Ils deviennent en revanche imprescriptibles lorsqu’ils sont justement connexes aux crimes contre l’humanité.
Point de départ des délais de prescription de l’action publique et cas particulier des infractions occultes
La loi réaffirme par ailleurs le principe selon lequel le point de départ du délai de prescription est le jour de la commission de l’infraction.
L’action publique se prescrit en effet par un délai qui court « à compter du jour où l’infraction a été commise ».
Le texte prévoit cependant désormais des exceptions, notamment pour les infractions occultes, entérinant par là même la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de délinquance économique et financière.
Il créé un nouvel article 9-1 du Code de procédure pénale consacrant le report du point de départ du délai de prescription pour les infractions criminelles, correctionnelles et contraventionnelles dites occultes ou dissimulées, tout en définissant désormais ces infractions.
Ainsi, le texte prévoit que :
« Est occulte l’infraction qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime ni de l’autorité judiciaire.
Est dissimulée l’infraction dont l’auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte ».
Sont ainsi considérées comme occultes et/ou dissimulés : l’abus de confiance, l’abus de bien social, le trafic d’influence, la fraude fiscale, la prise illégale d’intérêts, etc.
Pour ces infractions, le délai de prescription de l’action publique court à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique.
Toutefois, afin d’éviter une imprescriptibilité de fait de ces infractions, la loi créé un délai butoir de 12 ans en matière délictuelle et de 30 ans en matière criminelle, énoncé de la manière suivante aux termes de l’article 9-1 alinéa 3 concernant les infractions occultes et dissimulées : « sans toutefois que le délai de prescription puisse excéder douze années révolues pour les délits et trente années révolues pour les crimes à compter du jour où l’infraction a été commise ».
Cependant, le point de départ de ce délai butoir est fixé au jour de la commission des faits et non à celui de leur découverte.
Il résulte de ces délais butoirs que si, pendant un délai de 12 ou 30 ans à compter de sa commission, un délit ou un crime occulte ou dissimulé n’a pas été découvert et n’a fait l’objet d’aucun acte interruptif de prescription, ces faits seront définitivement prescrits et ne pourront plus donner lieu à poursuite à compter de cette échéance.
Suspension des délais de prescription de l’action publique
La prescription de l’action publique peut être suspendue en cas d’obstacle de droit ou de fait.
Le législateur consacre ici encore la jurisprudence.
Aux termes du nouvel article 9-3 : « tout obstacle de droit prévu par la loi (ou) tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure » suspend la prescription.
Sont -entre autres- considérés comme des obstacles de droit : l’impossibilité pour une victime de saisir la juridiction compétente, la consultation d’une autorité administrative, l’exception préjudicielle, et comme des obstacles de fait par exemple, les catastrophes naturelles.
Interruption des délais de prescription de l’action publique
La prescription de l’action publique peut aussi être interrompue, ce qui a pour effet de faire courir à nouveau un délai de prescription d’une durée égale au délai initial.
Sont notamment interruptifs du délai de prescription les actes émanant de la partie civile ou du ministère public qui mettent en mouvement l’action publique, tout acte d’enquête d’un officier de police judiciaire, tout acte d’instruction etc.
Il doit être souligné qu’une plainte simple adressée par la victime à un service d’enquête ou au procureur n’interrompt pas la prescription.
La jurisprudence avait pourtant consacré en son temps le fait que la plainte déposée par la fille de la victime auprès d’un commissariat de police était interruptif de prescription, considérant que le procès-verbal établi par un officier ou un agent de police judiciaire agissant pour l’exécution de la mission qui lui est confiée par l’article 14 du Code de procédure pénale, contenant la dénonciation d’une infraction pénale, constituait un acte d’instruction, au sens du premier alinéa de l’article 7 dudit code, interruptif de prescription (Cour de cassation, crim. 5 mars 2013, n°12-82887).
Le Sénat s’est semble-t-il opposé à cette extension législative, qui avait été envisagée par l’Assemblée nationale.
En contrepartie, l’information donnée à la victime lors du dépôt de plainte a été renforcée : l’article 15-3 du Code de procédure pénale a été complété et précise que le récépissé de dépôt de plainte fera désormais mention des délais de prescription et du fait que la prescription peut être interrompue par le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile.
Il y a lieu de souligner néanmoins que cette information n’est pas prescrite à peine de nullité, l’absence d’information de la victime n’emportant aucune conséquence sur l’écoulement des délais de prescription.
Issue d’une proposition de loi, adoptée de façon consensuelle par l’Assemblée nationale et le Sénat, la loi du 27 février 2017 aura donc réussi à clarifier les règles, à maintenir une nécessaire répression et à conforter une indispensable sécurité juridique.
Elle évite en outre l’écueil de se voir reprocher de ne pas permettre de sanctionner les infractions occultes ou dissimulées, qui avait si souvent fait échouer de précédentes initiatives.
