Le contrat de location de chevaux de courses, par Juan Carlos Heder, Avocat

Le contrat de location de chevaux de courses, par Juan Carlos Heder, Avocat

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Explorer : # contrat de location # chevaux de course # obligation de moyens # réglementation spécifique

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Dans le cadre d’un contrat de location d’un cheval pour l’exploitation d’une carrière de courses, nous avons affaire à un contrat de location atypique.

Définition et nature du contrat de location d’un cheval de course

Qu’est ce qu’une location de chevaux ? Ni le Code des Courses au trot dans son article 17, ni le Code des Courses au Galop dans son article 12, ne donne de définition du contrat de location d’un cheval de course.

Le contrat de location de carrière de courses d’un cheval est une convention en usage dans le monde hippique par lequel le locataire prend en charge l’entretien de l’animal, son entraînement, sa nourriture et sa participation à des épreuves de courses hippiques en échange d’un pourcentage de ses gains.

Il faut donc se référer au louage de choses par l’intermédiaire des articles 1709 et 1713 du Code Civil. Il s’agit d’un bail mobilier, en l’espèce la location d’un cheval de courses par l’une des parties (le propriétaire bailleur) qui moyennant un prix, dont le plafond est fixé par les Codes des Courses (maximum 30 % des allocations reçues par le cheval au galop et 50 % au trot) permet au locataire de jouir du cheval pendant un certain temps qui perçoit la partie restante des allocations.

La Cour d’Appel de Poitiers, 1ère Chambre Civile, dans son arrêt du 24 janvier 2007 (RG nº 02/02237) en donne une définition : “le propriétaire loue son cheval de course à un entraîneur qui exploite et dirige sa carrière de course de façon autonome. L’entraîneur ne s’engage qu’à user au mieux de ses connaissances afin de faire des chevaux qui lui sont confiés de bons chevaux de courses en leur assurant un confort et une sécurité maximale. Il s’agit là d’une simple obligation de moyens compte tenu du caractère aléatoire des résultats d’un entraînement comme d’une participation à une course.

Aléatoire le mot est lâché. En effet, que ce soit les sommes perçues par le bailleur en rémunération de la location comme des sommes qui reviennent à l’entraîneur locataire comme jouissance du cheval pendant un certain temps (art. 1713 Code Civil), elles dépendent par essence d’évènements incertains comme le succès dans une course de chevaux.

Donc, outre le fait que la location d’un cheval participe de la nature du louage de choses, ce contrat est aussi un contrat aléatoire répondant parfaitement à la définition qui en est donné par l’article 1964 du Code Civil : convention réciproque dont les effets dépendent d’un évènement incertain.

Conditions d’agrément d’une location au galop (plat et obstacles)

La location de carrière de courses d’un cheval au galop est régit par l’article 12 du Code des Courses au galop.

Pour chaque cheval, objet d’une location, il doit être établi un contrat de location qui doit être agréé par les Commissaires de France Galop.

Outre les quatre conditions essentielles pour la validité du contrat exigées par l’article 1108 du Code Civil (consentement, capacité de contracter, objet certain, cause licite), il en existe une cinquième : l’agrément du contrat de location par les Commissaires de France Galop sans quoi le contrat de location est nul et inopposable. L’article 12 est très clair sur ce point : “Tant que le contrat de location n’a pas été agréé, il est nul et inopposable.

Quid de l’agrément par les Commissaires de France Galop ? Chaque bailleur et chaque locataire doit être préalablement et individuellement agréé par les Commissaires de France Galop. Pour le bailleur c’est assez simple, aucune condition de ressources n’est demandée mais une enquête de moralité est diligentée par les services anciennement des RG. Pour l’entraîneur locataire, il faut qu’il soit agrée comme propriétaire mais ceci nous emmènerait trop loin dans nos propos.

De plus, pour que la location soit agrée et, donc valide et opposable, il faut respecter scrupuleusement l’article 12.X du Code des Courses au Galop et remplir une déclaration conformément au modèle prévu à cet effet :

Elle doit mentionner :

1) Le nom, la race, le sexe, la robe et les origines du cheval, objet de la location,

2) Les nom et adresse du ou des bailleurs et la part de chacun sur la propriété du cheval,

3) Les nom et adresse du ou des locataires,

4) Les conditions financières de la location qui doivent préciser notamment les montants dus par le ou les locataires pour la location du cheval et éventuellement les délais de paiement. Le montant de la location ne peut toutefois dépasser trente pour cent des allocations reçues par le cheval, (la prime au propriétaire étant incluse sauf clause contraire mentionnée dans le contrat).

S’il y a plusieurs locataires, la répartition entre chacun d’eux, en pourcentage, des montants versés pour la location.

S’il y a plusieurs bailleurs, la répartition entre chacun d’entre eux, en pourcentage, des sommes reçues du ou des locataires,

5) La durée du contrat.

6) L’autorisation ou non du ou des bailleurs et du ou des locataires que le cheval puisse être engagé :

a) dans une course à obstacles,

b) dans une course à réclamer, avec éventuellement la précision d’un taux de réclamation minimum.

Lorsque le contrat prévoit que le cheval peut participer à une course à réclamer, il doit préciser si l’un des contractants est autorisé à le réclamer pour son propre compte. En absence d’indication à ce sujet, le cheval ne peut pas être réclamé par l’un des contractants.

7) S’il y a lieu, les engagements du cheval qui ont été cédés au locataire par le propriétaire précédent. Si un engagement n’est pas enregistré en raison de l’absence de cette mention obligatoire, aucun recours ne peut être exercé.

8) La désignation du locataire dirigeant.

