Panorama de jurisprudence portant sur une partie des arrêts du 16 mai 2024 de la Cour de Cassation en matière de protection sociale.

Par Renaud Deloffre, Magistrat.

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Le lecteur trouvera dans cet article un panorama de jurisprudence portant sur une partie des arrêts rendus par la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation en matière de protection sociale le 16 mai 2024 (arrêts publiés sur le site de la Cour et sur Legifrance).

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Deux arrêts importants, dont l’extrait d’un seul est reproduit ci-dessous, dont il résulte que les certificats de prolongation n’ont pas à figurer dans le dossier d’instruction de la déclaration d’un AT/MP mis par la caisse à la consultation des parties.

Ces arrêts mettent fin à l’incertitude sur cette question qui donnait lieu à une divergence de jurisprudence des cours d’appel, une partie des cours estimant que les certificats de prolongation devaient figurer au dossier et une autre partie statuant en sens contraire.

La Cour de Cassation n’avait jusqu’ici pas statué par un arrêt motivé mais avait rendu deux décisions de non-admission dans le sens de l’obligation pour la caisse de faire figurer les certificats au dossier mis à la consultation de l’employeur.

- Arrêt n° 425 FS-B
(Pourvoi n° B 22-15.499)

« Vu les articles R. 441-13 et R. 441-14 du Code de la Sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue du décret n° 2016-756 du 7 juin 2016 et le second dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige :
5. Selon le second de ces textes, dans les cas où elle a procédé à une instruction conformément au dernier alinéa de l’article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de faire grief ainsi que la possibilité de venir consulter le dossier mentionné à l’article R. 441-13.
6. Afin d’assurer une complète information de l’employeur, dans le respect du secret médical dû à la victime, le dossier présenté par la caisse à la consultation de celui-ci doit contenir les éléments recueillis, susceptibles de lui faire grief, sur la base desquels se prononce la caisse pour la reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie ou d’un accident.
7. Il en résulte que ne figurent pas parmi ces éléments les certificats ou les avis de prolongation de soins ou arrêts de travail, délivrés après le certificat médical initial, qui ne portent pas sur le lien entre l’affection, ou la lésion, et l’activité professionnelle.
8. Pour déclarer inopposable à l’employeur la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, l’arrêt constate que la caisse, ne pouvant organiser la consultation sur place, a transmis à l’employeur une copie de la déclaration de maladie professionnelle, du certificat médical initial, des colloques médico-administratifs et du questionnaire rempli par l’employeur. Il retient que la caisse doit mettre à disposition de ce dernier, pour consultation, les différents certificats médicaux recueillis et versés obligatoirement au dossier, parmi lesquels figurent les certificats de prolongation. Il ajoute que le respect de cette obligation d’information se justifie par la présence de plusieurs pathologies déclarées.
9. En statuant ainsi, alors qu’aucun manquement au respect du principe du contradictoire ne pouvait résulter de ce que les certificats médicaux de prolongation n’avaient pas été mis à la disposition de l’employeur, la cour d’appel, qui constatait qu’au cas présent, l’employeur avait eu communication de la déclaration de maladie professionnelle, du certificat médical initial, des colloques médico-administratifs et des questionnaires salarié et employeur, a violé les textes susvisés. »

L’action en reconnaissance de la faute inexcusable doit être dirigée contre l’employeur, avec appel de la caisse en déclaration de jugement commun, mais elle ne peut tendre qu’à la fixation des indemnités complémentaires et non à la condamnation de l’employeur ou de la caisse.

Est donc cassé l’arrêt ayant confirmé un jugement décidant qu’étaient irrecevables les demandes des ayants-droits de la victime au titre des indemnités complémentaires de l’article L.452-3 du Code de la Sécurité sociale au motif qu’elles n’étaient pas dirigées contre l’employeur, l’arrêt ayant par ailleurs décidé que les demandes dirigées contre l’employeur en cause d’appel étaient irrecevables pour être nouvelles.

