La procédure de licenciement et ses conséquences en droit du travail turc au sein des sociétés de moins de trente salariés.

Par Belgin Özdilmen, Avocat.

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Explorer : # licenciement # droit du travail # indemnités # procédure

La Turquie désireuse d’intégrer l’Union Européenne a réformé en profondeur son droit du travail en adoptant la Loi nº 4773 en date du 22 mai 2003 (ci-après « Code du Travail »). Cette loi connue comme étant une loi pro-salariée a adopté, entre autres, un certain nombre de mesures afin de protéger les salariés dans le cadre d’une procédure de licenciement.

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En effet, il n’est plus possible de licencier un salarié sans motif du jour au lendemain dans les sociétés employant plus de trente personnes. A contrario, les sociétés de moins de trente salariés ne sont pas concernées par ces mesures. Il est donc toujours possible pour ces dernières de licencier un salarié qui ne répond pas à ses attentes sans devoir faire face à une procédure longue et coûteuse et surtout sans devoir faire face au risque d’une action en justice de réinsertion intentée par le salarié.

I. La rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur dans les sociétés de moins de trente salariés

Contrairement à la France où la procédure de licenciement est strictement encadrée, il est toujours possible en Turquie de licencier avec une certaine souplesse dans les sociétés de moins de trente salariés (A). Suite au licenciement, des indemnités devront toutefois être versées au salarié dont le montant varie selon l’ancienneté de celui-ci au sein de la société (B).

A. La procédure à suivre par l’employeur

La procédure de licenciement est régie par les articles 19 et suivants du Code du Travail. L’employeur souhaitant se séparer de son salarié doit l’en avertir par écrit. Ce document doit préciser expressément et avec clarté qu’il s’agit d’un licenciement et doit être signifié au salarié contre signature. Cette signification peut ainsi être faite soit en main propre, soit via notaire soit par lettre recommandée avec accusé de réception. Si le salarié licencié refuse de signer la signification qui lui est faite, il est alors possible de dresser un procès-verbal faisant état de ce refus, ce procès-verbal devant être signé par deux autres salariés témoins.

Pour les contrats à durée indéterminée, une fois signifié, le licenciement peut soit être accompagné d’une période de préavis qui peut ou non être exécutée par le salarié, soit être immédiat en raison de l’existence d’un juste motif qui rend impossible l’exécution d’une période de préavis.

Ainsi, la durée de la période de préavis varie selon l’ancienneté du salarié au sein de la société comme suit :

➢ Pour les salariés ayant moins de six mois d’ancienneté, la période de préavis est de deux semaines ;
➢ Pour les salariés ayant une ancienneté comprise entre six mois et dix-huit mois, la période de préavis est de quatre semaines ;
➢ Pour les salariés ayant une ancienneté comprise entre dix-huit mois et trente six mois, la période de préavis est de six semaines ;
➢ Pour les salariés ayant plus de trois ans d’ancienneté, la période de préavis est de huit semaines.

Pendant la période de préavis, l’employeur doit accorder au moins deux heures par jour au salarié afin de lui permettre de trouver un nouvel emploi. Le salarié peut cumuler ces heures et les utiliser en une seule fois.

L’employeur qui souhaite se séparer immédiatement du salarié peut payer une indemnité de préavis équivalente au salaire qui aurait du lui être versé pendant la période de préavis. Ainsi, cette option permet par exemple à l’employeur d’éviter tout pillage d’information par le salarié.

Il est bien évidemment également possible pour le salarié de ne pas vouloir exécuter la période de préavis est donc de verser à cette fin à l’employeur une somme équivalente au salaire qu’il aurait du percevoir pendant la période de préavis.

Par ailleurs, les dispositions relatives à la période de préavis étant des dispositions d’ordre public, cela résultant du caractère protecteur du Code du travail en faveur des salariés, la durée de la période de préavis peut être augmentée soit à l’initiative de l’employeur soit par une convention collective. Toutefois, dans un tel contexte, si le salarié faisant l’objet d’un licenciement ne souhaite pas exécuter la période de préavis, il n’est pas possible de lui imposer la période de préavis prolongée.

L’employeur peut également mettre un terme immédiatement au contrat de travail pour juste motif. Les raisons de licenciement constituant un juste motif sont énumérées à l’article 25 du Code du Travail. Par exemple, le vol, les attouchements sexuels, le dévoilement des secrets professionnels constituent de justes motifs autorisant l’employeur à rompre immédiatement le contrat de travail sans devoir verser d’indemnité. L’employeur peut exercer ce droit dans un délai de six jours à compter de la connaissance du fait constituant un juste motif et dans tous les cas dans un délai de un an à compter de l’accomplissement du fait constituant un juste motif.

