L’ordonnance de protection : un moyen efficace pour protéger la victime de violences conjugales.

Par Juliette Daudé, Avocat

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Explorer : # violences conjugales # ordonnance de protection # protection des victimes # juge aux affaires familiales

Le 23 mars 2012, la Cour d’appel de DOUAI a acquitté une femme qui avait tué son mari avec un couteau. Elle subissait les coups, les insultes, les humiliations, les viols de son conjoint depuis douze ans.

Le cas de cette femme n’est malheureusement pas isolé. Il est même, selon Luc Frémiot l’Avocat général ayant requis l’acquittement de cette dernière, « Le rendez-vous inexorable qui guette toutes les femmes victimes de violences ».

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Pour lutter contre les violences faites aux femmes, la loi n’a cessé de s’étendre pour une amélioration de la prévention, de la protection des victimes et d’un renforcement de la répression.

Il y a bien sûr le volet pénal, qui permet de condamner l’auteur des violences à une peine de prison, mais il y a aussi, depuis deux ans, un volet civil qui démontre en la matière une utilité certaine.

En effet, la loi du 9 juillet 2010 a modifié les dispositions relatives aux violences conjugales en introduisant dans le système juridique français l’ordonnance de protection (articles 515-9 et suivants du Code Civil). Ces nouvelles règles sont applicables à tous les couples (mariés, concubins, pacsés) et mêmes pour des personnes séparés, qui ont été mariés, concubins ou pacsés.

L’ordonnance de protection a été mise en place dans le but de renforcer la protection de la victime de violences (physiques et psychologiques), de façon rapide et indépendante de l’existence d’une procédure pénale en cours ou d’une procédure de divorce.

- Comment obtenir la délivrance d’une ordonnance de protection ?

Elle doit être demandée par la victime de violences au Juge aux Affaires Familiales (JAF) du Tribunal du lieu de résidence du couple.

Dans un premier temps, il faut se présenter devant le Juge de permanence afin de lui expliquer l’urgence de la situation, pour qu’une audience soit fixée dans les jours qui suivent.

Pour démontrer l’urgence de la situation, et l’existence de violences, il est primordial d’être en mesure de produire des éléments de preuve significatifs : une plainte, des certificats médicaux, des attestations de l’entourage, ou d’associations et de services sociaux. Une simple main courante n’est pas un élément de preuve suffisant.

Une fois la date de l’audience fixée, les deux parties seront convoquées (et pourront se présenter avec un avocat chacun). La victime, ou son avocat, devra alors, lors de cette audience, démontrer au Juge aux Affaires Familiales qu’elle est en danger à cause du comportement de son conjoint, ou ex conjoint.

Le Juge examine les éléments produits et estime s’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime est exposée. Il entendra chaque partie puis rendra sa décision, en général dans les heures qui suivent.

- Quelles mesures peut contenir une ordonnance de protection ?

S’il estime qu’il existe une situation de violences et que la victime est en danger, le Juge aux Affaires Familiales rend une ordonnance de protection.

Par cette ordonnance, le Juge peut :

-  Ordonner la résidence séparée du couple et fixer les modalités de prise en charge des frais concernant ce logement (en principe, la jouissance du logement est attribuée à la victime des violences et ce même si le conjoint violent est l’unique propriétaire du logement),
-  interdire au conjoint violent d’entrer en relation avec son conjoint ou son ex conjoint,
-  interdire au conjoint violent de porter une arme,
-  autoriser la victime à dissimuler son domicile ou sa résidence et dans ce cas elle pourra élire domicile soit chez son avocat, soit auprès du Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance,
-  statuer sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, sur l’aide matérielle pour les partenaires d’un PACS
-  prononcer l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle de la partie demanderesse.

Les enfants, même s’ils ne sont pas victimes à proprement parler des violences de leurs parents, bénéficient également d’une protection grâce à l’ordonnance.

En effet, le Juge aux affaires familiales peut se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. Il peut donc fixer un droit de visite simple dans un endroit médiatisé à l’encontre de l’auteur des violences.

Il est important de souligner que les mesures de l’ordonnance de protection seront valables pour une durée maximale de quatre mois. Elles peuvent éventuellement être prolongées au-delà si, pendant ce délai, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée.

Pour les personnes étrangères bénéficiant d’une ordonnance de protection, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » sans condition de vie commune leur sera délivrée, et sera renouvelée automatiquement.

Si l’auteur des violences ne respecte pas les mesures de l’ordonnance de protection, il se rend coupable d’un délit puni de deux ans d’emprisonnement et de 15.000€ d’amende.


Ainsi, cette procédure, si elle n’est pas parfaite, permet d’avoir une réponse rapide et souvent adaptée, à des situations de violences conjugales. Elle est bien souvent plus efficace qu’une procédure pénale, très souvent lourde et longue.

Juliette Daudé
Avocate à la Cour
Site : http://cabinet-avocat-daude.fr/

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Discussions en cours :

  • Bonjour. En mai 2018 le père de mes enfants a été condamné à 7ans de prison pour tentative de meurtre sur conjoint. Il pourra sortir probablement début 2020.
    Mon avocate me dit que je ne peux pas espèrer de mesure de protection à sa sortie. Comment se protéger sachant qu’aujourd’hui je pense au suicide à l’idée de sa sortie. Oui, je sais j’ai 2 enfants. Mais comment vivre avec cette peur quotidienne. Il n’était pas violent physiquement avant ces faits. Et passé facilement pour un doux monsieur...

