Intermittent du spectacle (audiovisuel) : requalification des CDDU en CDI et licenciement sans cause d’un Directeur de production.

Par Frédéric Chhum, Avocat et Annaelle Zerbib, Juriste.

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Explorer : # requalification de contrat # licenciement abusif # rappel de salaire # harcèlement moral

Dans un arrêt du 12 janvier 2022 (n°18/03715), la Cour d’appel de Paris requalifie les CDDU en CDI d’un directeur de production employé sous CDDU pendant 6 ans au motif que le salarié, intermittent du spectacle « a effectivement exécuté des prestations de travail régulières pour le compte et sous la subordination de la société Vera Cruz Films sans que les parties n’aient formalisé de contrat de travail à durée déterminée pour l’ensemble des périodes litigieuses (…), les contrats signés par les parties ne faisant par ailleurs pas clairement et expressément mention d’un motif précis de recours au contrat de travail à durée déterminée d’usage dans le domaine de l’audiovisuel ou de la production cinématographique ».

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En outre, la Cour d’appel considère que la société ne justifie pas du caractère par nature temporaire de l’emploi de Directeur de production, la Cour d’appel de Paris relève que le salarié, intermittent du spectacle

« a exercé des fonctions de même nature dans le cadre de multiples CDD conclus sur la période comprise entre le 5 janvier 2009 et le 4 février 2015, la succession de ces différents contrats ainsi que leur durée globale malgré la présence de périodes interstitielles permettant de déterminer que ceux-ci ont eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de la société ».

Enfin, le directeur de production obtient un rappel de salaire pour 284 jours travaillés et non payés « car il s’est effectivement tenu à la disposition de son employeur à certaines dates pour y effectuer des prestations de travail ».

Faits et procédure.

Suivant contrats à durée déterminée conclus à compter du 5 janvier 2009, M. H a été engagé en qualité de Directeur de production par la société Vera Cruz Films, celle-ci employant habituellement moins de 11 salariés et appliquant la convention collective nationale de la production audiovisuelle du 13 décembre 2006.

Sollicitant la reconnaissance de l’existence d’une situation de coemploi par les sociétés Vera Cruz Films et Bambuck Et Associés ainsi que la requalification des différents contrats de travail à durée déterminée conclus en contrat de travail à durée indéterminée et s’estimant par ailleurs insuffisamment rempli de ses droits, M. H a saisi la juridiction prud’homale le 26 juillet 2016 de demandes formées tant à l’encontre de la sociétéVera Cruz Films que de la société Bambuck Et Associés.

Par jugement du 6 décembre 2017, le Conseil de prud’hommes de Paris a débouté M. H de l’ensemble de ses demandes, débouté les sociétés Vera Cruz Films et Bambuck Et Associés de leurs demandes reconventionnelles et condamné M. H aux dépens.

Par déclaration du 28 février 2018, M. H a interjeté appel du jugement.

Par jugement du 3 mars 2020, le Tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société Vera Cruz Films et a désigné la société FIDES en la personne de Maître D en qualité de liquidateur.

Par jugement du 3 mars 2020, le Tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société Bambuck Et Associés et a désigné la société FIDES en la personne de Maître D en qualité de liquidateur.

