1- Les désillusionnés de la médiation et le médiateur.
"Oui, nous avons été en médiation, mais ça n’a pas marché, le médiateur a essayé mais elle a refusé - elle est partie et m’a frappée" ou : "oui, je connais la médiation, je trouve que c’est très bien, mais ce n’est pas possible avec lui, j’ai tout essayé, il ne changera pas".
Entendre ces propos n’est pas encourageant pour le médiateur. Alors bon, qu’est-ce qu’on va faire de ce couple parental qui s’étrille, qui a déjà fait plusieurs procédures pour leurs enfants, qui sont toujours en procédure. Aucune décision ne les satisfait tous les deux, il y en a toujours un qui n’est pas contente qui se considère moins bien traité que l’autre et qui saisit la justice pour faire reconnaître son droit de père ou de mère.
Ces procédures sont souvent dues au principe de la résidence alternée, considérée comme un vrai partage de la coparentalité. Si l’un des deux a un jour, un week-end prolongé de plus que l’autre sans contrepartie, c’est un scandale !
Le conflit commence : alors que les époux ont fait un divorce d’accord, que les pacsés se sont séparés sans difficultés, que les concubins se sont entendus sur tous les points financiers et enfants, mais que, à cause d’un changement de situation de l’un ou de l’autre, bouleversant l’équilibre de la résidence alternée convenue, le climat, l’atmosphère avec les parents vont s’obscurcir. L’équilibre est brisé.
Le conflit, dans l’analyse systémique de la médiation, est représenté par des mobiles - les mobiles de Alexander Calder - des éléments reliés entre eux par des fils métalliques qui tournent dans un sens de façon harmonieuse, mais il suffit d’un changement dans l’ensemble, rien ne va plus. Le mobile ne tourne plus, reste immobile, tous les éléments sont impliqués. La communication ne passe plus, plus le temps passe, plus s’installe un climat de tensions, de colère ou de silence.
2- Reprendre le processus de médiation depuis le début du conflit en intégrant l’apport des médiations passées.
Le médiateur doit donc faire avec ce paquet de nœuds, essayer de trouver un fil, qu’il aura à démêler, au cours des réunions de médiation, soit seul avec l’un, puis l’autre, puis avec eux.
L’écoute active du médiateur, qui peut prendre des notes - personnellement, je note certains mots prononcés -, qui sont importants par leur signification. Un mot peut révéler la vraie motivation psychologique de la personne qui l’emploie.
Pourquoi emploie-t-il ce mot qui peut être un détournement de son sens premier ?
Le médiateur va reprendre la parole en utilisant les mots qui viennent d’être dits et interroge : vous avez bien dit ceci ? Pouvez-vous préciser ?
Commencera alors une explication plus longue.
Le médiateur s’adresse alors à celui qui a écouté en silence - en principe.
Le travail du médiateur sera de les faire revenir au point de dérapage de leur relation avec l’apport des médiations passées et de leur situation actuelle. La médiation est un temps long, mais en intégrant "ici et maintenant" dans le processus (2).
La justice de l’amiable transforme le rôle du juge et des avocats dans la gestion du conflit. Le médiateur est en première ligne. Même si la tâche est délicate et fragile, cela vaut la peine d’essayer (3).
Le débat va s’amorcer dans ce jeu tripartite où le médiateur est au centre des échanges.
Les règles de la médiation sont d’obliger les participants à parler au médiateur et non à l’autre. Le médiateur reçoit leurs paroles et les transmet à l’autre, elle est le "miroir" de chacun alternativement en recevant et en faisant écho aux paroles reçues et transmises.
Ce jeu permet de garder le contrôle de la médiation.
Si les parties ne respectent pas ce processus et s’interpellent directement, tout va partir en vrille.
Le médiateur est le gardien de ce triangle. Et doit parfois interrompre la réunion pour qu’elle reprenne après un rappel à l’ordre.
Il faudra plusieurs réunions pour que la parole, vraie, débarrassée des critiques sur la personne et centrée sur le problème objectif - trouver de nouvelles mesures du droit de visite et d’hébergement de chaque parent - compatibles avec les principes d’une répartition juste du temps parental.
Le temps de la médiation est donc long et il est rarement obtenu en une seule médiation. Il en faut parfois deux ou trois, terminées sans accord, mais il y aura un accord à un certain moment.
Les procédures cesseront de s’enchaîner.
Elles se termineront lorsque les enfants auront atteint une maturité qui les sortira de l’emprise soit de la mère - le plus souvent - soit du père.
Le centre d’intérêt de l’enfant va se déplacer du cercle parental vers son cercle personnel, celui de son milieu scolaire, de ses camarades, avec d’autres dangers potentiels - harcèlement scolaire notamment.
D’autres préoccupations pour les parents.
Très souvent, l’accord de médiation se fait au bout de ce chemin : les parents sont lassés d’être en procédure, qui est un coût pour un résultat médiocre.
Tout ça pour ça !
Et puis, les choix des études, des parcours se font en accord avec les parents, souvent sollicités pour leur financement.
Il y a beaucoup mois de problèmes dans ce cas : les parents sont en général heureux du choix de leurs enfants. Ils les aideront même en cas de choix artistique.
A ce stade, les parents regardent dans le même sens.
L’accord de médiation peut donc se faire.
3- La justice de l’amiable, un autre traitement du conflit.
Ce qu’il faut retenir de ces constatations pour les parents : la médiation ne se fait pas entre deux taxis - pour reprendre des paroles d’un professeur - Il en faudra une, deux, trois ou plus. Ce sera une médiation comparable aux autres sur le plan formel, mais les parties auront trouvé l’esprit de médiation, selon Jacqueline Morineau, un esprit d’apaisement, de solution utile, de cohérence.
Et bien sûr avec les avocats, souvent formés eux-mêmes à la médiation, à la procédure participative, qui a transformé le rapport avec la procédure.
La justice de l’amiable, un juge qui n’a pas d’autres pouvoirs que de favoriser une conciliation. Cela vaut la peine d’essayer.