Les esprits chagrins estimeront que pour ces dernières infractions, le point de départ du délai butoir aurait dû être fixé au jour de la découverte des faits et non à celui de leur commission, dans la mesure où jusqu’à présent un tel délai n’existait pas.
On peut néanmoins estimer qu’un délai de 12 ans en matière délictuelle et de 30 ans en matière criminelle à compter de la commission des faits devrait permettre la découverte des infractions occultes ou dissimulées, dans une société dans laquelle la transparence est un impératif de plus en plus exigeant.
Ce d’autant que ces délais butoirs de 12 et 30 ans, même s’ils sont applicables à des délits ou crimes occultes ou dissimulés commis avant l’entrée en vigueur de la loi, ne peuvent commencer à courir qu’à compter de cette date, soit le 1er mars 2017.
La loi nouvelle ne remet ainsi pas en cause la validité des procédures valablement en cours au moment de son entrée en vigueur, ainsi que le stipule son article 4.
Discussions en cours :
Bonjour Maître mon conjoint à été condamné à des dommages et intérêts en décembre 2006 un huissier nous relance en mars 2018 il y a til prescription ?
Merci de l’intérêt que vous porterez à mon message.
Cordialement
Bonjour Maître,
J’ai appris que j’avais été condamné par défaut à Paris en 2012 à 2 ans de prison.
Je suis à l’étranger depuis 2008 et je souhaite savoir si cette condamnation est toujours en vigueur et si je ne suis pas inscrit sur un fichier de police, parce que je dois faire renouveler mon passeport français.
Je suis disposé à vous payer vos conseils ainsi que vos différentes actions.
Merci pour votre réponse par retour.
Cordialement
Guy BErnardot
Il ne peut y avoir de mise à exécution que lorsque la décision de justice a été portée à la connaissance du condamné et qu’elle n’est plus susceptible de recours. Cette formalité prend une importance particulière quand il s’agit pour le parquet de faire exécuter une décision rendue hors la présence du condamné. La signification, quel qu’en soit le mode (à parquet, à domicile, à mairie), effectuée par acte d’huissier, devient une formalité substantielle qui fait courir le délai de prescription de la peine. Ainsi, dans le cas précis d’un jugement de défaut signifié à parquet, la prescription de la peine commence à courir à l’expiration du délai d’appel de dix jours (Cass. crim. 11 février 1981, Bull. crim. no 59) et ce nonobstant la possibilité pour le condamné de former opposition (492, paragraphe 2, CPP). Il en résulte que tant qu’un arrêt ou un jugement de défaut n’a pas été régulièrement signifié au condamné, il constitue un simple acte de poursuite et d’instruction qui interrompt la prescription de l’action publique et la peine qu’il porte ne peut en aucun cas être mise à exécution. Ainsi, quand en matière délictuelle, trois ans se sont écoulés depuis le prononcé par défaut d’une condamnation non signifiée, cette condamnation doit être considérée comme nulle et l’action publique se trouve éteinte. Il appartient dès lors aux parquets de faire signifier sans délai les décisions pénales. Toutefois, l’omission d’une telle formalité, qui, loin d’aggraver le sort du condamné, aurait pour effet de le soumettre à un régime de prescription plus court, ne semble pas, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, constitutive d’une faute susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat.
Bonjour Maître,
Je vous remercie pour votre réponse et je souhaite préciser ma situation actuelle en Aout 2021.
Les faits datent de 2005 et la condamnation par défaut en 2012.
J’ai été recherché et trouvé en Espagne où j’étais résident et ramené contraint au Tribunal de Nanterre pour être présenté au Procureur.
J’ai fait opposition à ce procès qui doit avoir lieu le 1er octobre de cette année et je sui actuellement sous contrôle judiciaire.
Ma question est de savoir si je peux invoquer la prescription pour échapper à ce nouveau procès. 16 ans nous séparent des faits reprochés et il me semble que cette durée est largement suffisante pour que cette affaire soit prescrite.
Pouvez-vous répondre avec précision à ma demande.
Je vous en remercie par avance.
Cordialement
Guy Bernardot
Bonjour Maître,
Un proche a été condamné en 2016 à 8 ans de prison pour une affaire datant de 2013. Il n’a jamais été arrêté et vie à l’étranger.
Qu’en est il du délai de prescription ?
C’est une affaire de stupéfiant jugée en correctionnel.
Cordialement
Cette loi datant de 2017.
Est-il possible en 2021 de déclencher cette procédure pour des faits (occultes) de 2013 et 2014 ?
Je vous remercie pour votre implication.
Justice.
Bonjour, si un délit est commis avant cette loi du 27 février 2017 faisant passer la prescription d’un délit à 6 ans. Est ce que c’est le délais de 3 ans qui s’applique ?
Exemple : étant donné un délit commit en 2016, aujourd’hui en 2020, y a t il prescription et extinction de l’action publique ?