Monsieur le ministre,
Poursuivant l’entreprise de votre prédécesseur, Monsieur Arnaud Montebourg, vous vous apprêtez à associer votre nom à une grande loi pour l’activité et l’égalité des chances économiques, tendant principalement à relancer l’activité, et à rendre du pouvoir d’achat aux Français. Votre projet de loi-fleuve (107 articles) qui sera présenté mi-décembre en Conseil des Ministres s’annonce déjà comme un marqueur politique fort de la seconde moitié du quinquennat du Président François Hollande.
Les travaux préparatoires à l’élaboration de votre projet de loi, et notamment son Titre 1er relatif à la révision des conditions d’exercice des professions réglementées, ont eu le mérite d’ouvrir la réflexion, et de mettre sur la place publique un certain nombre de débats sur les réformes à entreprendre pour le devenir de la profession d’avocat : ainsi de la suppression annoncée de la territorialité de la postulation devant le Tribunal de Grande Instance (et du tarif correspondant), ou de la création d’un statut d’avocat salarié en entreprise. Ces travaux ont toutefois provoqué l’ire des institutions représentatives des barreaux français, et d’un certain nombre d’avocats, qui demeurent actuellement mobilisés sur le sujet.
Au-delà des appréhensions naturelles, du réflexe corporatiste et de la tendance toute française au conservatisme, l’occasion est unique de réfléchir ensemble aux réformes à engager, à la fois pour la profession, mais également du point de vue des citoyens, bénéficiaires des services des professionnels du droit. Dans ce contexte, alors que le moment semble être idéal pour esquisser toutes les pistes de réformes envisageables, il est possible de s’interroger sur le maintien du statut, et du monopole, de l’ « avocat aux Conseils », seul habilité à représenter les justiciables devant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation lorsque la représentation y est obligatoire. Il est étonnant de constater que cette piste de réflexion n’a jamais été abordée, et à peine évoquée, dans les travaux relatifs à l’élaboration de votre projet de loi.
Loin d’être anecdotique, ce monopole détenu par une minorité d’avocats (au 1er janvier 2013, la France comptait 105 avocats aux Conseils selon le ministère de la Justice) a pour effet d’augmenter considérablement le coût d’accès à la justice pour les justiciables (le simple accès à l’une des deux plus Hautes juridictions française occasionnant systématiquement des honoraires très conséquents). Bien souvent, le justiciable constate en effet que les honoraires de l’avocat aux Conseils s’ajoutent aux honoraires déjà réglés à son propre conseil pour le traitement en amont de son dossier.
Le monopole détenu par l’ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, régi par une ordonnance du 10 septembre 1817, apparaît aujourd’hui daté. Sans remettre en cause le travail effectué au quotidien par les avocats aux Conseils, il me semble pertinent de profiter de l’élaboration de votre projet de loi pour engager le débat sur l’ouverture de ce monopole à l’ensemble des avocats français, qui pourraient ainsi librement accéder au Conseil d’Etat et la Cour de cassation, dans une optique de meilleur service offert à leurs clients, et de concurrence saine. L’objectif serait double : mettre un terme à une situation monopolistique n’apparaissant plus justifiée de nos jours, dans un contexte de libéralisation toujours plus avancée des services, et diminuer le coût d’accès au droit et à la justice pour les justiciables.
Je ne doute aucunement de la capacité des avocats français, dont le professionnalisme n’est plus à démontrer, à exercer de la meilleure des manières une activité contentieuse devant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, au service de leurs clients.
Je suis enfin convaincu qu’une telle mesure saura emporter une large adhésion des barreaux français, dans un contexte difficile.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le ministre, l’expression de ma haute considération.
Discussions en cours :
Les réformes en cours pourraient ouvrir la porte à des tentations libérales nocives pour les libertés. Certes, l’organisation judiciaire doit évoluer. Ce vieux droit napoléonien nécessite un toilettage.
La réforme visant la fin d’un monopole pour l’accès aux instances judiciaires est indispensable. La valeur ajoutée des cabinets juridiques est discrètement évoquées par l’auteur de cet article, alors même qu’il est de notoriété publique qu’elle est fort discutable.
On constate que la déjudiciarisation des différends relevant habituellement des tribunaux civils peut permettre d’étendre l’exercice de la libre décision. Simultanément, les modes amiables institués peuvent permettre de limiter les recours intempestifs au système judiciaire.
Ces deux évolutions entament de part et d’autre le monopole de la "grande profession du droit" en mal de naissance.
Il reste que l’appauvrissement de l’appareil judiciaire n’est pas une solution. Il conviendrait de renforcer les pouvoirs des juges professionnels, ainsi que de diversifier leur formation.
En effet, quel que soit le domaine et les publics, adultes et enfants, l’éducation et la formation doivent être renforcées.
La fin des monopoles, certes, mais l’éducation et la formation doivent être des instrumentations renforcées, parce que les monopoles s’exercent grâce à l’ignorance des citoyens.
Pas d’éducation, pas de formation, la situation pourrait bien s’aggraver.
bigbang10
MERCI pour ce courrier, cela change de certains, je vous prendrai bien pour conseil.
Pour les litiges inférieurs à 4000 E, la seule voie de recours est la Cour de cassation et non une Cour d’appel. Il faut se faire représenter par un avocat aux Conseils, dont les honoraires à prévoir sont au moins équivalents... donc dissuasifs !
Pour le contentieux de la sécurité sociale, c’est pire : quand le TASS n’annule pas une petite contrainte de quelques centaines d’euros émise à tort par l’URSSAF ou le RSI, il faut aller en cassation. Jusqu’à une date récente, le demandeur était dispensé de ministère d’avocat en cassation pour les litiges l’opposant à l’URSSAF ou aux organismes de sécurité sociales. Ce n’est plus le cas. Engager des milliers d’euros de frais pour espérer gagner quelques centaines d’euros ? Totalement dissuasif et inacceptable !
D’autant plus que, l’URSSAF et les organismes de sécurité sociale continuent, EUX, à être dispensés d’une représentation par un avocat aux Conseils !!!
Que dit la CEDH sur cette violation manifeste de l’égalité des parties dans les contentieux de la sécurité sociale ?
Que dit la CEDH sur l’absence de fait de double degré de juridiction pour les petits litiges, vu les tarifs monopolistiques des avocats aux Conseils ?