- Arrêt n° 427 F-B
(Pourvoi n° U 22-17.217)

« Vu les articles L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale :
5. Aux termes du premier de ces textes, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.
6. Selon le deuxième de ces textes, en cas de faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues. La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans des conditions déterminées par décret.
7. Selon le troisième de ces textes, en cas d’accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n’ont pas droit à une rente en vertu des dits articles, peuvent demander à l’employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction de sécurité sociale. La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur.
8. Il résulte de la combinaison de ces textes que si l’action en reconnaissance de la faute inexcusable ne peut être dirigée que contre l’employeur de la victime, quelque soit l’auteur de la faute et en présence de la caisse, l’instance en indemnisation des conséquences de la faute inexcusable ne peut avoir pour objet, à l’issue de sa reconnaissance, que la fixation des indemnités complémentaires et non la condamnation de l’employeur ou de la caisse, qui est seulement chargée de faire l’avance des prestations et indemnités et dispose d’un recours contre l’employeur.
9. Pour rejeter les demandes des ayants droit de la victime et déclarer irrecevables leurs demandes en cause d’appel contre l’employeur, l’arrêt énonce que les dispositions des articles L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale font obstacle à ce que la majoration de rente ou l’indemnisation des préjudices complémentaires résultant de la faute inexcusable soient attribuées dans le cadre d’un litige opposant la seule caisse primaire aux ayants droit de la victime alors que l’employeur est débiteur des indemnisations dans le cadre de l’action récursoire ouverte à l’organisme. Il ajoute que les demandes des ayants droit à l’encontre de l’employeur constituent des prétentions nouvelles à hauteur d’appel.
10. En statuant ainsi, alors qu’il résulte des productions que les ayants droit avaient dirigé leurs conclusions de première instance tendant à la majoration de la rente de la veuve de la victime et à la réparation de leurs préjudices tant à l’encontre de la caisse qu’à l’encontre de l’employeur qui avait été appelé en la cause devant le tribunal, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Un arrêt dont il résulte que l’obligation de notification de la mise en demeure au débiteur des cotisations sociales n’est pas exigée à peine de démonstration d’un préjudice ou d’un grief.

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait rejeté la demande de nullité de la mise en demeure au motif que si elle aurait dû être notifiée au siège social de la société cotisante et non à un de ses établissements secondaires, la société ne prouvait pas que cette irrégularité de procédure lui ait occasionné un grief dans la mesure où elle avait reçu la mise en demeure dans des délais lui ayant permis d’opérer son recours et d’exercer l’ensemble de ses droits.

Le pourvoi portait uniquement sur l’exigence par la cour de la démonstration d’un grief et non sur l’affirmation de la cour, favorable à l’auteur du pourvoi, selon laquelle la mise en demeure aurait dû être adressée à la société à son siège et non à un de ses établissements secondaires. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation ne répond pas à l’argumentation de l’URSSAF, contenue dans son mémoire en défense, selon laquelle elle avait adressée à juste titre la mise en demeure à l’établissement destinataire dans la mesure où ce dernier réglait les cotisations sociales.

L’arrêt est donc totalement étranger à la problématique de la détermination de l’adresse à laquelle doit être notifiée la mise en demeure et il ne fait que rappeler que la nullité de la mise en demeure notifiée à une adresse qui n’est pas celle du débiteur des cotisations n’est pas subordonnée à la preuve d’un grief.

La jurisprudence de la Cour de cassation est fixée sur ce point de longue date. Ainsi dans un arrêt du 24 novembre 1994 la chambre sociale [1] décide-t-elle que « la mise en demeure qui constitue un invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation ; qu’à cette fin, il importe qu’elle soit, à peine de nullité, notifiée au débiteur même des cotisations réclamées, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice ».