    • par Lilou , Le 16 novembre 2018 à 14:25

      Vous pourrez demander a votre avocat que votre conjoint ait une interdiction de vous approcher et d entrer dans votre ville.
      La peur engendree par l experience vecue et les pensees de ce qui pourrait arriver dans le futur cree un stress important.
      Vous avez survecu maintenent vivez . Demandez au CIDFF un telephone grand danger. Vous arriverez a surmonter cette epreuve .

  • par Charrier Auger , Le 28 juin 2018 à 04:50

    Merci pour ces informations ... J ai peur car mon ex concubin sort en août après 1 an de prison dû à ma plainte... Il y a eu bcp de victimes co latérale mes voisins de palier dont leurs enfants en bas âge qui étaient terrorisés, je reprends les termes de leur maman... Mon ex concubin passait sa nuit sur le palier à donner des grands coups de pieds dans ma porte imaginer l enfer pour mes voisins et moi j étais terrifiée et cachée dans ma penderie croyant à chaque fois que la porte allait cédée !! Je n qu jamais eu peur comme ça de ma vie !!! Il m a aussi séquestrée dans un appartement qu on lui avait prêté et m a tabassée pdt 3,4 hres d affilés... Et j ai terriblement peur que les violences recommence... Il m a écrit qu il me demandait pardon pour cette "violence gratuite" je le cite... Je n arrête pas d appelé mon avocat d écrire au procureur de la République et donc il vaut mieux au juge des affaires familiales c est noté et merci pour ces informations, bien à vous, Anne.

  • par Robert Van De Dendermonde , Le 15 janvier 2018 à 18:26

    "Pour lutter contre les violences faites aux femmes"...
    Et la violence faite aux hommes ?
    J’ai 65 ans, je suis insuffisant cardiaque, j’ai subi une dizaine d’opérations dont une valvuloplastie mitrale et ma future ex-épouse n’a de cesse de me menacer de dénonciations calomnieuses et mensongères, ce qui entraîne, entre autres, un stress particulièrement dangereux dans mon état.
    J’ai beau faire le tour des textes civils et pénaux du Droit français, je ne trouve rien qui me permette de saisir un Juge ou un Procureur. Quand à aller déposer plainte à la Gendarmerie, j’imagine assez bien comment je serai reçu du haut de mon mètre 85 et de mes 90 kilos parce que, voyez-vous, le handicap cardiaque ne se voit pas...
    Alors, que faire ?

  • Dernière réponse : 15 novembre 2017 à 15:44
    par Chouadra , Le 24 octobre 2017 à 19:40

    Bonjour
    Une amie à subit il y a 4 jours la foudre de son ex mari, avec qui elle est séparée depuis 2 ans. Il l’a battu chez elle devant sa fille de 7ans, 1 côté fêlé, decollement du tympan, des dizaines de bleu !elle a porté plainte et est actuellement réfugiée en sécurité mais à peur ! Elle a passer des tas d examen depuis, à 10j d ITT, mais ne bénéficie pas d une protections d urgence.son ex la harcèle au téléphone ainsi que sa fille. C est peut être.un peu tôt mais va t elle bénéficier d une ordonnance de mise en protection rapidement ? Merci

    • par CHARLES-GARNIEL , Le 15 novembre 2017 à 15:44

      Chère Madame,
      Pour que votre amie puisse bénéficier d’une ordonnance de protection, il faut encore qu’elle en fasse la demande auprès du Juge aux Affaires Familiales compétent.
      Pour se faire, elle peut s’adresser à un avocat qui se chargera de rédiger la requête et joindre tous les justificatifs nécessaires.
      Une date d’audience est fixée par le juge en urgence, et les parties sont convoquées.
      La vraisemblance des violences et l’actualité du danger (les deux critères principaux) sont débattus à l’audience.
      Le juge rend sa décision quelques heures ou jours après l’audience.
      En espérant avoir répondu à votre interrogation,
      Cordialement,
      Rebecca CHARLES-GARNIEL
      Avocat
      http://www.rcg-avocat.fr/

  • cette loi est instrumentalisée maintenant voire injuste dans certain cas détournée par l’épouse en cas de divorce ou seulement l’ intention ddu divorce par le mari maintenant cette procedure est devenue de l’injustice vue que les Jaf sont incompétents en matière de déceler la diffamation et la calomnie face a l’urgence de la procedure selon l’exposition superficielle par l’avocate de l’épouse, je connais deux cas victimes d’allégations mensongères, par leurs épouses en s’appuyant sur des faux témoignages souvent des intervenantes associatives et sociales (assistante sociale, maisons des femmes, psychologue de police..), condamnés les deux de de séparation injuste et une somme abusive de contribution au mariage sans enfants l’un a fait une dépression sévère(la vengeance est le résultat d’un détournement d’une loi par les femmes maintenant) l’autre il est en dépression mais garde son travail il se bat pour prouver son innocence (énormes dépenses) dans le cas d’un mariage gris.

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