Par arrêt du 12 janvier 2022, la Cour d’appel de Paris :
- Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté M. H de sa demande de rappel de salaire, de ses demandes relatives à la requalification des contrats de travail à durée déterminée en durée indéterminée, de ses demandes d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de sa demande relative au harcèlement moral et en ce qu’il a condamné M. H aux dépens ;
- Statuant à nouveaux des chefs infirmés et y ajoutant ;
- Requalifie les contrats de travail à durée déterminée conclus par M. H et la société Vera Cruz Films à compter du 5 janvier 2009 en contrat de travail à durée indéterminée ;
- Fixe la créance de M. H au passif de la liquidation judiciaire de la société Vera Cruz Films aux sommes suivantes :
- 38.388,28 euros de rappel de salaire pour la période comprise entre le 26 juillet 2011 et le 4 février 2015 outre 3.838,82 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 3.000 euros à titre d’indemnité de requalification ;
- 5.860,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 586,03 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 3.565 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
- Rappelle que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Vera Cruz Films de la convocation devant le bureau de jugement du Conseil de prud’hommes pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires ;
- Rappelle que les intérêts au taux légal cessent de produire effet à compter du jugement d’ouverture de la procédure collective ;
- Dit que les créances de M. H sont garanties par l’association Unedic Délégation AGS CGEA d’Ile-de-France Ouest, à qui le présent arrêt est déclaré opposable, dans la limite des plafonds applicables, conformément aux articles L3253-6 et suivants du Code du travail ;
- Ordonne la remise à M. H d’un bulletin de paie récapitulatif, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision ;
- Rejette la demande d’astreinte ;
- Déboute M. H du surplus de ses demandes ;
- Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- Dit que les dépens de première instance et d’appel seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire de la société Vera Cruz Films.

Au total, le directeur de production, intermittent du spectacle obtient la somme de 73.238,45 euros.

1) Sur le coemploi : les éléments allégués concernant l’identité d’actionnariat, l’existence de locaux communs ou la participation à certaines évènements et activités sont insuffisants à caractériser un co emploi , le directeur de production est débouté.

Dans son arrêt du 12 janvier 2022, la Cour d’appel de Paris, rappelle que l’appelant soutient que la société Bambuck Et Associés s’immisçait de manière permanente dans la gestion économique et sociale de la société Vera Cruz Films créant à son égard un véritable lien de subordination, la société Vera Cruz Films étant gérée et dirigée par la société Bambuck Et Associés, les deux sociétés partageant les mêmes locaux, la gestion sociale et financière de la société Vera Cruz Films étant assurée par la société Bambuck Et Associés, l’appelant soulignant qu’il recevait ses directives de la société Bambuck Et Associés.

L’intimée réplique qu’il n’est pas démontré qu’il existe une confusion des intérêts, des activités et des directions entre les deux sociétés dont les activités sont parfaitement définies et dissociées, la société Bambuck Et Associés n’ayant agi que comme une société mère vis-à-vis de sa filiale dont elle est l’actionnaire principal, la désignant comme maison de production pour répondre aux demandes de ses annonceurs.

Elle souligne que l’appelant ne justifie pas en quoi les relations des deux sociétés dépassaient les rapports mère/filiale et qu’il n’établit pas l’existence d’une ingérence de la société Bambuck Et Associés dans la société Vera Cruz Films, l’intéressé, salarié « intermittent » de Vera Cruz Films, ayant de surcroît toujours agi avec la plus grande autonomie que lui conférait son poste.

L’AGS fait valoir qu’il n’y a en l’espèce aucune situation de coemploi à constater et qu’il ne s’agit pas de coemployeurs mais d’un groupe de société, la société Bambuck Et Associés étant la mère et la société Vera Cruz Films, la filiale, les intérêts et les activités de ces deux sociétés étant distinctes et leurs rapports ne dépassant pas ceux d’une filiale et d’une société mère, aucune immixtion ne pouvant être constatée ni prouvée.

La Cour d’appel énonce que selon l’article L1221-1 du Code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun.
Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter.

En application de ces dispositions, il est rappelé que, hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.

Au vu des seules pièces versées aux débats par l’appelant, la Cour estime qu’elle ne peut que relever que la réunion des critères précités n’est pas établie en l’espèce, les éléments allégués par le salarié concernant l’identité d’actionnariat, l’existence de locaux communs ou sa participation à certains évènements et activités organisés par la société Bambuck Et Associés étant manifestement insuffisants et inopérants de ce chef alors qu’il est par ailleurs établi que ces deux sociétés ont des activités complémentaires mais distinctes, la société Bambuck Et Associés, agence de publicité relevant de la convention collective de la publicité, proposant la société Vera Cruz Films, relevant de la convention collective de la production audiovisuelle, comme maison de production pour répondre aux éventuelles demandes de ses annonceurs souhaitant faire réaliser des films publicitaires.