De même, la deuxième chambre civile [2] emploie-t-elle exactement la même formule dans un arrêt intervenu dans une configuration très proche de celle de l’arrêt du 16 mai 2024 ci-dessous reproduit puisque l’arrêt qui lui était déféré, ayant relevé que la mise en demeure avait été délivrée irrégulièrement au siège social du groupe à laquelle appartenait la société mais qu’il s’agissait d’une irrégularité de forme, qui n’est susceptible d’affecter la validité de la mise en demeure qu’en cas de grief, est également cassé pour violation du texte de l’article L.244-2 du Code de la sécurité sociale.

En ce qui concerne maintenant la question de savoir ce que recouvre la notion de débiteur des cotisations, il semble que la réponse soit assez clairement fournie par un arrêt de la chambre sociale du 4 mai 2000 [3] aux termes duquel la mise en demeure doit, lorsqu’elle n’est pas adressée au siège social de la société, être adressée à l’établissement désigné par celle-ci, une telle désignation résultant en particulier de ce que l’établissement a été chargé d’assurer le paiement des cotisations. L’on comprend de cet arrêt qu’il existe deux critères, celui de la désignation expresse et celui de la désignation implicite résultant de ce que l’établissement est chargé d’assurer le paiement des cotisations.

Il semble que la 2ème Chambre Civile s’en tienne à cette dichotomie aux termes de laquelle les deux critères de détermination de la personne devant recevoir la mise en demeures consistent soit dans la désignation de la personne chargée de recevoir la mise en demeure soit, en cas d’absence de désignation, dans le paiement des cotisations, même si elle ne reprend pas la même formulation que la chambre sociale.

Une série d’arrêts du 21 octobre 2021 [4] applique le critère de la désignation expresse dans des affaires similaires dans lesquelles était intervenu un protocole de versement en un lieu unique prévoyant une élection de domicile de toutes les sociétés d’un groupe à une adresse postale pour la notification des actes de la procédure de contrôle et de recouvrement.

Les employeurs en cause estimaient que cette façon de procéder était contraire aux dispositions d’ordre public de l’article L.244-2 du Code de la sécurité sociale imposant la notification de la mise en demeure au débiteur des cotisations et ils sollicitaient la nullité de cette dernière. Cette argumentation est rejetée par la Cour de cassation au motif que les arrêts déférés avaient constaté à juste titre que les mises en demeure avaient été adressées à l’adresse du domicile élu et qu’ils en avaient à juste titre déduit que l’URSSAF avait respecté la formalité substantielle prévue par l’article L. 244-2 précité.

La Cour de cassation retient donc clairement dans ces arrêts que la mise en demeure doit être adressée à la cotisante à l’adresse qu’elle a désigné.
Par contre, un arrêt du 1er décembre 2022 [5] se situe dans la problématique de la désignation implicite, même s’il n’en reprend pas à proprement parler la formulation, puisque sa majeure énonce que si l’employeur est le seul destinataire de l’avis de contrôle, la mise en demeure est envoyée, quant à elle, à l’établissement redevable des cotisations qui ont fait l’objet du contrôle et qu’elle approuve l’arrêt déféré d’avoir retenu que les procédures de contrôle et de recouvrement des cotisations étaient régulières après avoir relevé que l’URSSAF avait notifié l’avis de contrôle au siège de la société et n’avait pas l’obligation de l’envoyer à l’établissement contrôlé qui n’a pas la qualité d’employeur et que la mise en demeure avait pu être adressée directement à l’établissement qui disposait d’un numéro de Siret pour effectuer les déclarations de cotisations sociales.

- Arrêt n° 429 F-D
(Pourvoi n° K 22-16.450)

« Vu l’article L. 244-2 du Code de la Sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige :
4. Selon ce texte, toute action aux fins de recouvrement de cotisations sociales doit être précédée, à peine de nullité, d’une mise en demeure adressée au redevable.
5. La mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation. À cette fin, il importe qu’elle soit, à peine de nullité, notifiée au débiteur des cotisations réclamées, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice.
6. Pour rejeter la demande de nullité de la mise en demeure litigieuse, l’arrêt retient que si la société soutient à raison que la mise en demeure aurait dû être adressée à son siège social et non à un établissement secondaire, pour autant elle ne justifie pas du grief que lui a occasionné cette irrégularité de procédure, ayant reçu cette mise en demeure dans des délais lui ayant permis d’opérer son recours et d’exercer l’ensemble de ses droits.
7. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

