Dans cette affaire, un commerçant contracte trois prêts professionnels auprès d’une banque puis, afin de rembourser ceux-ci, trois prêts consentis par une autre banque.
Peinant à rembourser ces crédits, il conclut un avenant avec cette dernière pour diminuer les échéances et allonger la durée des prêts. Finalement, il met en cause la responsabilité de la banque pour manquement de celle-ci à son devoir de mise en garde.
Une cour d’appel fait droit à la demande et condamne la seconde banque à payer à l’emprunteur, au titre de la perte de chance de ne pas contracter aux conditions proposées par celle-ci, une somme correspondant à la différence entre le passif enregistré par l’emprunteur auprès de la première banque lors du remboursement des prêts souscrits auprès d’elle et le montant total des prêts souscrits auprès de la seconde banque dans les termes de l’avenant.
Considérant que « la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance sur elle s’était réalisée », la Cour de cassation casse cette décision.
En effet, selon la Cour de cassation, en fixant le montant des dommages-intérêts dus à l’emprunteur à hauteur de l’aggravation de son passif résultant de la souscription des prêts professionnels auprès de la seconde banque, la cour d’appel avait indemnisé l’emprunteur à hauteur de l’avantage qu’aurait procuré la chance perdue si elle s’était réalisée.
Par cet arrêt, la Cour de cassation est venue confirmer une jurisprudence réduisant les moyens de défense de l’emprunteur défaillant s’agissant de la fixation du montant des dommages- intérêts dus à l’emprunteur en cas de manquement du banquier à son devoir de mise en garde.
Le contexte jurisprudentiel est connu.
La chambre commerciale de la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que le préjudice né du manquement de la banque à son devoir de mise en garde s’analyse en la perte d’une chance de ne pas contracter [1].
La perte d’une chance implique toujours l’existence d’un aléa, ce qui la distingue d’un gain manqué.
C’est pourquoi, la première chambre civile de la Cour de cassation [2] précisait déjà que la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut pas être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
Ainsi, l’emprunteur ne peut pas réclamer à la banque fautive une indemnisation égale à l’intégralité de son endettement résultant des prêts souscrits [3]
Bien qu’il revient aux juges du fond d’apprécier souverainement le montant du préjudice subi, la Cour de cassation s’assure néanmoins qu’ils n’ont pas indemnisé le gain manqué [4].