Procédure disciplinaire des chirurgiens-dentistes : fautes et sanctions disciplinaires.

Par Avi Bitton, Avocat et Anna Forestier, Juriste.

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Les chirurgiens-dentistes peuvent faire l’objet de poursuites disciplinaires, notamment sur plainte d’un patient.
Quelles sont les fautes déontologiques qui sont habituellement sanctionnées par les chambres disciplinaires ?
Quelles sont les sanctions disciplinaires infligées ?

-

Les chirurgiens-dentistes sont soumis aux règles déontologiques énumérées aux articles R4127-201 et suivants du Code de la santé publique (CSP).

Ainsi, en cas de manquement à ces obligations, un chirurgien-dentiste peut faire l’objet d’une procédure disciplinaire.

Quelles sont les fautes déontologiques qui sont habituellement sanctionnées par les chambres disciplinaires ? Quelles sont les sanctions disciplinaires infligées ?

Selon l’article L4124-6 du Code de la santé publique, les peines disciplinaires que la chambre disciplinaire de première instance peut appliquer sont les suivantes :
- L’avertissement ;
- Le blâme ;
- L’interdiction temporaire avec ou sans sursis d’exercer une, plusieurs, ou la totalité de ses fonctions. Cette interdiction ne peut excéder trois années ;
- La radiation du tableau de l’ordre.

Voici quelques exemples de condamnations disciplinaires.

1. Les manquements au devoir d’information.

L’information du patient est un préalable nécessaire à son consentement libre et éclairé aux soins réalisés sur sa personne.

Ainsi, l’article L1111-2 du CSP dispose que

« Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé.
Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leur conséquences…
 ».

L’article L1111-4 du CSP précise

« Aucun acte médical, ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ».

Cependant, le chirurgien-dentiste pourra être exonéré de son obligation d’information en cas d’urgence ou d’impossibilité de recueillir le consentement du patient.

- Un chirurgien-dentiste a manqué à son obligation d’information en ayant informé sa patiente de la pose d’une couronne dentaire mais pas de la pose d’une couronne de type à incrustation vestibulaire. De plus, le fait que la patiente détienne des connaissances en matière médicale ne dispense pas le chirurgien-dentiste de l’informer (CE, 12 février 2020).

2. La mauvaise qualité des soins.

Le chirurgien-dentiste a l’obligation de donner à son patient des soins consciencieux conformes aux données acquises de la science (art. R4127-233 du CSP). Ainsi, des soins non-consciencieux, dangereux ou inadaptés seront constitutifs d’une faute.

L’article R127-204 du CSP dispose que

« Le chirurgien-dentiste ne doit en aucun cas exercer sa profession dans des conditions susceptibles de compromettre la qualité des soins et des actes dispensés ainsi que la sécurité des patients. Il doit notamment prendre, et faire prendre par ses adjoints ou assistants, toutes dispositions propres à éviter la transmission de quelque pathologie que ce soit. Sauf circonstances exceptionnelles, il ne doit pas effectuer des actes, donner des soins ou formuler des prescriptions dans les domaines qui dépassent sa compétence professionnelle ou les possibilités matérielles dont il dispose ».

- Un manquement aux règles d’hygiène peut justifier une radiation (CE, 4 juillet 2012, n°344922). Ainsi, l’absence d’un moyen de stérilisation en état de marche justifie une interdiction d’exercice de 4 mois (CDNOCD, 28 juin 2012, n°1985).

- Les soins de mauvaises qualités qui ont contribué à la dégradation de l’état de santé bucco-dentaire d’une patiente, qui a subi des abcès et a du se faire reposer les prothèses fournies, justifient une interdiction d’exercice de 3 mois (CE, 19 juin 2002, n°228880B).

- La confusion inacceptable entre les matériaux d’une prothèse justifie une interdiction d’exercice de 3 mois (CE, 5 mars 1986, n°56665).

- Le choix d’une solution protéique sur une patiente de 13 ans, impliquant la mutilation de dents saines et rendant tout implant futur impossible, sans informer la mère des conséquences et sans devis préalable justifie une interdiction d’exercice de 6 mois, dont 4 avec sursis (CDNOCD,9 septembre 2010 n°1829).

- Le fait de couronner des dents exemptes de toute lésion justifie une interdiction d’exercer de 4 mois, dont 2 avec sursis (CDNOCD, 13 mai 2013, n°2064).

3. La faute commise dans la fixation des honoraires.

L’article R4127-240 du CSP prévoit :

« Le chirurgien-dentiste doit toujours déterminer le montant de ses honoraires avec tact et mesure. Les éléments d’appréciation sont, indépendamment de l’importance et de la difficulté des soins, la situation matérielle du patient, la notoriété du praticien et les circonstances particulières ».

- Tout traitement en l’absence de devis, lorsque celui-ci est exigé, constitue une faute et justifie une interdiction d’exercice de 15 jours (CE, 27 septembre 2022, n°210575 B).

- Est justifié l’avertissement prononcé à l’encontre d’un chirurgien-dentiste qui a réclamé des honoraires alors qu’il n’avait pas effectué de soins, le fait que la patiente ait décommandé le rendez-vous une heure plus tôt n’ayant pas d’incidence (CDNOCD, 7 juillet 2011, n°1834).

4. Le détournement de clientèle.

L’article R4127-262 du CSP dispose que « Le détournement ou la tentative de détournement de clientèle est interdit ».

Ainsi, constitue un détournement de clientèle le fait pour un chirurgien-dentiste de continuer d’exercer près du cabinet qu’il a cédé à un confrère, malgré une clause de non-réinstallation (CE, 8 novembre 1985, n°54437 B).

Il n’existe pas de critère légal qui détermine une distance minimale à respecter entre l’ancien et le nouveau lieu d’exercice professionnel, la situation est appréciée au cas par cas, en fonction des circonstances locales géographiques, démographiques et sanitaires, ainsi que de la démographie médicale.

- Une réinstallation à une distance d’1 km au sein d’une agglomération telle que Vésoul, n’apparait pas comme déloyale (CDNOCD, 18 novembre 2021, n°3049).

5. L’atteinte à la dignité professionnelle.

Il ressort de l’article R4127-203 du CSP que

« Tout chirurgien-dentiste doit s’abstenir, même en dehors de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci. Il est interdit au chirurgien-dentiste d’exercer en même temps que l’art dentaire une autre activité incompatible avec sa dignité professionnelle ».

- Ainsi, une fraude fiscale avec organisation de son insolvabilité justifie une interdiction d’un an d’exercice avec sursis (CDNOCD, 26 février 2009, n°1723).

Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris
Ancien Membre du Conseil de l’Ordre
Site : https://www.avibitton.com

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