Un intéressant arrêt portant sur la configuration dans laquelle la caisse prétend, dans les rapports caisse/employeur, obtenir un taux d’incapacité supérieur à celui qu’elle a initialement fixé dans les rapports caisse/salarié.
Dans cette affaire, la caisse avait fixé le taux d’incapacité du salarié à 12 % et le pôle social du tribunal de grande instance de Montpellier avait porté ce taux à 20% dont 5% au titre de l’incidence professionnelle.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille avait ensuite, dans les rapports entre la caisse et l’employeur, fixé le taux à 7%.
En appel du jugement intervenu dans les rapports caisse/employeur, la caisse sollicitait la fixation du taux à 20% dont 5% au titre de l’incidence professionnelle.
Or, on connaît la jurisprudence intervenue en matière d’action récursoire de la caisse et selon laquelle cette action ne peut s’exercer que dans la limite du taux initialement notifié à l’employeur par une décision définitive de la caisse [6].

Il est donc logique que la Cour de cassation, s’agissant de la problématique de la fixation du taux dans les rapports caisse/employeur, adopte une formulation cohérente avec celle qu’elle adopte en matière d’action récursoire de la caisse en indiquant qu’« il appartient au juge, saisi par l’employeur d’une contestation relative à l’état d’incapacité permanente de travail de la victime, de fixer le taux d’incapacité permanente à partir des éléments médicaux et médico-sociaux produits aux débats, dans la limite du taux initialement retenu par la caisse et régulièrement notifié à l’employeur » et en en déduisant qu’a commis une violation de la loi la cour fixant le taux d’incapacité permanente à 17 %, dont 5% d’incidence professionnelle alors que le taux initial fixé par la caisse était de 12%.

À noter l’existence d’un précédent publié [7] dont la majeure a été reprise par celui-ci-dessous.
Dans cette précédente affaire, la caisse avait fixé un taux purement médical de 10%, son praticien-conseil excluant même l’octroi d’un taux socio-professionnel, et la CNITAAT avait fixé le taux médical à 7% qu’elle avait augmenté d’un taux socio-professionnel de 3%, encourant les foudres du pourvoi qui soutenait que la caisse ne peut se prévaloir, dans ses rapports avec l’employeur, d’une majoration de taux au titre d’un coefficient professionnel qu’elle n’a pas attribué à l’assuré.

La cour rappelle dans la majeure qu’il appartient au juge, saisi par l’employeur d’une contestation relative à l’état d’incapacité permanente de travail de la victime, de fixer le taux d’incapacité permanente à partir des éléments médicaux et médico-sociaux produits aux débats, dans la limite du taux initialement retenu par la caisse et régulièrement notifié à l’employeur et elle approuve la Cour Nationale d’avoir dans cette limite, au terme de son pouvoir souverain d’appréciation, retenu un taux médical de 7% augmenté d’un taux socio-professionnel de 3 %.

La caisse est donc tenue par le taux global qu’elle a fixé initialement dans les rapports avec son assuré mais non par la qualification initiale du taux et elle peut donc solliciter du juge la reconnaissance d’une incidence professionnelle, qu’elle n’aurait pas retenue initialement et qui aurait même été exclue par son praticien-conseil, à la seule condition que le taux global qu’elle sollicite judiciairement n’excède pas le taux initial attribué au salarié.

