I. La fessée : violence volontaire juridiquement autorisée ?
Il n’est pas question au sein de cet article du débat sur l’efficacité éducative ou non de la fessée, ni de sa moralité. Seul l’encadrement juridique à vocation à être abordé.
Pénalement, la fessée, comme la claque d’ailleurs, est un acte constituant des violences volontaires.
En effet, les violences volontaires ne sont pas définies par le Code pénal mais la jurisprudence retient les violences physiques (coups portés) comme les violences morales (exhibition d’une arme pour effrayer une personne, etc.).
De plus, les violences sont réprimées en fonction des blessures de la victime, les ITT (interruption totale de travail), et non en fonction de la dangerosité des coups ou de leur motif.
Sont ainsi réprimées les violences sans ITT, les violences ayant entrainé une ITT de 8 jours ou de moins de 8 jours et les violences ayant entrainé une ITT de plus de 8 jours.
En outre, des circonstances aggravantes peuvent être caractérisées en plus, augmentant les peines encourues.
Concernant les sanctions corporelles sur un enfant, il s’agit donc en droit pénal de violences volontaires aggravées, étant commises sur un descendant voire sur un mineur de quinze ans.
Une fessée ayant entrainé aucune ITT ou une ITT de moins de 8 jours peut donc être sanctionnée, en théorie, par une peine maximale de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (article 222-13 du Code pénal).
Ainsi, en droit pénal, la fessée et la claque sont interdites car punissables, et cela bien avant la réforme en date du 22 décembre 2016.
Cependant, au cas par cas, le juge pouvait estimer ces violences juridiquement justifiées.
En effet, le Code pénal prévoit des causes d’irresponsabilité dans certaines circonstances, la plus connue étant la légitime défense.
Aussi, les juges pouvaient estimer au visa de l’article 122-4 du Code pénal qu’une claque ou une fessée pouvait être autorisée au vu de la « permission de la coutume » qui instaurait juridiquement un « droit de correction ».
Cependant, cette cause d’irresponsabilité était étudiée au cas par cas et permettait de ne pas sanctionner une claque ou une fessée lorsqu’elle était ponctuelle et de faible intensité (a contrario voir notamment Cass Crim 21 février 1990, absence de numéro de pourvoi).
En conséquence, la justice pénale ne sanctionnait pas les fessées ou les claques dès lors qu’elles restaient exceptionnelles et d’une intensité mesurée.
La réforme du 22 décembre 2016 est venue modifier cette situation juridique en interdisant tout recours aux violences corporelles.
II. La nouvelle interdiction explicite de la fessée
L’amendement adopté par l’Assemblée nationale le 22 décembre 2016 ne vise pas expressément la fessée mais tout recours aux violences corporelles.
Ainsi, tel que nous l’avons évoqué, ce sont les claques et les fessées qui apparaissent aujourd’hui visées.
Il sera cependant relevé que cette réforme n’instaure pas une nouvelle infraction ou une nouvelle circonstance aggravante dans le Code pénal mais vient modifier la définition de l’autorité parentale dans le Code civil.
Or, le juge pénal n’est pas lié par le Code civil, de même qu’il ne s’estime pas lié par les normes administratives, et dispose d’une appréciation autonome.
Cependant, ce texte viendra certainement limiter grandement la coutume juridique permettant de justifier juridiquement une claque ou une gifle.
En conséquence, ce nouveau texte allant dans le sens de la protection de l’enfant viendra très certainement influencer le juge pénal dans son appréciation de l’absence de justification d’un coup porté à un enfant, dans une volonté éducative ou non.
La réforme de l’autorité parentale, en venant prohiber toutes les violences corporelles, semble donc avoir en effet prohibé la claque ou la fessée en mettant un terme à la coutume juridique du droit de correction.
Il est cependant probable que les sanctions ne seront que symboliques (ex : rappel à la loi) pour les atteintes les moins graves d’un parent sur son enfant.
Discussions en cours :
Dans sa décision du 26 janvier 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel l’article 222 du projet de loi du 22 décembre 2016, dit « Égalité et citoyenneté », interdisant « tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles ».
Le Conseil constitutionnel a fait valoir que cette disposition n’avait aucun rapport avec le projet de loi initial et qu’il s’agissait donc d’un cavalier législatif nécessairement contraire à la Constitution.
Décision n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017, paragraphe 154.
Le droit actuel reste donc inchangé, l’interdiction des sanctions corporelles ne fera pas sont apparition pour l’instant dans le Code civil.
Cependant, l’interprétation au cas par cas des juges de la coutume relative au droit de correction peut être influencée par l’évolution des mœurs allant vers une limitation des sanctions corporelles sur un enfant, même en l’absence d’un texte nouveau.
Affaire à suivre donc.
Thibaud CLAUS
Avocat au Barreau de Lyon
www.claus-avocat-lyon.com
Merci pour cet éclairage juridique très claire et concis.