Le locataire dirigeant doit être agréé en qualité de propriétaire. C’est à lui qu’est attribué le pouvoir de faire courir le cheval sous ses couleurs, d’effectuer les déclarations relatives à sa participation aux courses et, à l’exceptiondes cas prévus au § XVI du présent article, d’être titulaire du compte au crédit et au débit duquel sont portées les sommes gagnées par le cheval et les sommes dues en vertu du présent Code et dont il reçoit seul communication.

Toutefois le contrat de location peut préciser que les pouvoirs du locataire dirigeant sont transmis à l’entraîneur pendant la durée du contrat (exceptés ceux concernant le retrait des sommes gagnées par le cheval) si aucun des contractants n’intervient directement dans l’exploitation de la carrière du cheval.

Le locataire (ou le locataire dirigeant) est l’unique interlocuteur auprès de France Galop. Il est réputé mandaté par le ou les bailleurs et par le ou les autres locataires pour être le responsable du fonctionnement de la location.
Il doit avant que le cheval coure et en tout état de cause dans les vingt jours qui suivent la date de signature du contrat, adresser à France Galop, l’original du contrat, après avoir préalablement adressé une copie, pour vérification, à chacun des contractants.

Conditions d’agrément d’une location au trot

L’article 17 du Code des Courses au trot prévoit lui aussi une declaration de location conformément au modèle établi à cet effet, declaration plus succincte qu’au galop :

Cette déclaration, faite par écrit et signée par chacun des intéressés,doit mentionner :

a) la durée pour laquelle la location est consentie,

b) la désignation du locataire dirigeant, ayant seul, parmi les locataires, pouvoir d’engager, de déclarer forfait, de toucher les sommes gagnées, les locataires restant solidairement responsables du paiement des entrées, forfaits et autres sommes dûs en vertu des dispositions du présent Code.

c) les conditions financières de la location, qui doivent préciser notamment le pourcentage revenant à chacun des locataires du cheval. La quotité du pourcentage revenant à l’ensemble des locataires ne peut toutefois pas être inférieure à 50 % des allocations obtenues par le cheval, sauf dérogation exceptionnelle laissée à l’appréciation des Commissaires de la S.E.C.F.”

La différence radicale avec le galop réside dans le fait que cette déclaration de location n’exige pas d’agrément et de plus que le non respect des formalités de cette déclaration n’entraîne pas la nullité du contrat mais une simple amende comprise entre 15 à 225 € pour chacun des intéressés et la disqualification du cheval en cas de participation à une course.

Durée et résiliation du contrat de location au galop

Toute location est irrévocable pendant une durée qui, sauf dérogation expresse des Commissaires de France Galop, ne peut être inférieure à six mois.

La durée de location peut être déterminée, avec échéance fixe irrévocable ou avec reconduction tacite ou, fixée pour la carrière de courses du cheval (et donc par essence indéterminée).

Pour les contrats à durée indéterminée (carrière de courses) le contrat peut être résilié à tout moment soit avec l’accord de tous les contractants, soit par l’un des contractants avec un préavis de 30 jours sauf clause particulière mentionnant dans le contrat les conditions de la résiliation. Ceci répond bien à l’exigence de bonne foi établie par l’article 1134-3 du Code Civil comme l’a rappelé la Cour d’Appel de Poitiers dans son arrêt du 24 janvier 2007 précité.

Pour les contrats à durée déterminée avec reconduction tacite, ce principe de résiliation unilatérale avec préavis de 30 jours est maintenu.

Il en est autrement des contrats à durée déterminée avec échéance fixe irrévocable puisque seul l’accord unanime de toutes les parties peut mettre fin avant terme à ce contrat de location.

La vente du cheval dans un prix à réclamer entraîne quant à elle la résiliation d’office de la location.

Durée et résiliation du contrat de location au trot

Le Code des Courses au trot laisse une totale autonomie contractuelle aux parties sur ce point puisque rien n’est précisé. Pour la résiliation en cas de contrat à durée indéterminée, il peut être résilié unilatéralement sous réserve d’abus (CA Rennes, chambre 1 Section B, 26 juin 2003, RG nº 02/05265)

Comme au galop, la vente du cheval dans un prix à réclamer entraîne la résiliation d’office de la location.

Responsabilité du locataire-entraîneur

La convention de carrière liant les parties dans un contrat de location comporte la remise temporaire du cheval à l’entraîneur et implique à la charge de ce dernier une obligation de restitution laquelle impose à celui-ci de veiller à la conservation de l’animal en y apportant tous les soins d’un professionnel dans le monde hippique ; l’entraîneur étant tenu à une obligation de moyen, c’est au propriétaire bailleur de rapporter la preuve de la faute de l’entraîneur (CA Paris, 7è Ch. Section B, 26 septembre 1991, RG nº 89/15244, 90/23083)

Ce qui vient à confirmer ce qu’avait déjà dit la Cour de Cassation dans son arrêt du 10 mai 1989 (Cass. Ch. Civ. 1, 10 mai 1989, Bull. Nº 87-15.916) : “en raison des risques inhérents au comportement d’un cheval de compétition le contrat ayant pour objet la location de la carrière de courses de cet animal ne comporte, quant à la sécurité de celui-ci, qu’une obligation de moyens

En conclusion, le contrat de location de chevaux de courses n’est pas un simple contrat de louage de choses mais un contrat avec une règlementation très spécifique qui convient d’avoir en mémoire avant, pendant et après la fin de celui-ci afin d’éviter toute surprise.

Par Juan Carlos Heder

Abogado au barreau de Valencia & au barreau du Gers

http://www.maitrejcheder.com

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