La simple intervention de la société Bambuck Et Associés, en sa qualité de société-mère, dans la gestion financière et sociale de sa filiale, la société Vera Cruz Films, par le biais d’une centralisation des services support ainsi que des conventions de trésorerie ou de refacturation de prestations de services n’apparaît pas excéder la nécessaire coordination des actions économiques entre deux sociétés appartenant à un même groupe ainsi que l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer et ne permet aucunement de caractériser une immixtion permanente de la société Bambuck Et Associés dans la gestion économique et sociale de la société Vera Cruz Films conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.

Par ailleurs, il est relevé par la Cour qu’au vu des seules pièces produites de ce chef par l’appelant consistant en quelques échanges de mail isolés que ce dernier ne justifie pas plus, s’agissant de la société Bambuck Et Associés, de l’existence d’une prestation de travail, d’une rémunération convenue par les parties ainsi que d’un lien de subordination résultant de l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui avait le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements.

Dès lors, la cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté l’appelant de ses différentes demandes relatives à l’existence d’un coemploi et en ce qu’il a ordonné la mise hors de cause de la société Bambuck Et Associés.

2) Sur la demande de rappel de salaire : le directeur de production obtient un rappel de salaire de 284 jours travaillés et non payés car « il s’est effectivement tenu à la disposition de son employeur à certaines dates pour y effectuer des prestations de travail ».

Les juges d’appel relèvent que l’appelant soutient qu’entre le 26 juillet 2011 et le 4 février 2015, il a travaillé 546 jours qui n’ont été ni déclarés, ni payés et qu’il n’a en outre bénéficié d’aucun contrat de travail écrit à ce titre.

Il précise qu’il conviendra de fixer le salaire journalier de référence à hauteur de 580 euros bruts de 2011 à 2014, soit un taux horaire de 72,50 euros bruts, puis de 600 euros bruts à compter de 2015, soit un taux horaire de 75 euros bruts.

L’AGS réplique que l’appelant demande le règlement d’heures de travail pour lesquelles il n’établit aucun décompte précis, ce dernier se limitant à rappeler les jours de travail qui n’auraient pas été payés en déclarant avoir travaillé du lundi au vendredi toute l’année, sans aucun jour de congés payés, alors qu’il était déclaré en temps partiel et qu’il ne travaillait pas exclusivement pour la société Vera Cruz Films, l’intéressé prétendant en outre ne pas avoir été payé et déclaré pour certaines périodes qui étaient pourtant couvertes par ses contrats de travail ou pour lesquelles il n’était même pas présent.

Elle précise qu’il conviendra en toute hypothèse de fixer le salaire moyen mensuel brut à hauteur de 2.930,16 euros correspondant au minimum conventionnel.

A titre liminaire, compte tenu de l’absence de coemploi et de la mise hors de cause précitée de la société Bambuck Et Associés, la Cour constate que ni le liquidateur de la société Vera Cruz Films, lequel n’a pas constitué avocat, ni l’AGS ne soulèvent la prescription partielle de l’action en paiement d’un rappel de salaire formée par l’appelant.

Dès lors, au vu des mails échangés par l’appelant dans le cadre de ses fonctions et de son activité professionnelle pour le compte de la société Vera Cruz Films, l’intéressé établissant qu’il s’est effectivement tenu à la disposition de son employeur à certaines dates pour y effectuer des prestations de travail, soit, sur la base des éléments justificatifs produits et déduction faite des périodes pour lesquelles l’intéressé n’était pas présent ou au titre desquelles les parties avaient conclus des contrats de travail à durée déterminée, 43 jours en 2011, 36 jours en 2012, 77 jours en 2013, 118 jours en 2014 et 10 jours en 2015, la Cour relève que le salarié est en droit d’obtenir un rappel de salaire à hauteur de 284 jours.