B. Les indemnités à verser au salarié licencié

Le salarié, partie à un contrat de travail à durée indéterminée dans une société de moins de trente salariés, faisant l’objet d’un licenciement a le droit à des indemnités de préavis et d’ancienneté.

Ainsi, les indemnités de préavis correspondent à celles qui ont été indiquées ci-dessus. S’agissant des indemnités d’ancienneté, le salarié doit avoir une ancienneté d’au moins un an au sein de la société afin d’y avoir droit. Le montant de cette indemnité est équivalent à trente jours de salaire pour chaque année travaillée et au prorata pour l’année incomplète.

Par ailleurs, si l’employeur souhaite mettre un terme à un contrat de travail à durée déterminée, il doit payer l’ensemble des salaires dus jusqu’au terme du contrat en l’absence de juste motif.

II. Conséquences de la rupture du contrat de travail dans les sociétés de moins de trente salariés

Avec la réforme de 2003, a été introduite la notion de « sécurité de l’emploi » en droit du travail turc. Ainsi, pour assurer cette sécurité de l’emploi, l’employeur est dans l’obligation de motiver le licenciement par un motif prévu par la loi. Toutefois, cela ne concernant que les sociétés de plus de trente salariés, il est impossible pour le salarié de demander sa réinsertion pour licenciement irrégulier à l’employeur employant moins de trente salariés (A). Il ne reste plus alors qu’une voie de recours à sa disposition, à savoir l’action en justice tendant à l’obtention de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail de mauvaise foi (B).

A. Impossibilité pour le salarié de demander sa réinsertion pour licenciement irrégulier

Dans le cadre d’une société de plus de trente salariés, le Code du Travail offre la possibilité au salarié licencié qui considère le licenciement comme étant irrégulier de demander sa réinsertion dans la société employant plus de trente salariés. Ainsi, il doit intenter une action en justice tendant à sa réinsertion devant le Tribunal de travail compétent dans un délai de un mois suivant la date de son licenciement. Il incombe alors à l’employeur de prouver que le licenciement est basé sur un des motifs prévus par la loi. Dans le cas contraire, le salarié peut soit être réinséré dans la société soit obtenir des indemnités équivalentes au minimum à quatre mois de salaire et au maximum à huit mois de salaire.

En plus du critère de trente salariés, il faut que le salarié souhaitant intenter cette action ait une ancienneté de plus de six mois au sein de cette société, qu’il n’ait pas le statut de représentant de l’employeur ou d’assistant de l’employeur dirigeant ainsi l’intégralité de la société ou ayant le pouvoir d’embaucher et de licencier.

Il découle de tout ce qui a été exposé ci-dessus que le salarié licencié par un employeur employant moins de trente salariés ne peut demander sa réinsertion pour licenciement irrégulier dans la mesure où le seuil fixé par la loi quant à la taille de la société n’est pas atteint. Il existe ainsi une inégalité entre les salariés d’une société de moins de trente salariés et ceux d’une société de plus de trente salariés qui sont mieux protégés par la loi.

Afin de réduire cette inégalité, il existe quand même une action en justice permettant l’obtention de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail de mauvaise foi.

B. Possibilité pour le salarié de demander des dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail de mauvaise foi

La possibilité d’intenter une action en justice tendant à l’obtention de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail de mauvaise foi est réservée uniquement aux salariés ne bénéficiant pas des mesures relatives à la sécurité de l’emploi. Ce sont les articles 17 du Code du Travail et 2 du Code civil qui régissent cette action en justice. En cas de succès, le salarié peut obtenir une indemnité équivalente à trois fois son indemnité de préavis.

Ainsi, sont considérées comme constituant une rupture du contrat de mauvaise foi celles qui sont motivées par exemple par l’appartenance syndicale du salarié, la plainte du salarié contre son employeur, l’action en justice du salarié à l’encontre de son employeur, le témoignage du salarié à l’encontre de son employeur, la grossesse de la salariée etc.

En revanche, la rupture du contrat de travail pour des besoins techniques et économiques, pour insuffisance des compétences du salarié ou pour des fautes légères commises par le salarié ne donnent pas droit au salarié aux indemnités de mauvaise foi.

La charge de la preuve incombe au salarié qui prétend que l’employeur a fait mauvais usage de son droit de rupture.

Enfin, il est toujours possible pour le salarié de requérir des dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral.

Belgin ÖZDILMEN

Avocat aux barreaux de Paris et Istanbul

GÜRHAN LAW FIRM

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