- Arrêt n° 432 F-D
(Pourvoi n° R 22-23.516)

« Vu l’article L. 434-2, alinéa 1er, du code de la Sécurité sociale :
4. Aux termes de ce texte, le taux d’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.
5. Il appartient au juge, saisi par l’employeur d’une contestation relative à l’état d’incapacité permanente de travail de la victime, de fixer le taux d’incapacité permanente à partir des éléments médicaux et médico-sociaux produits aux débats, dans la limite du taux initialement retenu par la caisse et régulièrement notifié à l’employeur.
6. Pour fixer, dans les rapports caisse-employeur, le taux d’incapacité permanente à 17 %, l’arrêt retient que le taux purement médical de 12 % fixé par la caisse doit être confirmé, mais qu’il doit être tenu compte en sus de l’incidence professionnelle, évaluée à 5 %.
7. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

Une enquête est obligatoire en cas de décès et elle doit être diligentée à l’égard de l’employeur. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt ci-dessous un salarié d’une société de travail temporaire était décédé chez l’entreprise utilisatrice. La caisse avait diligenté une enquête en recueillant les observations de cette dernière et de l’épouse de la victime ce qui avait été considéré comme suffisant par la cour d’appel en termes de respect du contradictoire envers l’employeur. La Cour de cassation casse au motif que ce dernier n’avait pas reçu de questionnaire ( et on pourrait ajouter qu’il n’avait pas non plus été associé à l’enquête).
À noter que comme elle le fait de plus en plus souvent lorsque l’issue du litige est indiscutable, elle statue au fond et déclare la décision de prise en charge inopposable à l’employeur.

- Arrêt n° 433 F-D
(Pourvoi n° F 22-14.675)

« Vu l’article R. 441-11, III, du Code de la Sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige :
4. Selon ce texte, en cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.
5. Pour dire que la caisse a respecté le principe du contradictoire à l’égard de l’employeur, l’arrêt relève en substance que celui-ci, s’il n’a pas reçu de questionnaire, a adressé des réserves détaillées sur les causes et les circonstances de l’accident et que la caisse a diligenté une enquête et recueilli les observations de l’épouse de la victime ainsi que celles de la société utilisatrice, seule susceptible d’apporter des précisions sur les faits qui ont eu lieu dans ses locaux. Il ajoute que la caisse a prolongé le délai d’instruction pour prendre en compte le résultat de l’autopsie diligentée à l’initiative de l’employeur, a averti celui-ci dans le délai de 10 jours avant de prendre sa décision de sa possibilité de prendre connaissance du dossier et lui a transmis ces éléments, alors qu’aucun texte ne l’y obligeait. Il conclut que l’enquête diligentée par la caisse lui a permis de recueillir des éléments d’information complets et pertinents.
6. En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que l’employeur n’avait pas été destinataire du questionnaire, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt ci-dessous, la Cour de Cassation était saisie d’un pourvoi contre une décision de Cour d’Appel ayant fixé un taux d’incapacité à 0% aux motifs que la date de consolidation n’était pas fixée et que la caisse ne justifiait pas d’« une application pertinente du barème ».
L’arrêt déféré est cassé au motif qu’ « en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu’il lui appartenait de fixer la date de consolidation et que le barème d’invalidité n’est qu’indicatif, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Parmi les motifs inopérants pour justifier un taux 0, on relève également celui tiré du fait que l’examen de la victime a été pratiqué plusieurs mois avant la date de la consolidation [8].
On peut penser que de manière générale le fait que la juridiction ne dispose pas de suffisamment d’éléments pour statuer est un motif inopérant de fixation du taux à 0 %.
Ainsi dans un arrêt du 9 mai 2019 [9], la Cour de Cassation décide-t-elle que lorsqu’elle ne dispose pas de suffisamment d’éléments la cour doit recourir à toute mesure d’instruction utile.
Il faut relever que cette solution n’est cependant pas constante et que la Cour de cassation a pu rejeter des pourvois contre des décisions des juges du fond fixant à 0 % le taux d’incapacité à défaut d’éléments permettant d’évaluer les séquelles [10].

On notera enfin que la pratique se trouve parfois confrontée à des hypothèses dans lesquelles les éléments disponibles ne permettent pas de fixer un taux et où il apparaît de manière manifeste qu’il n’existe aucune perspective d’obtenir des éléments médicaux complémentaires.
On peut alors penser, mais sans certitude, que le juge peut alors fixer le taux à 0% dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation sans se voir reprocher de ne pas avoir eu recours à une mesure d’instruction par hypothèse vouée à l’échec.

