En effet, on sait que la convention de Genève du 19 mai 1956, dite CMR, a vocation à s’appliquer à tout contrat de transport de marchandises par route (...), lorsque le lieu de la prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour la livraison, tels qu’ils sont indiqués au contrat, sont situés dans deux pays différents dont l’un au moins est un pays contractant.
Mais quand, en l’occurrence, le procès se déroule en France, certains textes de droit interne peuvent trouver à s’appliquer.
La difficulté provient donc du fait que, dans un même procès, le Juge français devra recourir à la fois à la CMR et d’autre part au code de commerce.
Tel est le cas pour un transport international par route de marchandises convoyées entre l’Italie et la France.
Une société italienne avait confié un transport à destination de sa filiale française à une société italienne, laquelle a sous-traité à un transporteur français.
Ce dernier, n’ayant pas été payé par le transporteur italien, a agi directement contre le destinataire français.
Il semble ressortir de la décision relatée que ce transporteur s’est fondé sur l’article L. 132-8 du code de commerce selon lequel :
« La lettre de voiture forme un contrat entre l’expéditeur, le voiturier et le destinataire ou entre l’expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier. Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations à l’encontre de l’expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix du transport ».
Au plan chronologique, entre le 7 juin et le 15 juillet 2005, l’expéditeur italien a confié l’acheminement des marchandises au transporteur italien qui a sous-traité.
Les livraisons se sont échelonnées entre le 8 juin et le 20 juillet 2005.
Le sous-traitant impayé a obtenu une ordonnance d’injonction de payer contre le transporteur italien qu’il a fait signifier le 7 août 2006.
« Trop tard ! » dit la cour d’appel.
En vertu de l’article L133-6 DU CODE DE COMMERCE, l’action a été prescrite dans le délai d’un an à compter de la livraison de la marchandise, donc au plus tard le 21 juillet 2006.
« Faux ! » répond la Cour de cassation, dans un arrêt du 6 décembre 2011 rendue en sa chambre commerciale.
« Vu l’article 32 de la Convention de Genève du 19 mai 1956, relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR, et l’article L. 132-8 du code de commerce ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que la prescription des actions auxquelles peuvent donner lieu les transports soumis à la Convention est régie par les dispositions de celle-ci ; qu’il s’ensuit que l’action en garantie du paiement du prix du transport, prévue par le second de ces textes, se prescrit conformément aux dispositions du premier ».
En vérité, ce n’est pas parce que, dans un transport international, il est permis de faire application de l’action directe en paiement telle que prévue par l’article L132-8 DU CODE DE COMMERCE, que l’on a le droit également, par extension, de faire jouer l’article L133-6.
Bien au contraire, ce sont les dispositions de la CMR qui restent en vigueur et, en l’espèce l’article 32 de la convention.
La Cour de Cassation qui ne rejuge pas une affaire, mais qui doit dire si le droit a bien été respecté, ne précise pas ici, puisqu’elle n’a pas à le faire, si l’action du sous-traitant était bien recevable parce que non prescrite.
Elle rappelle seulement que, pour trancher le problème, le Juge doit se pencher sur l’article 32 de la CMR et non pas l’article L133-6 du code de commerce.
Or, devant la nouvelle cour d’appel qui sera désignée, notre transporteur français devrait avoir toutes ses chances si l’on se réfère audit article 32.
En effet, s’il est vrai que la prescription annale s’applique également dans la CMR (hormis les cas particuliers de prescriptions de 3 ans), dans les situations qui ne relèvent ni de la perte de marchandise, ni de l’avarie, ni du retard de livraison, le délai d’un an ne commence à courir qu’« à partir de l’expiration d’un délai de trois mois à dater de la conclusion du contrat de transport ».
Dans notre affaire, pour un contrat de transport conclu entre juin et juillet 2005, on pourra éventuellement considérer que le sous-traitant aura bénéficié d’un délai expirant en entre juin et juillet 2006, plus 3 mois.
Par conséquent, l’acte judiciaire du sous-traitant, intervenu en août 2006, pourra le cas échéant avoir valeur d’évènement ayant valablement interrompu la prescription.