« Vapoter » sur le lieu de travail.

Par Gautier Kertudo, Avocat.

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Explorer : # cigarette électronique # lieu de travail # réglementation # santé des salariés

Je vapote, tu vapotes… Cette expression est devenue depuis quelques mois le slogan d’une nouvelle communauté : les e-fumeurs.

La cigarette électronique s’impose désormais comme un palliatif à la consommation de tabac. Ce nouveau « gadget » suscite toutefois des interrogations. La question de son utilisation en collectivité et notamment sur le lieu de travail se pose.

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L’Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) considère qu’en raison des impuretés, des composants volatiles et des particules libérés dans l’atmosphère, la cigarette électronique est susceptible d’être préjudiciable à la santé des salariés.

L’INRS estime qu’eu égard à son obligation de sécurité de résultat, l’employeur se doit de protéger les salariés d’une éventuelle exposition passive à la cigarette électronique, notamment en prévoyant dans le règlement intérieur l’interdiction de sa consommation sur le lieu de travail [1].

Le 31 mars 2013, la Ministre de la santé Marisol Touraine a estimé qu’il fallait lui appliquer “les mêmes règles que pour le tabac”. D’ores et déjà, le gouvernement a annoncé vouloir solliciter l’avis du Conseil d’État.

Les mêmes règles que pour le tabac ?

Suite aux déclarations de Madame la Ministre de la Santé, il faudrait donc appliquer à l’usage de la cigarette électronique les règles propres au tabac sur le lieu de travail ?

L’usage de la cigarette électronique serait donc interdit aussi bien dans les bureaux individuels qu’au sein des open space.

Par delà les déclarations de la Ministre de la Santé des précisions normatives pourraient utilement être apportées en attendant la publication éventuelle d’une loi ou d’un décret spécifique, il peut être nécessaire de rappeler quelles sont les règles relatives à la consommation de tabac dans la sphère professionnelle.
Les règles en matière d’usage du tabac sur le lieu de travail ont été définies en France par un décret en date du 15 novembre 2006 qui a posé le principe de l’interdiction totale de fumer dans les lieux à usage collectif et notamment dans les lieux de travail [2] .

Le décret vise ainsi tous les lieux, à usage collectif, fermés et couverts, qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail.

La problématique du tabagisme passif est également prise en compte puisque l’interdiction de fumer s’applique dans les bureaux individuels comme dans les bureaux collectifs.

Obligations de l’employeur

Il peut prévoir, dans son règlement intérieur ou dans une note interne par exemple, les dispositions liées à l’interdiction de fumer dans les locaux.

Le Code de la Santé publique impose toutefois une signalisation apparente rappelant le principe de l’interdiction de fumer [3].

Il prévoit en outre l’aménagement d’emplacements réservés aux fumeurs. Toutefois, il s’agit d’une simple faculté qui relève de la seule et unique décision de la personne ou de l’organisme responsable des lieux . Les locaux fumeurs doivent être des salles closes, affectées à la consommation de tabac et dans lesquelles aucune prestation de service n’est délivrée.

Lorsqu’il existe un emplacement réservé aux fumeurs, les représentants du personnel et la médecine du travail doivent être consultés préalablement et régulièrement sur les actions de sensibilisation et de prévention mises en place. Le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) est un interlocuteur essentiel en matière de prévention lié au tabagisme.

Les sanctions en cas de non-respect

Le salarié qui ne respecterait pas les dispositions mises en place par son employeur en matière de lutte contre le tabagisme s’expose à des sanctions pouvant aller jusqu’à la faute grave [4] ; il risque d’être sanctionné par une contravention de troisième classe pouvant aller jusqu’à 450 euros.

L’employeur, pour sa part, risque une contravention de cinquième classe s’il ne garantit pas la santé de ses salariés et surtout s’il ne met pas en place la signalisation ou les normes relatives au local fumeur.

Pour les « vapoteurs », aucune sanction n’est pour le moment prévue par la loi. Pour autant, le salarié qui ne respecterait pas un règlement intérieur contenant une clause abordant la cigarette électronique pourrait très certainement être sanctionné par son employeur.

Là encore, il faudra attendre une modification législative ou réglementaire avant de voir les premières sanctions prononcées à l’égard des « vapoteurs ».

Un local pour les « vapoteurs » ?

Que ce soit pour préserver sa santé ou son porte-monnaie, les raisons liées à l’achat d’une cigarette électronique sont nombreuses. Son utilisation ne doit pas être totalement assimilée aux habitudes des fumeurs « classiques ». D’un point de vue juridique, le développement de ce nouvel « outil » rendra sans doute nécessaire la modification des règles propres au tabac.

D’ores et déjà, il peut être conseillé à l’employeur d’insérer une clause précisant les modalités d’utilisation de la cigarette électronique dans le règlement intérieur de l’entreprise.

Dans l’attente, les seules déclarations de Marisol Touraine sont insuffisantes.

Un employeur ne pourra sanctionner son salarié qui aurait vapoté au bureau sur le seul fondement des déclarations de la Ministre.

Le Code de la santé publique ne prévoit pas (encore) d’aménagement relatif à l’e-cigarette. Pour autant, doit-on prévoir, par exemple au sein d’une entreprise, un local fermé pour les fumeurs « classiques » et un autre à destination des utilisateurs de la cigarette électronique ? A priori oui, sans quoi le « vapoteur » se retrouverait lui-même potentiellement victime de tabagisme passif…

Dans l’attente d’un dispositif légal ou réglementaire adapté, l’utilisation de la cigarette électronique reste, à l’heure actuelle, encadrée par les règles propres à la cigarette « classique ». Employeurs et « vapoteurs » doivent rester vigilants par rapport aux évolutions législatives à venir.

Gautier Kertudo
Avocat, Cabinet Barthélémy Avocats

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Notes de l'article:

[1Question/réponse n°133 publié au mois de mars 2013

[2Décret n°2006-1386 du 15 novembre 2006 fixant les conditions d’application de l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif (JO du 16/11/2006, p.17249)

[3Article R.3511-6 du Code de la Santé publique

[4Cass. Soc. 1er juillet 2008, n°06-46421

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Discussion en cours :

  • par Carole.E , Le 1er juillet 2014 à 17:16

    Bonjour,

    J’ai lu ici que seul l’employer pouvait décider d’autoriser ou non la cigarette électronique au travail, en revanche, impossible d’en commercialiser ?

    Avez-vous plus d’informations, mon patron ma clairement refusé ce produit.

    Carole Elie

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