La Cour d’appel affirme que conformément aux dispositions de l’article L1242-15 du Code du travail citées par l’appelant dans ses conclusions, la rémunération perçue par le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée déterminée ne peut être inférieure au montant de la rémunération que percevrait dans la même entreprise, après période d’essai, un salarié bénéficiant d’un contrat de travail à durée indéterminée de qualification professionnelle équivalente et occupant les mêmes fonctions, soit, sur la base des dispositions salariales de la convention collective nationale de la production audiovisuelle, un salaire de référence mensuel de 2.930,16 euros applicable pour un salarié occupant les fonctions de directeur de production.

L’appelant est en toute hypothèse mal fondé à se référer à son salaire tel qu’il ressort de ses bulletins de paie en ce qu’il ne peut prétendre de ce chef cumuler les avantages du statut de travailleur intermittent, notamment la majoration de sa rémunération, avec ceux du statut de travailleur permanent de l’entreprise qu’il sollicite par ailleurs.

La Cour lui accorde, par infirmation du jugement, un rappel de salaire d’un montant total de 38.388,28 euros pour la période comprise entre le 26 juillet 2011 et le 4 février 2015 outre 3.838,82 euros au titre des congés payés y afférents.

3) Sur le travail dissimulé : le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi n’est pas prouvé par le directeur de production.

L’appelant souligne qu’il a travaillé 546 jours entre le 26 juillet 2011 et le 4 février 2015 qui n’ont été ni déclarés ni rémunérés et que l’élément intentionnel de la dissimulation de l’emploi est démontré par la connaissance des dirigeants de la société de cet état de fait.

L’AGS réplique qu’aucun élément ne démontre l’intention frauduleuse de la société Vera Cruz Films.

En application des dispositions des articles L8221-5 et L8223-1 du Code du travail, l’appelant ne justifiant pas, au vu des seuls éléments produits, du caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi alléguée, la Cour confirme le jugement en ce qu’il a rejeté cette demande.

4) Sur la requalification en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel.

4.1) La succession des différents CDD et leur durée globale permettent de déterminer qu’ils ont eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de la société.

L’appelant fait valoir que la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée doit être prononcée compte tenu de l’absence d’établissement de contrats écrits au titre de l’ensemble de la période litigieuse, de l’absence de définition précise de leur motif de recours, ceux-ci n’étant en outre pas conclus pour une tâche précise et correspondant de surcroît à un emploi relevant de l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Il indique par ailleurs qu’en l’absence totale d’écrit le contrat de travail est réputé à temps plein en application de l’article L3123-14 du Code du travail et qu’il était à la disposition permanente de son employeur.

L’AGS réplique que le poste de Directeur de production figure parmi la liste des fonctions autorisant le recours au contrat d’usage, que chaque contrat a bien été conclu dans le cadre d’une mission précise et déterminée, que la société était autorisée à conclure avec le même salarié plusieurs contrats successifs pour effectuer les prestations de production, compte tenu de son activité et que l’appelant ne démontre aucunement s’être tenu à la disposition de son employeur de manière permanente, l’intéressé, qui exerçait d’autres fonctions en parallèle de ses fonctions au sein de la société Vera Cruz Films, ne pouvant affirmer avoir été à la disposition permanente de celle-ci du seul fait de l’enchaînement de ses contrats à durée déterminée.

Selon les dispositions de l’article L1245-1 du Code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L1242-1 à L1242-4, L1242-6 à L1242-8, L1242-12 alinéa premier, L1243-11 alinéa premier, L1243-13, L1244-3 et L1244-4.