- Arrêt n° 434 F-D
(Pourvoi n° H 22-11.364)

« Vu les articles L. 434-2 et R. 434-32 du Code de la Sécurité sociale :
4. Selon le premier de ces textes, le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.
5. Il appartient au juge, saisi par l’employeur d’une contestation relative à l’état d’incapacité permanente de travail de la victime, de fixer le taux d’incapacité permanente à partir des éléments médicaux et médico-sociaux produits aux débats, dans la limite du taux initialement retenu par la caisse et régulièrement notifié à l’employeur.
6. Pour fixer le taux d’incapacité permanente à 0 % dans les rapports caisse-employeur, la cour d’appel retient qu’en l’absence au dossier de date de consolidation de la maladie professionnelle déclarée le 21 novembre 2016, et faute pour la caisse de justifier d’une application pertinente du barème, le taux de 100 % ne pouvait être retenu.
7. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu’il lui appartenait de fixer la date de consolidation et que le barème d’invalidité n’est qu’indicatif, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Deux arrêts portant sur la question de la prise en charge de l’antianémique Vénofer, en sus du forfait dialyse, lorsqu’il est administré par voie intraveineuse aux patients pendant la séance de dialyse. L’association gestionnaire d’une unité de dialyse se voyait réclamer un indu au titre de la facturation de ce produit par les médecins hospitaliers et néphrologues, et la caisse avait été déboutée de sa demande par le tribunal au motif que le produit en question n’était pas inclus dans le forfait dialyse car il s’agit d’un complément à la dialyse dans l’intérêt du patient et pour son confort mais qui n’est pas en soi nécessaire à sa réalisation.

Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation qui commence par rappeler, dans sa majeure, que ne sont exclus de tous les forfaits mentionnés à l’article R. 162-32 et ne font l’objet d’une prise en charge distincte que les frais afférents à la fourniture des spécialités pharmaceutiques et des produits et prestations mentionnés à l’article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale aux termes desquels l’Etat fixe la liste des spécialités pharmaceutiques qui peuvent être prises en charge, sur présentation des factures, par les régimes obligatoires d’assurance maladie en sus des prestations d’hospitalisation mentionnées au 1° de l’article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale . Elle en déduit qu’alors qu’il constatait que les spécialités de fer injectable dont le Vénofer n’étaient pas inscrites sur la liste fixée par l’article L.162-22-7 le tribunal avait statué par des motifs inopérants et elle statue au fond en déboutant l’association de son recours et en la condamnant au paiement à la caisse du montant de l’indu notifié le 27 janvier 2015.

La Cour de Cassation condamne ainsi clairement le raisonnement consistant à admettre la tarification du produit litigieux à partir du moment où elle ne serait pas nécessaire à la dialyse et donc incluse dans le forfait dialyse et elle pose la règle que la tarification de l’antianémique Vénofer n’est pas possible en sus du forfait dialyse dans la mesure où il ne s’agit pas d’une spécialité pharmaceutique ou produit ou prestation mentionnés à l’article L.162-22-7 du Code de la Sécurité sociale.

- Arrêt n° 436 F-D
(Pourvoi n° M 22-14.404)

