- Un plafond d’indemnisation de l’employeur d’environ 5.200 euros par employé
En cas de retard de vol, les compagnies aériennes doivent non seulement indemniser les passagers victimes du retard, mais également leurs employeurs ! C’est ce qui résulte de la décision du 17 février 2016 de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE, aff. C-429/14, 17 fév. 2016, Air Baltic Corporation).
Rappelons toutefois que la Convention de Montréal prévoit un plafond d’indemnisation, qui s’élève à 4.150 Droits de Tirage Spéciaux (« DTS », ou « SDR » en anglais) par passager. La valeur du DTS est déterminée quotidiennement et affichée sur le site Internet du FMI. Pour illustration, à l’heure où nous écrivons ces lignes, le plafond d’indemnisation prévu par la Convention de Montréal est d’environ 5.200 euros par passager.
Dans sa décision du 17 février 2016, la Cour adopte une vision large de ce plafond, s’agissant de l’employeur : l’indemnisation accordée à l’employeur pourra atteindre le cumul de toutes les indemnisations qui pourraient être accordées à tous les passagers concernés. A titre d’exemple, un employeur ayant 100 salariés victimes d’un retard de vol verra donc sa demande d’indemnisation plafonnée à environ 520.000 euros, ce qui lui laisse une marge appréciable de manœuvre, mais s’il n’a que deux employés victimes du même retard, son indemnisation sera limitée à 10.400 euros environ, alors que le préjudice subi pour l’entreprise pourrait bien être plus grand !
En outre, l’employeur devra prouver l’existence et le montant de son préjudice. Ce préjudice consistera, pour l’employeur, par exemple, dans les diverses sommes qu’il devra verser du fait du retard : salaire, cotisations URSSAF... ou encore dans les frais exposés par lui pour une nuit d’hôtel inutilisée par chacun de ses employés. Mais cela pourrait aussi concerner un gain manqué ou une perte de chance de réaliser un profit. On peut aussi envisager une atteinte à la réputation de la société, ou encore un préjudice moral…
- Les incertitudes persistantes suite à la décision du 17 février 2016
Certaines zones d’ombre subsistent, à la lecture de cette décision.
Tout d’abord, la décision ne précise par l’articulation des demandes individuelles des employés, d’une part, et celles de leur employeur, d’autre part. Lorsqu’ils en remplissent les conditions, les passagers préfèrent souvent fonder leur demande sur le Règlement (CE) No 261/2004 du Parlement européen et du Conseil. Or, la Convention de Montréal et le Règlement précité sont deux textes bien distincts, qui ne couvrent pas les mêmes situations. Le Règlement présente le gros avantage de prévoir une indemnisation forfaitaire des passagers et l’absence d’un plafond dans les cas où le préjudice subi dépasse le montant forfaitaire (voir cet article sur la question). Il est conseillé de bien vérifier l’applicabilité de chacun de ces textes à la situation donnée et leur articulation avant de se lancer dans une procédure, au risque sinon de déchanter par la suite.
Une réponse à cette question d’articulation des deux textes sera peut-être apportée à l’occasion de l’adoption de la réforme du Règlement qui se fait toujours attendre... Pour en connaitre l’avancement, il est possible de consulter la fiche de procédure disponible à travers l’observatoire législatif du Parlement européen.
Une autre question se pose : d’autres personnes tierces, non-passagers, pourront-elles se prévaloir de la Convention de Montréal ? A la lecture de la décision du 17 février 2016, il semble que la Cour de Justice de l’Union Européenne exige l’existence d’un lien entre la responsabilité du transporteur aérien et l’existence d’un contrat de transport. Dès lors, on peut penser que la nouvelle possibilité d’indemnisation consacrée par la Cour de Justice de l’Union Européenne sera cantonnée aux personnes qui ont « acheté » le billet d’avion, qu’il s’agisse de l’employeur ou de toute autre personne. Mais la question reste ouverte.
Quoi qu’il en soit, dans de nombreux cas l’addition risque d’être salée pour les compagnies aériennes !