L’article L1245-2 prévoit que lorsque le Conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, cette disposition s’appliquant sans préjudice des dispositions relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

En application de l’article L1242-1 du Code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

En l’espèce, outre le fait que l’appelant a effectivement exécuté des prestations de travail régulières pour le compte et sous la subordination de la société Vera Cruz Films sans que les parties n’aient formalisé de contrat de travail à durée déterminée pour l’ensemble des périodes litigieuses ainsi que cela résulte des développements précédents, les contrats signés par les parties ne faisant par ailleurs pas clairement et expressément mention d’un motif précis de recours au contrat de travail à durée déterminée, et ce s’agissant notamment de la possibilité de recourir à un contrat de travail à durée déterminée d’usage dans le domaine de l’audiovisuel ou de la production cinématographique, il apparaît également que l’intimée ne justifie pas du caractère par nature temporaire de l’emploi de Directeur de production, la Cour ne pouvant ainsi que relever que l’appelant a exercé des fonctions de même nature dans le cadre de multiples contrats de travail à durée déterminée conclus sur la période comprise entre le 5 janvier 2009 et le 4 février 2015, la succession de ces différents contrats ainsi que leur durée globale malgré la présence de périodes interstitielles permettant de déterminer que ceux-ci ont eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de la société Vera Cruz Films.

Par conséquent, il convient selon la Cour, par infirmation du jugement, de requalifier les contrats de travail à durée déterminée litigieux conclus à compter du 5 janvier 2009 en contrat de travail à durée indéterminée.

Voir aussi

CDDU : requalification en CDI et licenciement sans cause d’un intermittent, coordinateur d’antenne de TF1.
Intermittents : requalification en CDI et licenciement sans cause de 2 électriciens employés sous CDDU.
Intermittents : requalification des CDDU en CDI et licenciement sans cause d’un animateur radio.

4.2) Le salarié ne démontre pas qu’il se tenait effectivement et constamment à la disposition de l’employeur pour effectuer un travail pendant les périodes interstitielles.

Il est établi que la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail, la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne portant réciproquement que sur la durée du travail et laissant inchangées les stipulations contractuelles relatives au terme du contrat.

Par ailleurs, il convient de rappeler qu’en cas de requalification de contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, y compris en raison de l’absence d’écrit, il appartient au salarié qui sollicite un rappel de salaires sur la base d’un temps plein de rapporter la preuve qu’il se tenait effectivement et constamment à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstitielles pour effectuer un travail.

En outre, en application des dispositions de l’article L3123-14 du Code du travail dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, si la non-conformité du contrat de travail à temps partiel peut entraîner sa requalification en temps complet, ladite requalification constituant seulement une présomption simple de temps complet, l’employeur peut donc apporter la preuve de la réalité du travail à temps partiel en justifiant de la durée exacte de travail, mensuelle ou hebdomadaire, convenue ainsi que sa répartition et/ou que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

En l’espèce, au vu des pièces versées aux débats et notamment des contrats de travail à durée déterminée conclus au cours de la période litigieuse ainsi que des bulletins de paie y afférents, il apparaît que l’employeur rapporte la preuve, s’agissant des périodes couvertes par les contrats précités, de la durée exacte de travail convenue ainsi que du fait que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

S’agissant des périodes interstitielles non couvertes par les contrats signés par les parties et n’entrant pas dans le cadre du rappel de salaire déjà accordé ainsi que cela résulte des développements précédents, au vu des différentes pièces versées aux débats par l’appelant, la Cour ne pouvant que relever que ce dernier, qui s’abstient de produire ses déclarations fiscales de revenus afin d’établir de manière détaillée pour le compte de quels employeurs il a effectivement travaillé, ne fait pas état de circonstances particulières concernant le recours à ses services le mettant effectivement dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devrait travailler, il apparaît que l’intéressé ne démontre pas qu’il se tenait effectivement et constamment à la disposition de l’employeur pour effectuer un travail pendant les périodes interstitielles.

Dès lors, la Cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes formées sur la base d’une requalification en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.

Sur ce sujet, vous pouvez lire notre article Intermittents du spectacle : droit à rappel de salaire pendant les périodes interstitielles à la condition de prouver qu’il est resté à la disposition de l’employeur.

5) Sur la demande de paiement d’une indemnité de précarité : la requalification des CDD en CDI s’oppose à son octroi.

L’appelant indique être en droit de percevoir une indemnité de précarité au titre du rappel de salaire précité sur le fondement de l’article L1243-8 du Code du travail.

L’AGS réplique qu’aucune indemnité de précarité n’est due.