« Vu les articles L. 162-22-7 et R. 162-32-1, 1°, du Code de la Sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :
4. Selon le premier de ces textes, l’État fixe la liste des spécialités pharmaceutiques qui peuvent être prises en charge, sur présentation des factures, par les régimes obligatoires d’assurance maladie en sus des prestations d’hospitalisation mentionnées au 1° de l’article L. 162-22-6 du Code de la Sécurité sociale.
5. Il résulte du second que ne sont exclus de tous les forfaits mentionnés à l’article R. 162-32 et ne font l’objet d’une prise en charge distincte que les frais afférents à la fourniture des spécialités pharmaceutiques et des produits et prestations mentionnés au premier.
6. Pour rejeter la demande de remboursement de la caisse, le jugement relève, après avoir énoncé qu’il est constant que les spécialités de fer injectable, dont le Vénofer, ne sont pas inscrites sur la liste fixée par l’article L. 162-22-7, que le forfait dialyse couvre tout ce qui est nécessaire à la réalisation de la dialyse, soit les médicaments et soins nécessités par l’affection qui en est la cause. Il ajoute que l’administration des spécialités de fer injectable, qui traitent l’anémie chez les patients atteints d’insuffisance rénale chronique présentant une carence en fer, soigne une pathologie distincte de l’insuffisance rénale chronique et pouvait être réalisée de manière autonome. Il retient en conséquence que le Venofer n’est pas inclus dans le forfait dialyse.
7. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu’il constatait que les spécialités de fer injectable, dont le Vénofer, n’étaient pas inscrites sur la liste fixée par l’article L. 162-22-7, le tribunal a violé les textes susvisés. »

Réaffirmation de la solution ancienne en la matière : l’employeur a une seconde chance par la voie de l’opposition à contrainte lorsqu’il n’a pas contesté la mise en demeure. Cette solution venait d’être rappelée dans un arrêt relativement récent du 30 novembre 2023 [11].

La solution est traditionnelle, même si elle est exprimée de manière plus claire qu’auparavant depuis un arrêt du 22 septembre 2022 suivi de plusieurs arrêts dans le même sens et, avant l’arrêt du 30 novembre 2023, par un arrêt du 16 mars 2023.

Il n’est pas exact que cette solution résulterait de l’arrêt du 22 septembre 2022, comme l’indique l’arrêt du 16 mars 2023, et que cet arrêt du 22 septembre 2022 serait constitutif d’un revirement de la jurisprudence antérieure en sens contraire résultant d’un arrêt du 4 avril 2019 ( n° 18-12.014).

Il ne résulte pas en effet de ce dernier arrêt que le cotisant n’ayant pas engagé de recours contre la mise en demeure soit forclos à contester le bien-fondé du redressement par voie d’opposition à contrainte.
Certes, la majeure de l’arrêt était ambiguë en ce qu’elle indiquait que « le cotisant qui n’a pas contesté en temps utile la mise en demeure qui lui a été adressée au terme des opérations de contrôle, ni la décision de la commission de recours amiable saisie à la suite de la notification de la mise en demeure, n’est pas recevable à contester, à l’appui de l’opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le bien-fondé des chefs de redressement qui font l’objet de la contrainte ».

Cependant, il résultait de la mineure et du conclusif que le motif de rejet du pourvoi était l’absence de recours dans le délai imparti à l’encontre de la décision de la commission de recours amiable ce dont il résultait qu’il ne pouvait plus être discuté du bien fondé du redressement litigieux, même si l’opposition à contrainte formée par la société était bien recevable.
Cet arrêt du 4 avril 2019 s’inscrivait en réalité dans la droite ligne de la jurisprudence antérieure qui était de longue date dans le sens que lorsque l’organisme chargé du recouvrement agit en paiement ou délivre une contrainte à laquelle il est fait opposition par le cotisant, ce dernier ne peut se voir opposer la forclusion du recours contre la mise en demeure [12] sauf lorsqu’ayant saisi la commission de recours amiable il s’est abstenu de saisir le Tribunal dans les deux mois du rejet de son recours auprès de cette dernière auquel cas, si son opposition n’est pas de ce fait irrecevable, il n’est pas recevable à contester, à l’appui de l’opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le bien-fondé des chefs de redressement qui font l’objet de cette dernière [13].

