Appel du divorce : quel impact sur le devoir de secours ?

Par Flora Labrousse, Avocat.

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Explorer : # divorce # devoir de secours # appel # pension alimentaire

En vertu des dispositions de l’article 270 du Code civil, le devoir de secours prend fin lorsque le prononcé du divorce devient définitif. Généralement, la pension alimentaire due au titre du devoir de secours, laquelle est mesure provisoire dans l’attente du divorce, est supléée, le cas échéant, par la détermination d’une prestation compensatoire.

Or, la question se pose de savoir ce qu’il advient du devoir de secours en cas d’appel du jugement de divorce. La pension alimentaire due au titre du devoir de secours cesse-t-elle d’être due ? Ou, au contraire, perdure-t-elle jusqu’à ce que la Cour rende son arrêt ?

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A l’aune de la nouvelle procédure d’appel en matière civile, il existe des stratégies à mettre en œuvre pour tenter soit de conserver le devoir de secours si vous en êtes le créancier, soit d’y mettre fin si vous en êtes le débiteur.

Le cas de l’appel total du jugement de divorce.

Sous l’empire de l’ancienne procédure d’appel, cette question ne se posait que très rarement dans la mesure où, la plupart du temps, les époux faisaient « appel total » du jugement prononçant leur divorce, et ce quand bien même le fondement du divorce n’était remis en cause par aucun d’entre eux.

Dans une telle situation le prononcé du divorce n’avait pas acquis son caractère définitif au sens de l’article 270 du code civil, si bien que la pension alimentaire versée au titre du devoir de secours à l’un des époux restait donc indéniablement due jusqu’à ce que la Cour statue.

Le cas de l’appel limité aux seuls chefs de jugement critiqués.

Depuis le 1er septembre 2017, l’appel du jugement de divorce étant obligatoirement limité aux seuls chefs de jugement critiqués, cela peut avoir des conséquences non négligeables sur le maintien du devoir de secours.

En effet, il est fréquent que l’époux qui forme appel de la décision qui prononce le divorce ne critique pas le motif du divorce, mais se limite à n’en contester que les conséquences : par exemple le montant de la prestation compensatoire.

Dans une telle hypothèse, lorsque le motif du divorce n’est pas remis en cause, le divorce entre en force de chose jugée, nonobstant l’appel portant sur ses mesures accessoires. Dès lors, le devoir de secours s’éteint et le versement d’une pension alimentaire pourrait en conséquence ne plus devenir exigible.

Cette situation est bien entendu de nature à mettre en difficulté l’époux créancier, dont le montant de la prestation compensatoire allouée par le juge de première instance, est remis en cause.

En effet, en cas d’appel limité sur le seul chef du jugement portant sur la prestation compensatoire, l’époux qui n’est pas en mesure de subvenir à ses besoins pourrait se retrouver pendant toute la durée de la procédure, à savoir une ou deux années, sans percevoir ni pension alimentaire ni prestation compensatoire.

Non seulement l’époux créancier ne pourra obtenir rapidement la compensation de la baisse de son niveau de vie du fait du divorce car il devra attendre l’arrêt de la Cour d’appel sur ce point avant de recevoir son dû ; mais, en plus, il risque de se retrouver sans aucune aide financière puisqu’il ne pourra plus exiger qu’une pension alimentaire lui soit versée.

Dans ces conditions, quelles stratégies pour maintenir le devoir de secours ?

1. En première instance, il convient de demander que la prestation compensatoire soit assortie, en tout ou partie, de l’exécution provisoire au motif que l’absence d’exécution aurait des conséquences manifestement excessives pour le créancier en cas de recours sur la prestation compensatoire alors que le prononcé du divorce a acquis force de chose jugée [1]

2. En appel, il pourrait être nécessaire de discuter le motif du divorce : Même si une telle contestation pourrait, dans certains cas, s’avérer être manifestement irrecevable pour défaut d’intérêt, il n’en reste pas moins qu’une telle question ne saurait être tranchée par la Cour d’appel qu’au fond, ce qui aurait pour conséquence de ne pas donner un caractère définitif au divorce et de maintenir « artificiellement » le devoir de secours pendant toute la durée de la procédure d’appel.

Si, au contraire, vous êtes débiteur de la pension alimentaire au titre du devoir de secours, vous avez tout intérêt à ne pas critiquer le fondement du divorce.

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Notes de l'article:

[1Cass. Civ. 1ère, 19 mars 2014, n° 12-29.653.

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Discussions en cours :

  • par BOSSAVIE , Le 26 juin 2022 à 17:33

    Bonjour Maitre
    Es ce que la pension de secours peut être déduite de la prestation compensatoire si elle est verser déjà depuis quelques années ? Es ce que le juge en tiens compte svp ?
    Merci
    Cordialement

  • Dernière réponse : 15 avril 2022 à 23:51
    par carole bordier , Le 5 janvier 2021 à 10:00

    Cher Maître,
    Si je comprends bien votre article, sur un appel limité aux conséquences matérielles," le divorce n’étant discuté" ( noté dans l’arrêt) le divorce prend force de chose jugée à quelle date ? Comment faire valoir cela légalement lorsque la partie adverse s’obstine à dire que le divorce est définitif à l’arrêt d’appel après signification ?

    • par Hervé Labarthe , Le 21 mai 2021 à 00:09

      Dès lors que la nouvelle Loi sur l’appel ne permet plus que l’appel puisse porter sur le fondement du divorce , mais sur des éléments précis critiqués, par exemple le montant de la prestation compensatoire, j’adhère totalement au raisonnement de Me Flora. Le divorce devient force de chose jugée et le devoirs de secours s’éteint.
      Je suppose qu’il est nécessaire de faire inscrire très vite la mention sur les registres d’état civil.
      Je suis en ce moment même dans ce cas là.

      Donc je cesse de payer le devoir de secours. Que se passe t-il quand quelques mois plus tard l’intimée demande par huissier l’exécution forcée de ce devoir de secours ? Comment en effet s’en prémunir ?

    • par Carole bordier , Le 15 avril 2022 à 23:51

      Du coup, saisie des huissiers pour la pension de secours et à nouveau au tribunal pour en demander remboursement. Pouvez vous m’aider ? Merci

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