En application des dispositions de l’article L1243-8 du Code du travail, l’appelant ne peut prétendre à la perception d’une indemnité de précarité compte tenu de la requalification des contrats de travail à durée déterminée litigieux en contrat de travail à durée indéterminée, en raison notamment de l’absence de formalisation de contrats de travail à durée déterminée au titre des périodes ayant donné lieu au rappel de salaire précité, l’indemnité de précarité qui compense, pour le salarié, la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée, n’étant pas due dans une telle hypothèse.

Dès lors, la Cour confirme le jugement en ce qu’il a rejeté la demande du salarié formée de ce chef.

6) Sur l’indemnité de requalification.

Compte tenu de la requalification des contrats à durée déterminée litigieux en contrat à durée indéterminée, l’appelant est en droit d’obtenir le paiement de l’indemnité de requalification prévue par l’article L1245-2 du Code du travail, laquelle ne peut être inférieure à un mois de salaire.

Dès lors, sur la base de la dernière moyenne de salaire mensuel, soit la somme de 1.902,50 euros au regard des bulletins de paie versés aux débats, il convient d’accorder à l’appelant, par infirmation du jugement, une somme de 3.000 euros à titre d’indemnité de requalification eu égard notamment à son ancienneté dans ses fonctions.

7) Sur la rupture de la relation de travail.

7.1) L’employeur est responsable de la rupture qui s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’appelant fait valoir que la rupture de la relation de travail intervenue le 4 février 2015 en méconnaissance des règles d’ordre public sur le licenciement, aucune procédure n’ayant notamment été mise en œuvre par la société Vera Cruz Films pour le convoquer régulièrement à un entretien préalable et lui notifier une lettre exposant les motifs de son licenciement, doit s’analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’AGS réplique qu’il convient de considérer que la rupture de la relation contractuelle s’analyse en une démission, l’intéressé ayant, le 4 février 2015, date de fin de son contrat d’usage à durée déterminée, mis un terme aux relations contractuelles avec la société.

Il sera rappelé que l’employeur, qui, à l’expiration d’un contrat de travail à durée déterminée ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture qui s’analyse en un licenciement et qui ouvre droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture.

En l’espèce, l’AGS ne justifiant, au vu des seules pièces produites, ni de l’existence d’une démission claire et non équivoque de l’appelant ayant mis fin à la relation contractuelle ni de l’envoi d’une lettre de rupture régulièrement motivée, il convient d’appliquer à la rupture intervenue le 4 février 2015 les règles régissant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

7.2) Les conséquences financières de la rupture.

S’agissant des indemnités de rupture, en application des dispositions du Code du travail et de la convention collective nationale de la production audiovisuelle et sur la base de la rémunération de référence précitée de 2.930,16 euros, la Cour accorde à l’appelant, par infirmation du jugement, la durée du préavis étant de 2 mois uniquement, une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 5.860,32 euros outre 586,03 euros au titre des congés payés y afférents ainsi qu’une somme de 3.565 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement.

Conformément aux dispositions de l’article L1235-5 du Code du travail dans leur version applicable au litige, eu égard à l’ancienneté dans l’entreprise (6 ans) et à l’âge du salarié (54 ans) lors de la rupture du contrat de travail et compte tenu des éléments produits concernant sa situation personnelle et professionnelle postérieurement à ladite rupture, la Cour lui accorde, par infirmation du jugement, la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, étant rappelé qu’en application des dispositions des articles L1235-2 et L235-5 du Code du travail, dans leur version en vigueur à la date des faits litigieux, l’existence d’un préjudice résultant du non-respect de la procédure de licenciement et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, et la Cour ne pouvant que relever en l’espèce, au vu des seuls éléments produits par le salarié, que ce dernier ne justifie d’aucun préjudice distinct résultant du non-respect de la procédure de licenciement, il convient de rejeter sa demande de dommages-intérêts formée de ce chef, par confirmation du jugement.