- Arrêt n° 453 F-D
(Pourvoi n° C 22-13.430)

« Vu les articles L. 433-2, R. 433-4 et R. 436-1 du Code de la Sécurité sociale, les deux derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2014-953 du 20 août 2014, applicable au litige :
4. ll résulte du dernier de ces textes, que le salaire servant de base au calcul de l’indemnité journalière par application du premier, s’entend des rémunérations, au sens de l’article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale, versées au travailleur en contrepartie ou à l’occasion du travail, et afférentes à la période à considérer dans chacun des cas prévus au deuxième.
5. ll en résulte que la prime de performance, versée à l’occasion du travail et qui se rapporte à l’ensemble de l’année civile, doit être prise en compte dans le salaire servant de base au calcul de l’indemnité journalière à concurrence de la fraction correspondant à la période de référence.
6. Pour annuler l’indu d’indemnités journalières, le jugement énonce que doivent être intégrées dans le salaire de base les primes versées par l’employeur au cours de la période de référence constituant un supplément de rémunération. Il constate que l’assuré a perçu des indemnités journalières versées du 10 janvier 2020 au 1ᵉʳ mars 2020 calculées à partir de l’attestation de salaire remplie par l’employeur qui comportait une prime de performance versée en fin d’année 2019 et que la caisse a recalculé le montant des indemnités journalières en ne prenant en compte que le montant proratisé de cette prime sur chaque mois de l’année. Il retient que, la prime de performance ayant été versée en fin d’année 2019 pendant la période de référence, la caisse doit l’intégrer dans le salaire de base dans sa totalité.
7. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser, pour la prime litigieuse, les éléments de nature à justifier sa prise en compte pour l’intégralité de son montant dans la base de calcul du salaire de référence retenu pour la détermination des indemnités journalières litigieuses, le tribunal a privé sa décision de base légale. »

Renaud Deloffre
Conseiller à la Chambre de la Protection Sociale de la Cour d’Appel d’Amiens.
Docteur de troisième cycle en sciences juridiques.

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[1Soc., 24 novembre 1994, pourvoi n° 92-20.508, Bulletin 1994 V n° 313

[22e Civ., 12 novembre 2020, pourvoi n°19-19.167, P

[3Soc., 4 mai 2000, pourvoi n° 98-14.523

[42e Civ., 21 octobre 2021, pourvoi n° 20-17.721, 20-17.744, 20-17.722, 20-17.745, 20-17.723, 20-17.746, 20-17.724, 20-17.747, 20-17.725, 20-17.748, 20-17.726, 20-17.728, 20-17.727, 20-17.750, 20-17.729, 20-17.732, 20-17.733, 20-17.734, 20-17.735, 20-17.736, 20-17.737, 20-17.738, 20-17.716, 20-17.739, 20-18.728, 20-17.740, 20-17.718, 20-17.719, 20-17.742, 20-17.743

[52e Civ., 1 décembre 2022, pourvoi n° 20-23.674

[6Par exemple : 2e Civ., 9 mai 2018, pourvoi n° 17-16.963 ; 2e Civ., 8 novembre 2018, pourvoi n° 17-21.515

[72e Civ., 22 septembre 2022, pourvoi n° 21-13.232

[82ème Civ du 24 janvier 2019 n° 17-31.275

[9Pourvoi n° 18-50.025

[10En ce sens l’arrêt de la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation du 15 février 2018 n° 17-12.558 et la décision de non admission du 31 mai 2018 n° 17-19.914

[112e Civ., 30 novembre 2023, pourvoi n° 21-20.778, 21-20.779

[12En ce sens Soc., 14 mars 1996, pourvoi n° 94-15.516, Bulletin 1996 V n° 99 ; Soc., 30 octobre 1997, pourvoi n° 95-13.808, 95-13.809, 95-13.810, 95-13.811 ; Soc., 15 juillet 1999, pourvoi n° 96-19.245, Bull. 1999, V, n° 355 ; 2e Civ., 12 février 2009, pourvoi n° 07-12.075

[13En ce sens 2e Civ., 16 novembre 2004, n° 03-13.578 ; Soc. 5 juin 1997, n° 95-17.148 ; Soc. 6 décembre 1990, n° 88-19.849 ; 2e Civ., 22 janvier 2009, n° 07-21.555 ; 2e Civ., 16 juin 2016, pourvoi n° 15-20.542

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