8) Sur le harcèlement moral : les courriels versés aux débats font état de propos humiliants, dégradants et méprisants concernant la qualité du travail du salarié ainsi que d’une charge de travail excessive, le directeur de production obtient gain de cause partiellement.

L’appelant indique avoir été victime de propos dénigrants et humiliants remettant en cause la qualité de son travail et souligne avoir fait l’objet d’une charge de travail excessive, lesdits agissements ayant eu des répercussions sur son état de santé en raison d’un état d’épuisement physique dû à ses conditions de travail.

L’AGS conteste l’existence de faits de harcèlement moral en soulignant que l’appelant ne verse aux débats que 4 mails, lesquels n’attestent aucunement d’un harcèlement moral ni d’agissements le constituant.

Selon l’article L1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L1154-1 du même Code, dans sa version applicable au litige, dispose que lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L1152-1 à L1152-3 et L1153-1 à L1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, au vu des pièces versées aux débats par le salarié et notamment des différents mails échangés durant l’ensemble de la période litigieuse dans le cadre de l’activité de production de films publicitaires réalisée par la société Vera Cruz Films en sa qualité de maison de production/filiale de l’agence de publicité/société-mère Bambuck Et Associés, il apparaît, à l’examen du contenu, de la date et des horaires desdits courriels, que ceux-ci font état de l’existence de propos humiliants, dégradants et méprisants concernant la qualité du travail de l’appelant ainsi que d’une charge de travail excessive, lesdits agissements ayant eu pour effet de dégrader les conditions de travail et d’altérer la santé physique et mentale du salarié ainsi que cela résulte des certificats médicaux versés aux débats.

Dès lors, il apparaît que l’appelant établit des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

L’AGS, qui se limite en réplique à contester les affirmations du salarié et à critiquer les pièces produites par ce dernier, ne démontre aucunement que les agissements litigieux ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que les décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Par conséquent, l’existence de faits de harcèlement moral étant caractérisée en l’espèce et l’appelant justifiant d’un préjudice spécifique résultant des agissements de harcèlement moral dont il a fait l’objet durant plusieurs mois, la Cour lui accorde, par infirmation du jugement, une somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts de ce chef.

9) Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions légales et conventionnelles relatives au travail de nuit : le directeur de production est débouté.

L’appelant soutient que l’employeur n’a pas respecté les dispositions légales et conventionnelles relatives au travail de nuit et qu’il a été contraint, à de très nombreuses reprises, de travailler de nuit sans aucune contrepartie pécuniaire.

L’AGS conteste tout manquement en soulignant que l’intéressé ne répond pas aux exigences légales et ne peut prétendre à la qualification de travailleur de nuit.

En l’espèce, outre le fait que l’appelant ne démontre pas, au vu des seuls éléments produits, qu’il remplissait effectivement les conditions pour être considéré comme travailleur de nuit au sens des dispositions des articles L3122-29 et suivants du Code du travail, dans leur version applicable au litige, et de l’article VI.10 de la convention collective nationale de la production audiovisuelle, il apparaît par ailleurs que ce dernier ne justifie pas du principe et du quantum du préjudice allégué ni en toute hypothèse de son caractère distinct de ceux déjà réparés par l’attribution des sommes et indemnités précitées.

Dès lors, il convient de rejeter ladite demande par confirmation du jugement.

10) Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive : la société ne démontre pas la mauvaise foi ou l’intention de nuire du salarié.

L’intimée soutient que l’action en justice menée par l’appelant est parfaitement abusive et qu’il a saisi le Conseil des prud’hommes avec la plus parfaite mauvaise foi, la société Bambuck Et Associés ayant été mise dans la cause de façon tout à fait artificielle et en pure opportunité.

En application des dispositions des articles 1382 devenu 1240 du Code civil et 32-1 du Code de procédure civile, l’intimée ne démontrant pas la mauvaise foi ou l’intention de nuire de l’appelant dont les prétentions ont été partiellement accueillies par la Cour, ni d’ailleurs l’étendue de son préjudice, il convient, par confirmation du jugement, de la débouter de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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